LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 janvier 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 120 F-D
Pourvoi n° M 18-25.520
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2020
La société Sibarth, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° M 18-25.520 contre l'arrêt rendu le 30 juillet 2018 par la cour d'appel de Basse-Terre (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. B... P..., domicilié [...],
2°/ à la société [...] , société à responsabilité limitée, dont le siège est [...],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sibarth, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. P... et de la société [...] , et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article 565 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sibarth a assigné M. P... et la société [...] devant un tribunal de grande instance en paiement d'une certaine somme présentée comme la conséquence d'un versement indu ; que devant la cour d'appel, la société Sibarth a demandé l'annulation de la relation contractuelle entre les parties ainsi que la condamnation, en conséquence, de M. P... et de la société [...] au paiement de la même somme ;
Attendu que, pour déclarer la société Sibarth irrecevable en sa prétention tendant à l'annulation du contrat, l'arrêt retient que le paiement indu apparaît lorsque la dette est inexistante, le paiement étant alors dépourvu de cause pour l'une et l'autre partie, ou lorsqu'il existe une dette mais que le paiement intervient sans qu'il existe de lien d'obligation entre les parties tandis que l'action en nullité tend à l'anéantissement rétroactif du contrat conclu entre les parties en raison du vice du consentement de l'une d'elles, que l'action en restitution de l'indu tend à la restitution d'une somme d'argent tandis que l'annulation du contrat tend à la remise des parties en l'état antérieur, les restitutions qui en découlent étant réciproques, ce dont il se déduit que la prétention à l'annulation présentée devant la cour d'appel par la société Sibarth est nouvelle puisqu'elle n'a pas été soumise à l'appréciation du premier juge et ne tend pas aux mêmes fins que la prétention à la répétition de l'indu soumise à celui-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande de la société Sibarth en annulation de la relation contractuelle, qui visait à obtenir la restitution de la somme qu'elle avait versée à M. P... et à la société [...] , tendait aux mêmes fins que sa prétention initiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne M. P... et la société [...] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. P... et de la société [...] ; les condamne à payer à la société Sibarth la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Sibarth
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société SIBARTH irrecevable en sa prétention tendant à l'annulation du contrat ;
Aux motifs qu' : « il est de principe, énoncé à l'article 564 du code civil, qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'aux termes de l'article 565 de ce code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; que, devant le premier juge, la société SIBARTH a fondé sa demande sur le remboursement de l'indu ; que, devant la cour, elle sollicite l'annulation du contrat de prestations de service pour vice du consentement ; que le paiement indu apparaît lorsque la dette est inexistante, le paiement étant alors dépourvu de cause pour l'une et l'autre partie, ou lorsqu'il existe une dette mais que le paiement intervient sans qu'il existe de lien d'obligation entre les parties ; que l'action en nullité tend à l'anéantissement rétroactif du contrat conclu entre les parties en raison du vice du consentement de l'une d'elles ; que l'action en restitution de l'indu tend à la restitution d'une somme d'argent ; que l'annulation du contrat tend à la remise des parties en l'état antérieur, les restitutions qui en découlent étant réciproques ; qu'il faut en déduire que la prétention à l'annulation présentée devant la cour d'appel par la société SIBARTH est nouvelle puisqu'elle n'a pas été soumise à l'appréciation du premier juge et ne tend pas aux mêmes fins que la prétention à la répétition de l'indu soumise à celui-ci ; la première n'étant virtuellement pas comprise dans la seconde au sens de l'article 566 du code, et n'en étant ni l'accessoire, la conséquence ou le complément, il convient de la déclarer irrecevable » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'en statuant comme elle l'a fait, bien qu'il résultait de ses constatations que la demande d'annulation pour vice du consentement formée en appel tendait, comme la demande en paiement de l'indu soulevée en première instance, au remboursement du montant total (237.822,34 euros) des factures réglées aux prestataires de 2012 à 2014, de sorte qu'elle n'était pas nouvelle, la cour d'appel n'en a pas tiré les conséquences légales et, partant, a violé l'article 565 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans nullement rechercher si, indépendamment de la question de la répétition de l'indu, la demande de la société SIBARTH formée en première instance au visa notamment de l'article 1108 du code civil dans sa rédaction applicable au litige n'était pas également fondée sur le défaut de validité du contrat, de sorte qu'elle tendait aux mêmes fins que la demande d'annulation du contrat formée en appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 565 du code de procédure civile.