LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 février 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 173 F-D
Pourvoi n° C 18-24.109
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 FÉVRIER 2020
1°/ Mme G... V... veuve W..., domiciliée [...] ,
2°/ M. Y... W..., domicilié [...] ,
3°/ M. H... W..., domicilié [...] ,
4°/ Mme C... W..., domiciliée [...] ,
5°/ Mme B... W...,
6°/ M. S... W...,
7°/ Mme Q... W...,
tous trois domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° C 18-24.109 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 3 - sécurité sociale), dans le litige les opposant au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme V... veuve W..., Mmes Q..., C... et B... W... et MM. S..., Y... et H... W..., de Me Le Prado, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 6 septembre 2018) et les productions, que P... W... a présenté, à la suite de son exposition à l'amiante, une fibrose pulmonaire, diagnostiquée le 27 novembre 1990, dont le caractère professionnel a été reconnu par son organisme de sécurité sociale ; que son état de santé s'est aggravé par l'apparition d'un cancer broncho-pulmonaire, diagnostiqué le 13 juillet 2004, qui a également été pris en charge au titre de la législation professionnelle et dont il est décédé le 16 avril 2006 ; que P... W... a saisi le 10 mars 2003 un tribunal des affaires de sécurité sociale qui a, par jugement du 28 juillet 2004, retenu la faute inexcusable de son employeur, fixé au maximum la majoration de la rente et ordonné avant dire droit une mesure d'expertise médicale ; que Mme G... V... veuve W... et ses six enfants, Q..., C..., B..., S..., Y... et H... W... (les consorts W...) ont repris l'instance engagée devant la juridiction de sécurité sociale et obtenu par jugement du 26 septembre 2008, l'allocation de diverses indemnités au titre des préjudices extra-patrimoniaux de P... W... et de leurs préjudices personnels ; que les consorts W... ont alors saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) le 25 mars 2016 d'une demande tendant notamment à obtenir l'indemnisation des préjudices subis par P... W... ; qu'ils ont formé plusieurs recours contre les décisions de rejet du FIVA ;
Attendu que les consorts W... font grief à l'arrêt de confirmer la décision de rejet du FIVA s'agissant de la demande au titre de la tierce personne pour cause de prescription ainsi que la décision de rejet du FIVA s'agissant de la demande formulée au titre de l'incapacité fonctionnelle de P... W... pour cause de prescription, alors, selon le moyen, que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en retenant, pour dire que l'action exercée par la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante devant la juridiction de la sécurité sociale tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'interrompt pas le délai de prescription de la demande d'indemnisation devant le FIVA, que cette demande ne peut être considérée comme virtuellement comprise dans cette action quand l'une et l'autre tendent pourtant au même but, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;
Mais attendu que c'est à bon droit que l'arrêt retient que l'action exercée par la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante devant la juridiction de sécurité sociale tendant à la déclaration de la faute inexcusable de l'employeur n'interrompt pas le délai de prescription de la demande d'indemnisation devant le FIVA, dès lors qu'elle n'a pas le même objet, ne repose pas sur la même cause et n'oppose pas les mêmes parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme G... V... veuve W..., Mmes Q..., C... et B... W... et MM. S..., Y... et H... W... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme V... veuve W..., Mmes Q..., C... et B... W... et MM. S..., Y... et H... W...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision de rejet du FIVA s'agissant de la demande au titre de la tierce personne pour cause de prescription ainsi que la décision de rejet du FIVA émise dans ses conclusions s'agissant de la demande formulée au titre de l'incapacité fonctionnelle de M. P... W... pour cause de prescription ;
AUX MOTIFS QUE les consorts W... ne contestent pas la fixation du point de départ du délai de prescription de 10 ans opposable à leur demande d'indemnisation des préjudices subis par M. P... W... de son vivant au 13 juillet 2004, date de la reconnaissance du caractère professionnel du cancer broncho-pulmonaire, mais sollicitent, au bénéfice de l'allongement du délai de prescription à 10 ans, l'application des causes interruptives de prescription prévues par le code civil et notamment son article 2241 ; que cependant, qu'on se place sur le terrain de la loi du 31 décembre 1968, dont l'application est revendiquée par le FIVA, ou sur celui du code civil, l'action exercée par la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante devant la juridiction de la sécurité sociale tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'interrompt pas le délai de prescription de la demande d'indemnisation devant le FIVA dès lors que bien que procédant du même fait dommageable, les deux actions ne poursuivent pas le même objet, ne répondent pas à la même cause et n'opposent pas les mêmes parties, la demande d'indemnisation devant le FIVA ne pouvant pas être considérée comme virtuellement comprise dans l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;
ALORS QUE si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; qu'en retenant, pour dire que l'action exercée par la victime d'une maladie liée à une exposition à l'amiante devant la juridiction de la sécurité sociale tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur n'interrompt pas le délai de prescription de la demande d'indemnisation devant le FIVA, que cette demande ne peut être considérée comme virtuellement comprise dans cette action quand l'une et l'autre tendent pourtant au même but, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.