LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IK
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mars 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 199 F-D
Pourvoi n° S 18-20.534
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MARS 2020
La société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-20.534 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Colmar (chambre 12), dans le litige l'opposant à la société Tchotcha, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, de Me Balat, avocat de la société Tchotcha, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et sixième branches :
Vu les articles 1147 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, suivant acte notarié du 18 octobre 2008, contenant soumission à exécution forcée et muni de la clause exécutoire le 15 décembre 2008, la société Banque populaire d'Alsace, devenue Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), a consenti à la SCI Tchotcha (la SCI), un prêt immobilier n° [...] d'un montant de 142 000 euros ; que, certaines des échéances n'ayant pas été payées, la banque a adressé à la SCI, le 30 janvier 2013, une lettre précisant le montant du prêt ainsi que celui des échéances impayées et des intérêts conventionnels, indiquant qu'elle avait transmis le dossier à sa division des affaires juridiques et contentieuses aux fins de recouvrement de sa créance, et ajoutant que cette lettre valait réitération de l'exigibilité de toutes les créances à termes et résiliation des polices d'assurance groupe ; que, les 16 décembre 2014 et 22 septembre 2015, elle a réitéré les termes de sa lettre précédente et confirmé l'exigibilité des engagements souscrits par la SCI, puis a sollicité l'adjudication forcée de biens immobiliers de la SCI ; que, la banque ayant poursuivi l'exécution forcée de six autres prêts accordés suivant acte notarié du 30 juin 2010, également visés par la lettre précitée du 30 juin 2013, un arrêt du 27 décembre 2016, devenu irrévocable après la non-admission du pourvoi formé contre lui (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.812), a dit qu'elle était titulaire d'un titre exécutoire concernant ces six prêts, constatant une créance liquide et exigible à la suite de la déchéance du terme dont la SCI avait été régulièrement informée par ladite lettre ;
Attendu que, pour rejeter la requête de la banque, l'arrêt retient que la lettre du 30 janvier 2013 ne contient pas le terme "déchéance", n'identifie pas les échéances impayées et ne date pas la première d'entre elles ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque n'avait pas, par diverses correspondances postérieures non équivoques, fait connaître à la SCI sa décision de considérer le capital restant dû comme exigible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la requête aux fins d'exécution forcée immobilière, l'arrêt rendu le 31 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar autrement composée ;
Condamne la société Tchotcha aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la BANQUE POPULAIRE ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE de sa requête aux fins d'exécution forcée immobilière,
Aux motifs que « Sur la déchéance du terme :
Si l'acte notarié n'exige pas de mise en demeure pour la mise en oeuvre de la clause d'exigibilité immédiate, en cas de défaillance de l'emprunteur, il prévoit que la banque informe de manière claire et non équivoque l'emprunteur de son intention de prononcer l'exigibilité anticipée du prêt.
La BPALC se prévaut du courrier adressé le 30 janvier 2013 à la S.C.I. TCHOTCHA. Elle y indique vouloir procéder au recouvrement de la créance, notamment au titre de 7 prêts dont elle mentionne les numéros, en échéances impayées, intérêts, capital dû et indemnité, en raison de l'absence de régularisation des engagements pris. Elle ajoute que cette lettre vaut réitération de l'exigibilité immédiate de toutes les créances à terme et résiliation des polices d'assurance groupe souscrites par l'emprunteur dans le cadre de ses engagements.
Or ce courrier ne contient jamais le terme "déchéance" et aucune conséquence ne peut être tirée de la mention "réitération de l'exigibilité immédiate de toutes les créances à termes" puisqu'il a été jugé que les courriers précédents de la banque, en date du 26 juillet 2012, 5 novembre 2012 et 10 décembre 2012, ne notifiaient pas l'exigibilité immédiate du prêt.
Surtout, il n'identifie pas les échéances impayées, ne date pas la première échéance impayée et n'exige pas le remboursement du capital de ce prêt immobilier. Aucune clause du contrat de prêt ne prévoit non plus que la dénonciation ou la clôture du compte courant entraîne l'exigibilité anticipée de l'ensemble des concours consentis par la banque.
La cour constate que la BPALC ne justifie pas d'une créance exigible, de sorte que sa requête en vente forcée immobilière sera rejetée.
L'ordonnance entreprise est par conséquent infirmée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés » ;
1°) Alors que, d'une part, en cas de défaillance de l'emprunteur, il suffit, pour que le prêteur puisse exiger, outre le paiement des échéances demeurées impayées, celui du capital restant dû et des pénalités stipulées au contrat, qu'il ait informé l'emprunteur défaillant, sans équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme immédiatement exigible ; qu'en refusant de considérer le courrier adressé le 30 janvier 2013 par la BANQUE POPULAIRE à la S.C.I. TCHOTCHA comme entraînant l'exigibilité immédiate de sa créance, au motif que ce courrier ne contient pas le terme "déchéance", la Cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) Alors que, en cas de défaillance de l'emprunteur, il suffit, pour que le prêteur puisse exiger, outre le paiement des échéances demeurées impayées, celui du capital restant dû et des pénalités stipulées au contrat, qu'il ait informé l'emprunteur défaillant, sans équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme immédiatement exigible ; qu'en décidant néanmoins qu'aucune conséquence ne peut être tirée de la mention "réitération de l'exigibilité immédiate de toutes les créances à termes" figurant dans le courrier du 30 janvier 2013, au motif qu'il a été jugé que les courriers précédents de la banque, en date du 26 juillet 2012, 5 novembre 2012 et 10 décembre 2012, ne notifiaient pas l'exigibilité immédiate du prêt, la Cour d'appel a, derechef, statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) Alors que, en cas de défaillance de l'emprunteur, il suffit, pour que le prêteur puisse exiger, outre le paiement des échéances demeurées impayées, celui du capital restant dû et des pénalités stipulées au contrat, qu'il ait informé l'emprunteur défaillant, sans équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme immédiatement exigible ; qu'en refusant de considérer le courrier adressé le 30 janvier 2013 par la BANQUE POPULAIRE à la S.C.I. TCHOTCHA comme entraînant l'exigibilité immédiate de sa créance, au motif que ce courrier n'identifie pas les échéances impayées et ne date pas la première échéance impayée, la Cour d'appel, une fois de plus, a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°) Alors que, en cas de défaillance de l'emprunteur, il suffit, pour que le prêteur puisse exiger, outre le paiement des échéances demeurées impayées, celui du capital restant dû et des pénalités stipulées au contrat, qu'il ait informé l'emprunteur défaillant, sans équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme immédiatement exigible ; que, par sa lettre du 30 janvier 2013, la BANQUE POPULAIRE faisait part à la société TCHOTCHA de sa volonté de recouvrer sa créance résultant du prêt n° [...], notamment en capital dû, et se prévalait simultanément de l'exigibilité immédiate de toutes ses créances à terme, donc notamment dudit prêt ; qu'en refusant néanmoins de considérer le courrier adressé le 30 janvier 2013 par la BANQUE POPULAIRE à la S.C.I. TCHOTCHA comme entraînant l'exigibilité immédiate de sa créance, au motif que ce courrier n'exige pas le remboursement du capital du prêt litigieux, la Cour d'appel a dénaturé la lettre du 30 janvier 2013, violant ainsi l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5°) Alors que, d'autre part, dans ses conclusions d'appel, la BANQUE POPULAIRE se prévalait aussi des courriers par elle adressés à la société TCHOTCHA postérieurement à celui du 30 janvier 2013 et par lesquels elle informait à nouveau celle-ci, sans équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme exigible bien que le terme initialement convenu ne fût pas encore venu à échéance ; qu'en dépit du caractère déterminant de ces courriers, la Cour d'appel ne les a ni mentionnés ni, a fortiori, analysés ; que, dès lors, elle a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
6°) Et alors que, partant, et faute d'avoir recherché, comme cela le lui était expressément demandé, si la BANQUE POPULAIRE n'avait pas à nouveau informé la société TCHOTCHA, par divers courriers postérieurs à celui du 30 janvier 2013, dépourvus de toute équivoque, de sa volonté de considérer le capital restant dû comme exigible bien que le terme initialement convenu ne fût pas encore venu à échéance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.