LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 332 F-D
Pourvoi n° A 19-10.817
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020
La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 19-10.817 contre le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, dans le litige l'opposant à l'association Centres dentaires Nord-Magenta, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la CPAM du Val-de-Marne, de la SCP Ortscheidt, avocat de l'association Centres dentaires Nord-Magenta, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 133-4 du code de la sécurité sociale et 1315, devenu 1353 du code civil, le premier dans sa rédaction applicable au litige ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a notifié, le 5 août 2014, au centre de santé Saint-Michel, dépendant de l'association Centres dentaires Nord Magenta, un indu correspondant à des anomalies de tarification et facturation d'actes constatées à l'issue d'un contrôle d'activité de l'un des praticiens membre de l'association, portant sur la période du 11 août 2011 au 9 mars 2012 ; que l'association a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour débouter la caisse de sa demande en restitution de l'indu, le jugement retient, après avoir relevé que la caisse produisait 11 décomptes image, le référentiel pour la récupération des prestations indues par les caisses et le tableau descriptif des dossiers pour récupération d'indus - estimation par le service du contrôle médical, mentionnant le nom des trois patients et les griefs, qu'il est impossible de déterminer si la caisse était bien fondée à opérer les correctifs qui figurent au tableau établi par ses propres services et si elle a effectué un calcul exact de l'indu faute de production du rapport de contrôle, s'il existe, des fiches de concertations éventuellement signées entre la caisse et le praticien qui a été entendu par le praticien conseil de la caisse et des pièces qui ont fondé la notification des griefs ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que la caisse établissait la nature et le montant de l'indu, de sorte qu'il appartenait à l'association d'apporter des éléments pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par l'organisme de prise en charge au terme du contrôle, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate que les pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ne justifient pas du bien fondé de la demande et rejette la demande en remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, le jugement rendu le 18 septembre 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;
Condamne l'association Centres dentaires Nord Magenta aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Centres dentaires Nord Magenta à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la CPAM du Val-de-Marne
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR constaté que les pièces produites par la caisse primaire d'assurances maladie du Val de Marne ne justifient pas du bien-fondé de la demande de remboursement d'indu formée à l'encontre du Centre Dentaire Nord Magenta et D'AVOIR rejeté la demande de la caisse primaire d'assurances maladie du Val de Marne en remboursement de la somme de 615,35€ ;
AUX MOTIFS QUE le tribunal relève que dans sa décision du 17 décembre 2014, le Conseil de l'Ordre des Chirurgiens-Dentistes a relevé que "si le chirurgien-dentiste ne saurait s'exonérer totalement de sa responsabilité dans les manquements constatés ayant le caractère de fautes et abus au sens de l'article L 145-1 du Code de la Sécurité Sociale il y lieu toutefois de tenir compte des conditions d'organisation du centre et de rémunération de ses praticiens, lesquelles ne lui permettaient pas de contrôler avec la rigueur nécessaire les suites administratives données aux prestations attestées par elle et en particulier leur mode de facturation" ; que le Centre Dentaire Nord Magenta qui ne conteste pas l'absence de production du rapport de contrôle s'il existe soulève le fait qu'il ne sait pas de quels patients, de quels soins réalisés ou de quelles non-conformité il s'agit ; que la Caisse Primaire d'Assurances Maladie produit la décision de la Commission de Recours Amiable, 11 décomptes Image, le Référentiel pour la récupération des prestations indues par les caisses" et le tableau "descriptif des dossiers pour récupération d'indus - estimation par le service du contrôle médical "mentionnant le nom des 3 patients et les griefs" "non-respect législation CMU C"(5), "fausses déclarations par facturation multiple du même acte (3) " non-respect de la nomenclature des actes professionnels, par facturation d'actes non remboursables, réalisation d'un acte provisoire (6-2), non-respect des dispositions et cotations (6-3) ; que cependant, il est impossible de déterminer si la Caisse était bien fondée à opérer les correctifs qui figurent au tableau établi par ses propres services et si elle a effectué un calcul exact de l'indu faute de production du rapport de contrôle, s'il existe, des fiches de concertations éventuellement signées entre la caisse et le docteur V... qui a été entendu par le praticien conseil de la caisse et des pièces qui ont fondé la notification des griefs ; que dans ces conditions, il convient d'accueillir le recours du Centre Dentaire Nord Magenta et de rejeter la demande reconventionnelle formée par la Caisse Primaire d'Assurances Maladie du Val de Marne ;
1) ALORS QU'en matière de répétition d'indu pour non-respect des règles de facturation, le tableau récapitulatif figurant en annexe de la notification de payer adressée par la caisse, mentionnant pour chacun des actes concernés dont la facturation est contestée, notamment, le numéro de l'assuré social, les nom et prénom du patient, la date des actes, le montant facturé, le montant de l'indu et le motif de l'indu au regard des règles de la tarification, suffit à justifier du bien-fondé de l'indu ; qu'il appartient à l'établissement, s'il conteste la demande de remboursement des sommes perçues, de rapporter la preuve du caractère infondé de l'indu établi par le tableau récapitulatif des irrégularités de facturation ; qu'en constatant que la CPAM justifiait d'un tableau "descriptif des dossiers pour récupération d'indus - estimation par le service du contrôle médical" mentionnant notamment le nom des patients concernés, la date et le code de l'acte, le montant facturé et les motifs de l'indu pour ensuite reprocher à la caisse de ne pas justifier du bien-fondé des correctifs figurant sur le tableau et l'exactitude du calcul de l'indu quand c'était au professionnel de démontrer que les prestations en litige avaient bien été accomplies malgré les irrégularités de facturation établies par la Caisse, le tribunal des affaires de sécurité sociale a renversé la charge de la preuve et, partant, a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et ne peut être modifié par le juge ; que le Centre Dentaire Nord Magenta faisait uniquement valoir qu'il ne savait pas de quels patients, de quels soins réalisés ou de quelles non-conformités il s'agissait (jugement, p. 6) ; qu'en reprochant à la caisse de ne pas justifier du bien-fondé des correctifs figurant sur le tableau et de l'exactitude du calcul de l'indu, le tribunal des affaires de sécurité sociale a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3) ALORS QU'en tout état de cause, en constatant qu'à l'appui de sa demande en répétition de l'indu, la caisse primaire d'assurances maladie produisait 11 décomptes Image, le Référentiel pour la récupération des prestations indues par les caisses" et le tableau "descriptif des dossiers pour récupération d'indus - estimation par le service du contrôle médical" mentionnant le nom des 3 patients et les griefs "non-respect législation CMU C (5)", "fausses déclarations par facturation multiple du même acte (3)", "non-respect de la nomenclature des actes professionnels, par facturation d'actes non remboursables, réalisation d'un acte provisoire (6-2)", "non-respect des dispositions et cotations (6-3)", pour néanmoins lui reprocher de ne pas produire les pièces fondant la notification des griefs, le tribunal des affaires de sécurité sociale n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du code civil ;
4) ALORS QUE le juge est tenu de préciser et d'analyser fût-ce succinctement, les différents éléments de preuve soumis à son appréciation ; que le Centre Dentaire Nord Magenta versait elle-même un tableau explicatif établi par la caisse primaire d'assurance maladie explicitant les modalités de calcul de l'indu ; qu'en reprochant à la caisse de ne pas justifier du bien-fondé des correctifs figurant sur le tableau et de l'exactitude du calcul de l'indu, sans expliquer en quoi ce tableau ne pouvait emporter sa conviction, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé l'article 455 du code de procédure civile.