LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 mars 2020
Cassation partielle
Mme BATUT, président
Arrêt n° 227 F-P+B
Pourvoi n° Y 19-11.206
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020
Mme L... K..., épouse Q..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° Y 19-11.206 contre l'arrêt rendu le 23 novembre 2018 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. P... K..., domicilié [...],
2°/ à Mme U... R..., domiciliée [...], prise en qualité de tutrice aux biens de A... C..., veuve K..., décédée en cours d'instance,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme Q..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. K..., après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme L... K..., épouse Q..., du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre Mme R..., prise en sa qualité de tutrice aux biens de A... C... .
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 novembre 2018), E... K... est décédé le ..., laissant pour lui succéder A... C..., son épouse, et ses deux enfants L... et P.... Des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme Q... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'indivision, à compter du 29 avril 2010, une indemnité d'occupation de 578,88 euros, alors « que l'indivisaire qui dispose d'un titre qui lui est propre, pour user et jouir d'un immeuble indivis, ne se trouve pas soumis à la règle qu'énonce l'article 815-9 du code civil ; que l'indivisaire qui jouit privativement d'un immeuble indivis en exécution du bail que son auteur lui a consenti, n'use donc pas et ne jouit donc pas d'un bien indivis au sens de l'article 815-9 du code civil, de sorte qu'il n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à laquelle il appartient - indivision qui est au reste, en tant que bailleresse, tenue de le faire jouir paisiblement de l'immeuble indivis qu'il a pris à bail ; qu'en relevant, pour décider le contraire, que la valeur locative de l'immeuble dont Mme L... K... Q... est locataire, dépasse le montant du loyer qu'elle acquitte en exécution du bail verbal dont elle est titulaire circonstance inopérante puisqu'elle pourrait seulement, à condition de prouver qu'elle est résultée d'une donation indirecte, donner lieu à une action en rapport de la libéralité éventuellement consentie à la masse partageable de la succession, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 815-9 du code civil :
5. Aux termes de l'alinéa 1er de ce texte, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires. Selon son alinéa 2, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
6. Pour dire que Mme Q... est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient que la valeur locative de l'immeuble est nettement supérieure au montant du loyer que celle-ci acquitte en exécution du bail verbal dont elle est titulaire.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme Q... occupait l'immeuble indivis en qualité de locataire, de sorte qu'elle ne portait pas atteinte aux droits égaux et concurrents des coïndivisaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme Q... est redevable à l'indivision d'une indemnité d'occupation de 578,88 euros à compter du 29 avril 2010, l'arrêt rendu le 23 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. K... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme Q....
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné Mme L... K... Q... à payer à l'indivision K..., à compter du 29 avril 2010, une indemnité d'occupation de 578 € 88 ;
AUX MOTIFS QUE« l'existence d'un bail verbal ne s'oppose pas à ce que Mme Q... soit reconnue redevable d'une indemnité d'occupation dès lors qu'il est acquis, par les pièces communiquées aux débats, que le loyer qu'elle verse est de 381 € 12, alors que la valeur locative du bien s'élève à 1 200 € par mois selon les attestations concordantes des parties sur ce point ; que c'est d'ailleurs bien dans ces conditions que le tribunal a reconnu le caractère privatif de l'occupation de l'immeuble indivis quand bien même Mme Q... s'est acquittée d'un loyer au profit de ses parents dans un premier temps puis de sa mère ensuite, en relevant que la valeur locative du bien était nettement supérieure au loyer versé » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 2e considérant) ; « que l'article 815-9 du code civil dispose que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité » (cf. arrêt attaqué, p. 7, 3e considérant) ;
. ALORS QUE l'indivisaire qui dispose d'un titre qui lui est propre, pour user et jouir d'un immeuble indivis, ne se trouve pas soumis à la règle qu'énonce l'article 815-9 du code civil ; que l'indivisaire qui jouit privativement d'un immeuble indivis en exécution du bail que son auteur lui a consenti, n'use donc pas et ne jouit donc pas d'un bien indivis au sens de l'article 815-9 du code civil, de sorte qu'il n'est pas redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision à laquelle il appartient — indivision qui est au reste, en tant que bailleresse, tenue de le faire jouir paisiblement de l'immeuble indivis qu'il a pris à bail ; qu'en relevant, pour décider le contraire, que la valeur locative de l'immeuble dont Mme L... K... Q... est locataire, dépasse le montant du loyer qu'elle acquitte en exécution du bail verbal dont elle est titulaire, circonstance inopérante puisqu'elle pourrait seulement, à condition de prouver qu'elle est résultée d'une donation indirecte, donner lieu à une action en rapport de la libéralité éventuellement consentie à la masse partageable de la succession, la cour d'appel a violé l'article 815-9 du code civil.