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28/05/2020 | FRANCE | N°18-26041

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 28 mai 2020, 18-26041


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 310 F-D

Pourvoi n° C 18-26.041

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

1°/ M. B... U...,
2°/ Mme P... N..., épouse U...,

domiciliés tous [...],

ont formé le pourvoi n° C 18-26.041 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 28 mai 2020

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 310 F-D

Pourvoi n° C 18-26.041

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

1°/ M. B... U...,
2°/ Mme P... N..., épouse U...,

domiciliés tous [...],

ont formé le pourvoi n° C 18-26.041 contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), dans le litige les opposant :

1°/ à M. W... R...,
2°/ à Mme Q... D..., épouse R...,

domiciliés tous [...],

3°/ à M. M... L..., domicilié [...] ,

4°/ à Mme L... L..., épouse I...,
5°/ à M. RF... I...,

domiciliés [...] ,

6°/ à Mme C... L...,
7°/ à M. L... L...,

domiciliés [...] , et venant aux droits de T... L..., décédé,

8°/ à Mme X... V..., épouse L..., domiciliée [...] ,

9°/ à Mme A... J..., épouse Y..., domiciliée [...] ),

10°/ à Mme K... J..., domiciliée [...] ,

venant toutes deux aux droits de O... L..., veuve J..., décédée,

11°/ à M. Q... L...,
12°/ à Mme F... S..., épouse L...,

domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme B... U..., de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme R..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. M... L..., de M. et Mme I..., de M. et Mme L... L..., de Mme V..., épouse L..., de Mmes A... et K... J... et de M. et Mme Q... L..., après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 septembre 2018), E... L..., aux droits de laquelle se trouvent les consorts L..., a donné à bail à la société civile d'exploitation agricole la petite Retz, aux droits de laquelle se trouvent M. et Mme R..., dix parcelles de terre.

2. L'action en nullité de la vente intentée par les consorts L... contre M. et Mme R... a été rejetée par arrêt irrévocable du 14 octobre 2010.

3. Diverses procédures ont opposé bailleurs et preneurs, et une mesure d'expertise a été confiée à M. G... par jugement du 14 mars 2013.

4. Après dépôt du rapport d'expertise, M. et Mme U... ont sollicité son annulation et subsidiairement la condamnation de M. et Mme R... à leur payer diverses sommes au titre de fermages et taxes indus et à titre de dommages et intérêts.

5. M. et Mme R... ont demandé la condamnation de M. et Mme U... au paiement d'un arriéré de fermage.

Examen des moyens

Sur le troisième, le quatrième et le cinquième moyens, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que la circonstance que la société d'experts agricoles et fonciers, dans laquelle l'expert judiciaire et son épouse sont associés, soit intervenue en qualité de commissaire aux apports pour la création d'une société dont l'un des associés, bailleur, est partie au litige suffit à remettre en cause l'impartialité de cet expert ; qu'en décidant que l'impartialité de M. G..., expert intervenu dans le litige opposant les époux R..., bailleurs, aux époux U..., preneurs, ne pouvait pas être mise en cause au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers dans laquelle il est associé avec son épouse, pour l'Earl [...] au sein de laquelle W... R... est exploitant, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la circonstance que la société d'experts agricoles et fonciers, dans laquelle l'expert judiciaire et son épouse sont associés, soit intervenue en qualité de commissaire aux apports pour la création d'une société dont l'un des associés, bailleur, est partie au litige est de nature à remettre en cause l'impartialité de cet expert ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque la société dont les apports ont été évalués et dans laquelle le bailleur est associé est une concurrente directe du preneur, pour exercer la même activité dans la même ville ; qu'en l'espèce, le litige opposant W... et Q... R... aux époux U... avait pour objet l'exécution d'un bail de parcelles agricoles situées sur le territoire de la commune de Quend ; que la cour d'appel a constaté que la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers, était intervenue pour évaluer les apports de l'Earl [...] qui a pour associés, W... et H... R... et qui a pour activité la production de céréales, sur le territoire de la commune de Quend ; qu'en décidant que l'impartialité de M. G..., expert intervenu dans le litige opposant les époux R... aux époux U... ne pouvait pas être mise en cause au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers dans laquelle il est associé avec son épouse, pour l'Earl [...] qui est la concurrente directe des époux U..., la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'expert désigné dans une procédure judiciaire contentieuse a l'obligation de déclarer toutes les missions qu'il a effectuées lui-même ou qu'a effectuées la société dont il est membre au profit de l'une ou l'autre des parties ; qu'en l'espèce, M. et Mme U... reprochaient à M. G..., au titre de son impartialité, de ne pas les avoir informés de l'intervention de la société d'experts agricoles et fonciers dont il est associé comme commissaire aux apports dans le cadre de la constitution de l'Earl créée par W... R... ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes en annulation du rapport d'expertise déposé par M. G... et en demande d'une nouvelle expertise, que l'impartialité de M. G... ne pouvait pas être mise en cause par les époux U... au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par son épouse pour l'Earl [...], sans s'expliquer sur le défaut de transparence de M. G... au moment de sa désignation en qualité d'expert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en l'espèce, M. et Mme U... faisaient valoir que dans le cadre des opérations d'expertise confiées à M. G..., les époux U... s'étaient inquiétés de la partialité de l'expert judiciaire, M. et Mme R... ayant notamment fait état de propos de l'expert pour asseoir une demande de résiliation du bail ; qu'en retenant, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes avant dire droit en annulation du rapport d'expertise déposé par M. G... et en demande d'une nouvelle expertise, que la mission ponctuelle ainsi confiée à Mme G..., outre qu'elle est bien antérieure à la désignation de M. G..., ne s'inscrivait pas dans un contexte contentieux et avait trait à une situation à laquelle les époux U... étaient totalement étrangers, sans s'interroger sur l'incidence des conclusions du rapport d'expertise sur une éventuelle résiliation du bail avec une reprise des terres au profit de M. R..., à titre individuel ou au sein de l'Earl [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que l'article 341 du code de procédure civile, qui prévoit limitativement huit cas de récusation, par renvoi à l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, n'épuise pas l'exigence d'impartialité requise de tout expert ; qu'en l'espèce, au soutien de leur demande de voir annuler le rapport d'expertise déposé par M. G... et de voir désigner un nouvel expert, M. et Mme U..., se fondant notamment sur l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reprochait à l'expert un défaut d'impartialité ; qu'à ce titre, ils faisaient valoir que la Selarl d'experts agricoles et fonciers Nansot, dont M. G... et son épouse étaient membres, était intervenue comme commissaire aux apports dans le cadre de la constitution de l'Earl créée par M. R... en 2006, ce dont il s'était abstenu de les informer ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes, que cette situation ne relève d'aucune cause de récusation de l'expert prévue par l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, sans rechercher si, hors des prévisions de cet article, elle ne constituait pas une cause permettant de douter de l'impartialité de l'expert, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

8. La demande de récusation d'un expert n'est pas recevable après le dépôt du rapport d'expertise.

9. La cour d'appel a constaté que l'expertise avait été ordonnée par jugement du 14 mars 2013, que l'expert avait déposé son rapport le 20 mars 2014 et que ce n'est qu'après remise au rôle de l'affaire à la suite d'une radiation, que M. et Mme U... avaient sollicité l'annulation du rapport d'expertise en reprochant à l'expert un défaut d'impartialité.

10. Elle a retenu que l'intervention de Mme G..., comme commissaire aux apports, lors de la création en 2006 de l'entreprise agricole à responsabilité limitée par MM. W... et H... R..., antérieure à la désignation de son époux comme expert, et lors de la création, en 2013, d'une société dont l'unique associé, maire de la commune sur laquelle les parcelles louées étaient situées, avait été entendu comme témoin par M. G... au cours de l'expertise en cause, ne permettait pas de déduire qu'elle-même ou son conjoint avaient un intérêt personnel dans la contestation opposant M. et Mme R... et M. et Mme U....

11. Il en résulte que les faits invoqués à l'appui de la demande de récusation de M. G... étaient antérieurs aux opérations d'expertise, de sorte que la demande en annulation du rapport d'expertise devait être rejetée.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqué, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de remboursement du fermage, alors :

« 1°/ qu'est illicite la clause du bail fixant le prix du fermage sans tenir compte des minima et maxima fixés par l'arrêté préfectoral selon la catégorie qualitative des parcelles agricoles affermées ; qu'en l'espèce, M. et Mme U... faisaient valoir que la clause du bail fixant le prix de fermage à 8 quintaux de blé l'hectare, soit le montant maximal prévu par l'arrêté préfectoral de 2002 pour les terres de catégorie bonne louées pour 18 ans, était illicite pour ne pas tenir compte du mauvais état des parcelles affermées, l'expert judiciaire ayant retenu que dès la prise à bail elles correspondaient à des terres de catégorie médiocre ou moyenne, avec un fermage moyen de 3 quintaux de blé ; qu'en affirmant, pour débouter M. et Mme U... de leur demande en nullité de la clause et en remboursement des fermages indus, qu'il importait peu que la valeur locative des parcelles louées contestée résulte d'une quantité de denrée prévue pour une catégorie qualitative des terres ne correspondant pas à celles des terres louées, la denrée retenue figurant parmi celles autorisées par l'arrêté préfectoral et le prix fixé restant dans les limites des maxima prévus par cet arrêté, la cour d'appel a violé les articles L. 411-11 et L. 411-14 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 6 du code civil ;

2°/ que le défaut de réponse à conclusion est un défaut de motif ; que dans leurs conclusions, les époux U... faisaient valoir que la clause du bail fixant le prix de fermage était illicite en tant qu'elle imposait le paiement de taxes de drainages en méconnaissance de l'interdiction posée par l'article L. 411-12 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14.La cour d'appel a constaté que M. et Mme U... n'avaient pas entendu fonder leur action sur les dispositions de l'article L. 411-13 du code rural et de la pêche maritime.

15. Elle a relevé que le prix du fermage fixé par le bail à hauteur de huit quintaux de blé à l'hectare correspondait à la fourchette haute prévue par l'arrêté préfectoral pour les terres de bonne catégorie.

16. La cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen qui n'était pas invoqué à propos du prix du fermage, en a exactement déduit que, la denrée retenue figurant parmi celles autorisées par l'arrêté préfectoral et le prix restant dans les limites des maxima prévus par cet arrêté, le fermage n' était pas illicite.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le sixième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

18. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme au titre du fermage de juin 2016, alors « que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux U... soutenaient, s'agissant de la demande des époux R... en paiement de la somme de 3.775,11 euros au titre des fermages 2016, que ces derniers sollicitaient le paiement d'une somme déjà perçue ; qu'à ce titre, versant deux pièces numérotées 138 et 139 aux débats, ils faisaient valoir qu'après compensation entre les parties, ladite somme avait été réglée en décembre 2016 par les époux U... directement entre les mains du conseil des époux R... et que dès lors, ces derniers n'étaient pas fondés à solliciter le versement d'une somme quelconque au titre des fermages ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

18. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

19. Pour accueillir la demande de condamnation, l'arrêt retient qu'aucun moyen n'est avancé par M. et Mme U... pour la contester.

20. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. et Mme U... qui soutenaient qu'ils avaient payé la somme réclamée et qui produisaient deux pièces pour en justifier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le septième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

21. M. et Mme U... font grief à l'arrêt de les condamner au paiement d'une autre somme au titre d'un arriéré de fermage, alors « que le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en retenant, pour condamner M. et Mme U... à payer à M. et Mme R... le somme de 603,26 euros au titre d'un arriéré de fermages, que « les époux U... qui invoquent l'avis de l'expert précité, repris par erreur par le jugement n'émettent aucune contestation sur les affichés dans le tableau produit par les époux R... qui sont donc tenus pour exacts, quand l'absence de contestation de M. et Mme U... ne valait pas preuve de l'existence d'un arriéré de fermage pour la somme de 603,26 euros, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

22. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

23. Pour accueillir la demande, l'arrêt retient que M. et Mme U..., qui invoquent l'avis erroné de l'expert selon lequel il n'y a aucun compte à faire entre les parties, sans exclure l'existence d'un arriéré, n'émettent aucune constatation sur sommes reprises dans le tableau produit par M. et Mme R..., qui sont donc tenues pour exactes.

24. En statuant ainsi, alors que, lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du silence opposé à sa demande par la partie adverse, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

25. Il y a lieu de mettre hors de cause les consorts L..., dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme U... à payer à M. et Mme R... les sommes de 3 171,85 euros au titre du fermage du 1er juin 20016 et de 603,26 euros au titre d'un arriéré de fermage, l'arrêt rendu le 18 septembre 2018 entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne M. et Mme R... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leurs demandes avant dire droit en annulation du rapport d'expertise déposé par M. G... et en demande d'une nouvelle expertise et d'AVOIR, en conséquence, débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leur demande en remboursement de fermage, d'avoir débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leurs demandes de dommages et intérêts et de remise en état, d'avoir débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leur demande tendant à voir condamner M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... à effectuer la remise des terres en état de drainage et de nocage et à communiquer un plan avec le réseau des drains, d'avoir condamné M. B... U... et Mme P... N... épouse U... à payer à M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... la somme de 3.171,85 € au titre de l'échéance de fermage du 1er juin 2016, d'avoir condamné M. B... U... et Mme P... N... épouse U... à payer à M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... la somme de 603,26 € au titre d'un arriéré de fermage ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme WL... G... expert judiciaire est l'épouse de M. TZ... G... ; ils exercent tous les deux leur activité professionnelle dans le cadre de la Selarl d'experts agricoles et fonciers « Nansot » ; qu'il ressort d'un rapport daté du 28 septembre 2006 contenant l'évaluation des apports respectifs des futurs associés de l'Earl [...] que Mme WL... G... a été désignée dans le cadre de la création de cette société constituée entre M. W... R... et M. H... R... pour évaluer leurs apports respectifs comme le prévoit l'article L. 324-4 du code rural ; qu'à cette fin, elle a remis un rapport contenant l'évaluation des apports respectifs des futurs associés de l'Earl [...] ; que la mission ponctuelle ainsi confiée à Mme WL... G..., outre qu'elle est bien antérieure à la désignation de M. TZ... G..., ne s'inscrivait pas dans un contexte contentieux et avait trait à une situation à laquelle les époux U... étaient totalement étrangers ; qu'elle a été également désignée comme commissaire aux apports à l'occasion de la création de la société agricole dont M. HH..., ST... est l'associé unique, cette société ayant été créée en 2013 comme il résulte de l'extrait des statuts versé aux débats ; que le fait que M. HH... ait été entendu dans le cadre des opérations d'expertise comme sachant par M. G... ne le rend pas partie au litige ;

il ne peut être déduit de l'intervention à deux reprises de Mme G... comme commissaire aux apports lors de la création de deux sociétés agricoles qu'elle avait elle-même ou son conjoint un intérêt personnel dans la contestation qui oppose les époux R... aux époux U... au sens l'article L. 111-6 du code de l'organisation qui s'applique à l'expert judiciaire ; que par ailleurs, l'audition par l'expert de M. HH... en tant que maire de la commune de Quend était destinée à recueillir des éclaircissements sur la propriété des fossés en bordure de parcelles et sur leur entretien, éléments utiles à la solution du litige. Le fait qu'après cette audition qui a eu lieu le 12 novembre 2013, Mme Q... D... épouse R... a été élue au conseil municipal au printemps 2014 comme adjointe au maire ne permet pas de suspecter la neutralité du rapport d'expertise, étant parfaitement légitime que l'expert interroge le maire qui était de par ses fonctions, le mieux à même de fournir les renseignements demandés par l'expert comme l'a relevé le tribunal. La relance adressée par Mme WL... G... aux époux U... pour le paiement des frais de l'expertise judiciaire, s'agissant d'une tâche purement administrative ne révèle pas d'une immixtion de sa part dans le déroulement des opérations d'expertise de nature à faire suspecter la neutralité de l'expert. Par ailleurs, l'attestation de Mme WL... G... qui a trait à la façon dont elle exerce ses missions de commissaire aux apports et plus généralement de ses missions amiables ou judiciaires n'est pas de nature à invalider les opérations d'expertise confiées à M. TZ... G... ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux U... de leur demande d'annulation du rapport d'expertise ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la récusation de l'expert ; qu'aux termes de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que l'impartialité des experts judiciaires participe de ce droit à un procès équitable ; qu'il convient, pour évaluer l'impartialité objective de l'expert judiciaire, de se référer aux causes de récusation prévues par le code de procédure civile et le code de l'organisation judiciaire ; que les causes de récusation de l'expert résultent des dispositions des articles 234 et suivants du code de procédure civile, de l'article 341 du même code, et de l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, aux termes desquels l'expert judiciaire peut être récusé par le juge qui l'a commis ou devant le juge chargé du contrôle, avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation, pour les causes suivantes : 1) si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ; 2) si lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;

3) si lui-même ou $011 conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement, 4) s'il y a eu ou s'il y a un procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint, 5) s'il a précédemment connu de l'affaire ou s'il a conseillé l'une des parties, 6) si lui-même nu son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties, 7) s'il existe un lien de subordination entre lui-même ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint, 8) s'il y a amitié ou inimitié notoire entre l'expert et l'une des parties ; qu'en l'espèce, les époux U... sollicitent l'annulation du rapport d'expertise et la désignation d'un nouvel expert, arguant de la partialité de M. G..., qui aurait eu dans le passé des rapports d'affaires avec M. et Mme R..., ainsi qu'avec M. HH..., ST... ; qu'ils versent à cette fin aux débats un rapport de deux pages établi le 28 septembre 2006 par Mme WL... G... en qualité de commissaire aux apports, dans le cadre de la constitution d'une exploitation agricole à responsabilité limitée entre M. W... R... et M. H... R... (pièce n° 88) ; qu'il ressort de ce document, non contesté par les époux R..., que Mme WL... G..., conjointe de l'expert judiciaire mis en cause, a effectivement eu un lien, non de subordination, mais d'obligations avec M. W... R... en 2006, qui l'a commise pour vérifier la valeur des apports réalisés dans le cadre de la constitution de son exploitation familiale ; que, toutefois, la mission de commissariat aux apports impliquant justement l'indépendance du commissaire à l'égard des parties à l'opération d'apport, Mme WL... G... se devait, pour accepter sa mission de commissaire aux apports en 2006, d'être indépendante à l'égard de M. W... R... et de M. H... R... ; qu'en tout état de cause, à la date du rapport d'expertise réalisé par son époux, Mme G... n'était plus ni débitrice ni créancière de M. W... R... ; que la situation ne relève donc pas de l'article L. 111-6, 2° du code de l'organisation judiciaire, lequel suppose un rapport d'obligations actuel ; que la mission de commissariat aux apports réalisée par Mme G... en 2006 ne saurait davantage relever de la cause de récusation de l'article L. 111-6, 5° du code de l'organisation judiciaire à l'égard de M. G..., dès lors que ces dispositions impliquent que l'expert judiciaire ait lui-même précédemment connu de l'affaire ou conseillé l'une des parties, alors qu'en l'espèce, aucun élément ne permet d'affirmer que M. G... ait conseillé les époux R... au moment de la mission de commissariat aux apports effectuée par Mme G... en 2006 ; que la situation ne relève d'aucune des autres causes de récusation de l'expert prévues par l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, l'impartialité objective de M. G... ne peut pas être mise en cause par les époux U... au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par son épouse pour l'Earl [...] en 2006 ; que les époux U... mettent également en causé l'impartialité subjective de M. G..., en lui reprochant d'avoir, dans le cadre des opérations d'expertise, souhaité entendre M. FN... HH..., ST... , alors que la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers, constituée entre M. TZ... G... et Mme WL... G..., était également intervenue en qualité de commissaire aux apports le 21 janvier 2013, dans le cadre de la constitution par M. HH... de son exploitation agricole à responsabilité limitée ;

que, toutefois, d'une part, la participation de la Selarl [...] au commissariat aux apports de l'Earl [...] est une opération neutre n'impliquant aucune dépendance de l'expert à l'égard de M. HH..., lequel n'est, au demeurant, pas partie au litige ; que, d'autre part, force est de constater que M. HH... n'a été interrogé par M. G... qu'en qualité de sachant, sur la question de savoir si les fossés situés en bordure des parcelles litigieuses, et en limite des chemins dont la propriété n'est pas établie par l'existence d'une parcelle cadastrale individualisée, faisaient ou non partie de la propriété communale et s'ils étaient ou non entretenus par la commune ; que cette question, nécessaire pour les opérations d'expertise, ne pouvait être posée qu'au ST... , et ne peut donc conduire à une mise en cause de la neutralité de l'expert ; que pour toutes ces raisons, le rapport d'expertise de M. G... sera entériné et les époux U... seront déboutés de leur demande d'annulation et de nomination d'un nouvel expert ;

1) ALORS QUE la circonstance que la société d'experts agricoles et fonciers, dans laquelle l'expert judiciaire et son épouse sont associés, soit intervenue en qualité de commissaire aux apports pour la création d'une société dont l'un des associés, bailleur, est partie au litige suffit à remettre en cause l'impartialité de cet expert ; qu'en décidant que l'impartialité de M. G..., expert intervenu dans le litige opposant les W... et Q... R..., bailleurs, aux époux U..., preneurs, ne pouvait pas être mise en cause au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers dans laquelle il est associé avec son épouse, pour l'Earl [...] au sein de laquelle W... R... est exploitant, la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2) ALORS QUE la circonstance que la société d'experts agricoles et fonciers, dans laquelle l'expert judiciaire et son épouse sont associés, soit intervenue en qualité de commissaire aux apports pour la création d'une société dont l'un des associés, bailleur, est partie au litige est de nature à remettre en cause l'impartialité de cet expert ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque la société dont les apports ont été évalués et dans laquelle le bailleur est associé est une concurrente directe du preneur, pour exercer la même activité dans la même ville ; qu'en l'espèce, le litige opposant W... et Q... R... aux époux U... avait pour objet l'exécution d'un bail de parcelles agricoles situées sur le territoire de la commune de Quend ; que la cour d'appel a constaté que la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers, était intervenue pour évaluer les apports de l'Earl [...] qui a pour associés, W... et H... R... et qui a pour activité la production de céréales, sur le territoire de la commune de Quend ;

qu'en décidant que l'impartialité de M. G..., expert intervenu dans le litige opposant les W... et Q... R... aux époux U... ne pouvait pas être mise en cause au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par la Selarl [...], société d'experts agricoles et fonciers dans laquelle il est associé avec son épouse, pour l'Earl [...] qui est la concurrente directe des époux U..., la cour d'appel a violé l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3) ALORS QUE l'expert désigné dans une procédure judiciaire contentieuse a l'obligation de déclarer toutes les missions qu'il a effectuées luimême ou qu'a effectuées la société dont il est membre au profit de l'une ou l'autre des parties ; qu'en l'espèce, M. et Mme U... reprochaient à M. G..., au titre de son impartialité, de ne pas les avoir informés de l'intervention de la société d'experts agricoles et fonciers dont il est associé comme commissaire aux apports dans le cadre de la constitution de l'Earl créée par W... R... (cf. concl. d'appel, p. 15) ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes en annulation du rapport d'expertise déposé par M. G... et en demande d'une nouvelle expertise, que l'impartialité de M. G... ne pouvait pas être mise en cause par les époux U... au titre de la mission de commissariat aux apports réalisée par son épouse pour l'Earl [...], sans s'expliquer sur le défaut de transparence de M. G... au moment de sa désignation en qualité d'expert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4) ALORS QUE le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en l'espèce, M. et Mme U... faisaient valoir que dans le cadre des opérations d'expertise confiées à M. G..., les époux U... s'étaient inquiétés de la partialité de l'expert judiciaire, M. et Mme R... ayant notamment fait état de propos de l'expert pour asseoir une demande de résiliation du bail (cf. concl. d'appel, p. 15) ; qu'en retenant, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes avant dire droit en annulation du rapport d'expertise déposé par M. G... et en demande d'une nouvelle expertise, que la mission ponctuelle ainsi confiée à Mme G..., outre qu'elle est bien antérieure à la désignation de M. G..., ne s'inscrivait pas dans un contexte contentieux et avait trait à une situation à laquelle les époux U... étaient totalement étrangers, sans s'interroger sur l'incidence des conclusions du rapport d'expertise sur une éventuelle résiliation du bail avec une reprise des terres au profit de M. R..., à titre individuel ou au sein de l'Earl [...], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 237 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5) ALORS QUE l'article 341 du code de procédure civile, qui prévoit limitativement huit cas de récusation, par renvoi à l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, n'épuise pas l'exigence d'impartialité requise de tout expert ; qu'en l'espèce, au soutien de leur demande de voir annuler le rapport d'expertise déposé par M. G... et de voir désigner un nouvel expert, M. et Mme U..., se fondant notamment sur l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reprochait à l'expert un défaut d'impartialité ; qu'à ce titre, ils faisaient valoir que la Selarl d'experts agricoles et fonciers Nansot, dont M. G... et son épouse étaient membres, était intervenue comme commissaire aux apports dans le cadre de la constitution de l'Earl créée par M. R... en 2006, ce dont il s'était abstenu de les informer ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes, que cette situation ne relève d'aucune cause de récusation de l'expert prévue par l'article L. 111-6 du code de l'organisation judiciaire, sans rechercher si, hors des prévisions de cet article, elle ne constituait pas une cause permettant de douter de l'impartialité de l'expert, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leur demande en remboursement de fermage ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article L. 411-11 dans sa version en vigueur au moment de la signature du bail prévoyait que « Le prix de chaque fermage est établi en fonction, notamment, de la durée du bail, compte tenu d'une clause de reprise éventuellement en cours de bail, de l'état et de l'importance des bâtiments d'habitation et d'exploitation, de la qualité des sols ainsi que de la structure parcellaire du bien loué. Ce prix est constitué, d'une part, du loyer des bâtiments d'habitation et, d'autre part, du loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues. Le loyer des bâtiments d'habitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima qui sont arrêtés par l'autorité administrative. Ce loyer ainsi que les maxima et les minima sont actualisés, chaque année, selon la variation de l'indice national mesurant le coût de la construction publié par l'institut national de la statistique et des études économiques. Le loyer des bâtiments d'exploitation et des terres nues est évalué en une quantité déterminée de denrées comprise entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative. L'autorité administrative détermine les maxima et les minima prévus aux deux alinéas ci-dessus sur proposition de commissions consultatives paritaires départementales et, le cas échéant, régionales et nationale. En cas de carence de ces commissions, l'autorité compétente procède elle-même à cette fixation. Ces maxima et ces minima font l'objet d'un nouvel examen au plus tard tous les neuf ans. S'ils sont modifiés, le prix des baux en cours ne peut, sous réserve des dispositions figurant au premier alinéa de l'article L. 411-13, être révisé que lors du renouvellement ou, s'il s'agit d'un bail à long terme, en début de chaque nouvelle période de neuf ans. A défaut d'accord amiable, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le nouveau prix du bail » ; que l'article L. 411-12 dans sa version alors en vigueur prévoyait que « le prix du bail est réglable soit en nature, soit en espèces, soit partie en nature, partie en espèces » ; que le prix du fermage fixé par le bail à hauteur de 8 quintaux de blé à l'hectare correspond à la fourchette haute prévue par l'arrêté préfectoral pour les terres de bonne catégorie ; que les parties divergent sur la catégorie qualitative dont relèvent les terres louées, les époux U... estiment que les terres n'étant pas dès la prise à bail de bonne qualité, le prix du fermage ne peut être fixé en fonction d'une quantité de denrées prévue pour des terres de bonne qualité ; ils s'appuient sur le rapport d'expertise G... ; les époux R... font valoir pour leur part que la qualité des terres a été correctement appréciée lors de la prise à bail, la dégradation de leur qualité étant imputable au défaut d'entretien des preneurs qui se sont succédés et qui ne leur est pas imputable ; ils ne sauraient en conséquence être tenus à un quelconque remboursement en cours du bail du montant des fermages ;

que dès lors que la discussion porte sur le montant de la valeur locative des parcelles louées quand bien même cette valeur locative résulte d'une quantité de denrée prévue pour une catégorie qualitative des terres ne correspondant pas à celle des terres louées, qu'il n'est pas discuté que la denrée retenue figure parmi celles autorisées par l'arrêté préfectoral et que le prix fixé reste dans les limites des maxima prévus par cet arrêté, le fermage n'est pas illicite. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les M. B... [épouxU... de leurs demandes en remboursement de fermage pour le motif tiré de son illicéité ; que dès lors que les époux U... n'ont pas entendu fonder leur action en remboursement sur les dispositions de l'article L. 411-13 du code rural, il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de leur demande sur ce fondement ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la demande des époux U... en remboursement des fermages indus ; que sur la recevabilité de la demande ;
qu'aux termes des dispositions de l'article L. 411-11 du code rural, le loyer des terres nues et des bâtiments d'exploitation est fixé en monnaie entre des maxima et des minima arrêtés par l'autorité administrative ; que la violation de ces dispositions d'ordre public ouvre au preneur ou au bailleur une action en nullité de la clause fixant le prix fermage, soumise au délai de prescription de droit commun ; que, par ailleurs, l'article L. 411-13 du code rural ouvre au preneur et au bailleur une action en révision du fermage, au cours de la troisième année de jouissance, et de la troisième année de chacun des baux renouvelés ; que cette action suppose que le fermage soit supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail ; qu'en l'espèce, les époux U... ont choisi de fonder leur action sur les dispositions du premier de ces deux textes ; (...) ; que sur le bien-fondé de la demande ; que l'action en régularisation de fermage illicite fondée sur l'article L. 411-11 du code rural suit le régime de l'action en nullité, et suppose donc que soit démontrée l'existence d'une cause de nullité de la clause litigieuse au moment de la formation du contrat ; qu'il convient de souligner, s'agissant d'une illicéité invoquée pour cause de surévaluation du fermage, que contrairement à l'action en révision du fermage de l'article L. 411-13 du code rural qui est ouverte dès lors que le prix convenu est supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, l'action en nullité fondée sur l'article L. 411-11 du même code suppose que le fermage litigieux excède les maxima fixés par l'autorité administrative ; qu'ainsi, en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe aux époux U... de prouver conformément à la loi, que le prix du fermage fixé lors du bail du 16 mars 1993 excédait les maxima prévus par l'autorité administrative ; qu'en l'espèce, les époux U... exposent que le fermage qui leur a été réclamé et qu'ils ont payé depuis leur installation le 11 janvier 2002, a été notablement surévalué par rapport au barème fixé par arrêté préfectoral, compte tenu du mauvais état des terres louées ; qu'ils fondent leurs prétentions sur un rapport d'expertise amiable non-contradictoire, réalisé à leur demande par M. TZ... GF..., expert foncier et agricole, le 7 mai 2012 ;

que, toutefois, cette pièce ne permet en aucun cas à la juridiction de connaître l'état des terres au moment de la conclusion du bail de 1993, ni, au demeurant, au moment du transfert du bail intervenu au profit des époux U... en 2002 ; que le rapport d'expertise judiciaire de M. G... ne permet pas davantage de connaître l'état des parcelles en 2002, ni en 1993 ; qu'en effet, pour apprécier l'état des parcelles litigieuses en 2002, M. G... se fonde essentiellement sur une photographie aérienne prise le 1er juin 2002, sur des pièces relatives à l'état des terres au moment des opérations d'expertise, et sur son esprit de déduction ; que cette photographie, reproduite en page 41 du rapport d'expertise, a été étudiée attentivement par les membres du tribunal, sans qu'il ne soit possible pour eux de tirer la moindre conclusion sur l'état du drainage en 2002, ni a fortiori en 1993, ni sur l'état de curage des fossés d'écoulement des eaux drainées ; qu'en revanche, que parmi les éléments versés aux débats, le rapport d'expertise judiciaire du 14 août 2001 réalisé par M. NW... BD..., désigné par le tribunal paritaire des baux ruraux d'Abbeville afin de fixer la valeur vénale des parcelles litigieuses dans le cadre de la vente envisagée par les consorts NV..., est beaucoup plus probant sur l'état des parcelles au moment de l'installation des consorts U... ; que l'expert avait ainsi pour mission de visiter les parcelles, de dire s'il existe un caractère inondable des terres, et de donner au tribunal toutes précisions afin de déterminer la valeur vénale des biens et les conditions de la vente ; qu'au terme des opérations d'expertise, M. BD... a conclu son rapport en ces termes : « 46ha sur 51ha sont drainés. Le 2 mai, jour de la visite des terres, nous étions à la fin d'une période de pluviométrie intense qui s'est étalée d'octobre 2000 à avril 2001 (se rappeler les inondations d'Abbeville et de la vallée de la Somme). Les terres étaient restées en l'état depuis la récolte 2000. Or, mis à part quelques ronds encore humides représentant 5 % environ de la surface drainée, l'ensemble des terres pouvaient être travaillées pour recevoir les semis de printemps. Les 15ha non drainés, en nature de pré principalement n'étaient pas inondés » ; que, par ailleurs, M. BD... s'est fondé sur l'évaluation des terres résultant de ses propres observations, pour déterminer leur classement en T 03, concernant 4ha 71, et en T02, concernant 56ha92, ce qui correspond à une bonne productivité, incompatible avec l'état invoqué par les époux U... ; que, s'il est constant, au vu du rapport d'expertise de M. G..., que les terres ne sont plus, actuellement, en bon état de drainage, et que leur état actuel pourrait justifier une action en révision du fermage sur le fondement de l'article L. 411-13 du code rural, force est cependant de constater que les éléments versés aux débats ne permettent pas de conclure à l'illicéité de la clause du bail du 16 mars 1993 fixant le fermage annuel de 516 quintaux de blé-froment de première qualité pour 64ha 87a 32ca, soit à environ 8 quintaux l'hectare, soit dans les limites des maxima réglementaires ; que, même à considérer, ainsi que semblent y inviter les époux U..., que le transfert du bail intervenu à leur profit en 2002 ait constitué un nouveau contrat, l'illicéité de la clause y fixant le prix du fermage n'est pas davantage démontrée ; qu'en effet, d'après le rapport d'expertise de M. G..., l'arrêté préfectoral fixant le prix du fermage en 2002 prévoyait, pour les terres de catégorie bonnes louées pour 18 ans un loyer compris entre 5,3 quintaux de blé et 8 quintaux de blé ;

que le prix du fermage prévu pour les parcelles litigieuse n'excédait donc pas le maximum réglementaire ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, les époux U... ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de nullité de la clause fixant le prix du fermage, et de remboursement de fermages trop-perçus ;

1) ALORS QU'est illicite la clause du bail fixant le prix du fermage sans tenir compte des minima et maxima fixés par l'arrêté préfectoral selon la catégorie qualitative des parcelles agricoles affermées ; qu'en l'espèce, M. et Mme U... faisaient valoir que la clause du bail fixant le prix de fermage à 8 quintaux de blé l'hectare, soit le montant maximal prévu par l'arrêté préfectoral de 2002 pour les terres de catégorie bonne louées pour 18 ans, était illicite pour ne pas tenir compte du mauvais état des parcelles affermées, l'expert judiciaire ayant retenu que dès la prise à bail elles correspondaient à des terres de catégorie médiocre ou moyenne, avec un fermage moyen de 3 quintaux de blé ; qu'en affirmant, pour débouter M. et Mme U... de leur demande en nullité de la clause et en remboursement des fermages indus, qu'il importait peu que la valeur locative des parcelles louées contestée résulte d'une quantité de denrée prévue pour une catégorie qualitative des terres ne correspondant pas à celles des terres louées, la denrée retenue figurant parmi celles autorisées par l'arrêté préfectoral et le prix fixé restant dans les limites des maxima prévus par cet arrêté, la cour d'appel a violé les articles L. 411-11 et L. 411-14 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 6 du code civil ;

2) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusion est un défaut de motif ; que dans leurs conclusions (p. 37-38 et p. 40-41), les époux U... faisaient valoir que la clause du bail fixant le prix de fermage était illicite en tant qu'elle imposait le paiement de taxes de drainages en méconnaissance de l'interdiction posée par l'article L. 411-12 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pourtant péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande de M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de voir condamner M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... à leur payer la somme de 1.295 euros en remboursement de trop perçu de taxes relatives à l'association foncière rurale de Quend pour l'année 2003 et d'AVOIR déclaré irrecevable comme étant prescrite la demande de M. B... U... et Mme P... N... épouse U... en remboursement des taxes de drainage ;

AUX MOTIFS QUE les taxes dont les époux U... demandent le remboursement qui constituent un accessoire du fermage ont la nature de charges locatives ; que l'article 2224 du code civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription qui fixe à cinq ans la durée de la prescription des actions personnelles ou mobilières n'a pas réduit la durée de la prescription des actions en répétition des fermages et de leurs accessoires déjà fixée à cinq ans par l'ancien article 2277 du code civil dans sa rédaction issue de sa modification par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 ; qu'il n'est pas contesté que la première demande des époux U... à ce titre remonte au 8 novembre 2011 ; qu'en conséquence toutes leurs demandes qui portent sur des sommes dues antérieurement au 8 novembre 2006 date à laquelle la loi du 18 janvier 2005 susvisée était entrée en vigueur, sont frappées par la prescription et sont par conséquent irrecevables ; qu'il y a lieu dès lors de réformer le jugement entrepris qui a condamné les époux R... à payer aux époux U... la somme de 1.295 € au titre des taxes versées à l'association foncière pour l'année 2003 dès lors que ces sommes ont été versées antérieurement au 8 novembre 2006 ; de même, il résulte des courriers et attestations de l'AFR que les taxes de drainage ont cessé d'être appelées en 2005, l'emprunt contracté pour financer les travaux de drainage ayant fini d'être remboursé en 2004 ; qu'en conséquence, toute les demandes portant sur les taxes de drainage sont irrecevables ;

1) ALORS QUE le point de départ de la prescription de l'action en répétition des fermages et de leurs accessoires indus correspond au jour où le solvens a connu ou aurait pu connaître le caractère indu du paiement ; qu'en l'espèce, les époux U... faisaient valoir que « depuis l'origine, (ils) avaient multiplié les courriers recommandés tant aux consorts L... qu'aux consorts R... pour leur demande de bien vouloir justifier et interroger l'AFR sur les sommes exactes et les justificatifs relatifs à ces sommes » (concl. p. 41) ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite leur demande en remboursement de charges, au motif qu'elles correspondaient à ses sommes versées antérieurement au 8 novembre 2006, sans rechercher la date à laquelle M. et Mme U... avait eu connaissance du caractère indu du paiement des charges litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil ;

2) ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer le sens clair et précis des conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux U... rappelaient qu'ils avaient introduit « une procédure devant le tribunal paritaire des baux ruraux par requête enregistrée au greffe le 11 septembre 2006 (sous le n° 06-22), tendant au remboursement par les époux R... de taxes de drainage et de nocage pour les années 2002, 2003, 2004 et 2005 et par les consorts NV... pour les taxes des années antérieures » (concl. p. 7) ; que dès lors, en affirmant qu'il n'est pas contesté que la première demande des époux U... au titre du remboursement des taxes remonte au 8 novembre 2011, pour en déduire que toutes leurs demandes portant sur des sommes antérieures au 8 novembre 2006 sont prescrites, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leur demande en remboursement des taxes de nocage ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 411-12 du code rural prévoit que « sauf si le bailleur, en accord avec le preneur, a réalisé des investissements dépassant ses obligations légales ou lorsque des investissements sont imposés au bailleur par une personne morale de droit public, ou encore lorsque le bailleur a supporté définitivement l'indemnité due au preneur sortant en application des articles L. 411-69 à L. 411-77, le fermage ne peut comprendre, en sus du prix calculé comme indiqué à l'article L. 411-11, aucune redevance ou service de quelque nature que ce soit. » ; que le bail fait obligation au preneur de rembourser au « propriétaire, la moitié du montant global des décimes additionnels, perçus au bénéfice des chambres d'agriculture et le montant de la taxe perçue au bénéfice du budget annexe des prestations sociales agricoles, et la totalité de la taxe de remembrement et de la taxe de drainage » ; qu'en l'espèce, M. G... rappelle que la zone où sont situées les parcelles est une zone où le nocage est indispensable pour assurer le drainage naturel des fossés et l'évacuation des eaux vers la mer ; que la clause du bail ci-dessus rappelée est en conséquence susceptible de s'étendre à la taxe de nocage s'agissant d'une prestation qui est le complément nécessaire au drainage. Par ailleurs, le nocage induit des équipements (stations de relevage) qui sont des investissements, lesquels ont été réalisés par l'association syndicale d'assainissement du Marquenterre (ASA), personne morale de droit public qui peut user des prérogatives de la puissance publique pour obtenir par l'impôt le remboursement des frais engagés au titre des travaux ou des frais d'entretien des équipements ; que l'article R. 133-8 du code rural prévoit que les travaux hydrauliques sont répartis entre les propriétaires selon leur degré d'intérêt ; les parcelles données à bail étant situées en zone où le nocage est indispensable, celui-ci présente un intérêt pour le propriétaire l'autorisant à répercuter en application des clauses du bail le montant des taxes appelé à ce titre ; qu'il y a donc lieu de rejeter les demandes des époux U... en remboursement des taxes, cette demande portant, en sus des taxes de drainage déclarées irrecevables, sur les taxes de nocage ;

1) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer ; qu'en l'espèce, pour débouter M. et Mme U... de leur demande en remboursement des taxes de nocage, la cour d'appel a retenu que la clause du bail selon laquelle le preneur doit rembourser au « propriétaire, la moitié du montant global des décimes additionnels, perçus au bénéfice des chambres d'agriculture et le montant de la taxe perçue au bénéfice du budget annexe des prestations sociales agricoles, et la totalité de la taxe de remembrement et de la taxe de drainage » est susceptible de s'étendre à la taxe de nocage s'agissant d'une prestation qui est le complément nécessaire au drainage ; qu'en statuant ainsi, quand les conclusions écrites oralement soutenues par les parties ne comportaient aucun moyen tiré de l'extension de l'obligation contractuelle pour le preneur de rembourser la totalité de la taxe de remembrement et de la taxe de drainage à la taxe de nocage, la cour d'appel, qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE la clause du bail rural mettant à la charge du preneur le paiement de taxes est interprétation stricte ; que pour débouter M. et Mme U... de leur demande en remboursement des taxes de nocage, la cour d'appel a considéré que la clause du bail selon laquelle le preneur doit rembourser au « propriétaire, moitié du montant global des décimes additionnels, perçus au bénéfice des chambres d'agriculture et le montant de la taxe perçue au bénéficie du budget annexe des prestations sociales agricoles, et la totalité de la taxe de remembrement et de la taxe de drainage » était susceptible de s'étendre à la taxe de nocage s'agissant d'une prestation qui est le complément nécessaire au drainage ; qu'en statuant ainsi, cependant que la clause litigieuse, d'interprétation stricte, ne prévoyait nullement que la taxe de nocage devait être payée par le preneur, la cour d'appel a violé l'article L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 1163 ancien du code civil et 1134 ancien, devenu 1103 du même code

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leurs demandes de dommages et intérêts et de remise en état, d'AVOIR débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leur demande en paiement de 11.110 € au titre des frais de constat d'huissier et d'AVOIR débouté M. B... U... et Mme P... N... épouse U... de leur demande tendant à voir condamner M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... à effectuer la remise des terres en état de drainage et de nocage et à communiquer un plan avec le réseau des drains ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande des époux U... en dommages et intérêts au titre du mauvais entretien des lieux loués ; que si l'article 1720 du code civil dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose louée en bon état de réparation en toute espèce, cette disposition n'est pas d'ordre public et les parties peuvent valablement y déroger ; que le bail qui fait obligation au preneur d'effectuer le curage annuel des fossés, rigoles et ruisseaux, de les tenir propres, à leur dimension afin d'assurer l'écoulement des eaux constitue une dérogation au principe énoncé à l'article 1720 du code civil ; il en est de même pour la stipulation du bail selon laquelle l'élagage et le nettoyage des haies constituent des « travaux qui lui incombent suivant les prescriptions des usages locaux ». Enfin la clause qui prévoit que « pour les cours d'eau non domaniaux dont l'entretien est assuré par un syndicat de riverains, les frais imputables à l'intervention de ce dernier seront à la charge du preneur » constitue également une dérogation à ce principe ; que l'entretien des haies et des fossés incombant au preneur, ce dernier n'a donc pas à demander l'autorisation du bailleur pour effectuer les travaux nécessaires à cet entretien, le bail ne contenant aucune restriction de jouissance sur ce point. Les époux U... ne sauraient donc faire grief aux époux R... de ne pas avoir répondu à leurs demandes à être autorisés à arracher les haies, couper les arbres et arbustes poussant dans les fossés ; qu'il résulte des opérations d'expertise que le réseau de drainage mis en place en 1983 est en ruine. L'expert impute cette ruine à l'absence d'entretien des précédents exploitants, successivement M. EZ... et M. LV... et considère qu'elle est donc antérieure à la reprise du bail par les époux U.... L'expert s'est forgé cet avis notamment par une photo aérienne du 1er juin 2002 où il apparaît que les fossés étaient déjà envahis d'arbres. Il déplore l'absence de plans de drainage réclamés à maintes reprises par les époux U... et qui complique l'entretien du réseau de drainage et qu'il n'a pas pu obtenir au cours des opérations d'expertise. M. BR..., président de l'association foncière rurale de Quend (AFR) qu'il a interrogé sur ce point lui a déclaré que l'association ne disposait pas de ces plans et que la Direction départementale de l'agriculture les avait perdus lors d'un déménagement.

A cette absence de plans, l'expert relève que s'ajoute l'absence de matérialisation de l'emplacement des bouches de décharge des drains et collecteurs empêchant ainsi que le curage des fossés et le recueil des eaux de drains puisse se faire sans risque d'endommagement ; que du fait de cette situation, l'expert considère que les époux U... ne pouvaient pas faire cet entretien à un coût raisonnable car les fossés étaient déjà envahis dès leur reprise, le défrichage mécanique des fossés qui risquait d'endommager encore plus les drains et le défrichage manuel ayant un coût exorbitant au regard de la rentabilité des terres. Il pointe la légèreté des preneurs qui sont entrés dans les lieux sans s'inquiéter de l'état des terres ; qu'il considère que la ruine du drainage n'est pas plus imputable aux époux R... qui n'ont pas la charge de l'entretien des fossés, relevant, en outre que les époux R... ont acheté les parcelles données à bail postérieurement à la signature du bail de sorte que cette ruine est antérieure à leur acquisition ; que s'agissant des consorts U..., l'expert estime regrettable qu'ils n'aient pas fait établir un état des lieux lors de la signature du bail. Cependant, il s'avère que l'absence d'état des lieux ne permet pas de retenir leur responsabilité dans la ruine du drainage puisqu'aux termes du bail l'entretien des fossés ne leur incombait pas ; que M. BR... répondait à l'expert qui l'interrogeait sur le problème de l'entretien des fossés qui sont situés en bordure de parcelles et en limite des chemin et dont la propriété n'est pas établie par l'existence d'une parcelle individualisée que ces fossés ne font pas partie de la propriété communale, qu'en aucun cas la commune n'assure l'entretien de ces fossés et que les agriculteurs s'adressent directement à l'ASA pour entretien, la commune n'ayant aucun budget alloué à l'entretien de ces fossés situés en bordure de parcelles agricoles, et que les agriculteurs paient directement à l'ASA les travaux qu'ils demandent ; pour étayer son propos, il montrait à l'expert une liste de travaux réalisés à la demande d'agriculteurs de Quend par les entreprises homologuées par l'ASA ; qu'il résulte ainsi des réponses du ST... que viennent conforter les stipulations susvisées du bail l'existence d'une pratique dans le Marquenterre mettant à la charge des agriculteurs les frais d'entretien des fossés en bordure de parcelles et qui ne relèvent pas du domaine domanial de la commune et du recours à l'ASA pour effectuer les travaux d'entretien qui facture ainsi directement les exploitants qui en font la demande ; que l'envoi aux époux U... par l'ASA d'une facture d'un montant de 255,65 € pour des travaux de curage d'un fossé situé entre l'une des parcelles données à bail et celle d'un autre exploitant vient illustrer l'existence de cette pratique ; qu'il résulte des stipulations du bail que la ruine du drainage n'étant pas imputable aux bailleurs successifs tenus d'aucune obligation d'entretien à ce titre, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux U... de leur demande de dommages et intérêts portée devant la cour à hauteur de 402 866 € ; la ruine du drainage ne leur étant pas imputable, les bailleurs successifs ne sauraient davantage être tenus de remettre les parcelles en état ;

il y a lieu, confirmant le jugement, de débouter les époux U... de leur demande en remboursement des frais de remise en état à hauteur de 123 250 € ;

ils seront pareillement déboutés de leur demande de condamnation sous astreinte des époux R..., à remettre en état normal de drainage et de nocage les parcelles louées et à se voir remettre un plan de drainage ; que par ailleurs, la responsabilité des époux R... et des consorts U... dans la dégradation des terres données à bail n'étant pas retenue, les époux U... se verront déboutés de leur demande en paiement à hauteur de 11.110 € représentant le coût des constats d'huissier qu'ils ont fait établir afin de démontrer l'absence ou la ruine du drainage ; que la responsabilité des époux R... dans la dégradation des terres n'étant pas engagée, leur appel en garantie à l'encontre des consorts U... est sans objet ;

1) ALORS QUE le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce ; qu'en rejetant la demande de M. et Mme U... en dommages et intérêts pour défaut de délivrance d'un fonds en bon état de culture, après avoir constaté d'une part, qu'il « résulte des opérations d'expertise que le réseau de drainage mis en place en 1983 est en ruine », l'expert imputant « cette ruine à l'absence d'entretien des précédents exploitants, successivement M. EZ... et M. LV... et considère qu'elle est donc antérieure à la reprise du bail par les époux U... », et, d'autre part, que « les époux R... ont acheté les parcelles données à bail postérieurement à la signature du bail de sorte que cette ruine est antérieure à leur acquisition », ce dont il s'évinçait que les bailleurs n'avaient pas délivré le bien loué en bon état de réparations, la cour d'appel a violé l'article 1720 du code civil ;

2) ALORS QUE si le preneur est tenu d'une obligation d'entretien du fonds donné à bail, il ne lui incombe en revanche pas de procéder à sa remise en état ; qu'en affirmant, pour débouter M. et Mme U... de leurs demandes au titre de la remise en état du fonds donné à bail, qu'ils ne pouvaient se plaindre de la ruine du système de drainage, en tant que preneurs tenus d'une obligation d'entretien des fossés par application d'une clause dérogatoire du bail, cependant que l'obligation d'entretien du fonds affermé mise à la charge de M. et Mme U... se distinguait de l'obligation de M. et Mme R... de remettre en état le système de drainage, la cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil ;

3) ALORS QUE l'absence d'état des lieux d'entrée ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrer un fonds en bon état de réparations de toute espèce ; qu'en retenant, pour débouter M. et Mme U... au titre de la remise en état du fonds donné à bail, que l'expert pointait « la légèreté des preneurs qui sont entrés dans les lieux sans s'inquiéter de l'état des terres », la cour d'appel, statuant par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1720 du code civil.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. B... U... et Mme P... N... épouse U... à payer à M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... la somme de 3.171,85 € au titre de l'échéance de fermage du 1er juin 2016 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande des époux R... en paiement de la somme de 3.775,11 € ; que la somme de 3.775,11 € réclamée par les époux R... se décompose d'une part à hauteur de 603,26 € d'un solde restant dû sur le fermage pour l'année 2006 à hauteur de 370,03 €, et d'un solde à ce même titre pour l'année 2010 à hauteur de 233,19 €, outre quatre centimes pour le fermage de l'année 2005 et d'autre part à hauteur de 3 171,85 €, de l'échéance de fermage du 1er juin 2016 ; (...) ; qu'aucun moyen n'étant avancé par les époux U... pour contester le chef de condamnation à hauteur de 3.171,85 € au titre de l'échéance du 1er juin 2016, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE n'est pas contestée par les époux U... la demande des époux R... en paiement de la somme de 3171,85 euros, au titre de l'échéance du fermage due au 1er juin 2016, déduction faite des condamnations prononcées à leur encontre par la cour d'appel d'Amiens le 14 juin 2016 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

1) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les conclusions respectives des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme U... soutenaient, s'agissant de la demande des époux R... en paiement de la somme de 3.775,11 euros au titre des fermages 2016, que ces derniers sollicitaient le paiement d'une somme déjà perçue ; qu'à ce titre, versant deux pièces numérotées 138 et 139 aux débats, ils faisaient valoir qu'après compensation entre les parties, ladite somme avait été réglée en décembre 2016 par les époux U... directement entre les mains du Conseil des époux R... et que dès lors, ces derniers n'étaient pas fondés à solliciter le versement d'une somme quelconque au titre des fermages (cf. concl. d'appel, p. 60) ; qu'en énonçant, pour condamner les époux U... à payer aux époux R... la somme de 3.171,85 euros, qu'aucun moyen n'était avancé par eux pour contester ce chef de condamnation en première instance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux U... soutenaient, s'agissant de la demande des époux R... en paiement de la somme de 3.775,11 euros au titre des fermages 2016, que ces derniers sollicitaient le paiement d'une somme déjà perçue ; qu'à ce titre, versant deux pièces numérotées 138 et 139 aux débats, ils faisaient valoir qu'après compensation entre les parties, ladite somme avait été réglée en décembre 2016 par les époux U... directement entre les mains du Conseil des époux R... et que dès lors, ces derniers n'étaient pas fondés à solliciter le versement d'une somme quelconque au titre des fermages (cf. concl. d'appel, p. 60) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SEPTIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. B... U... et Mme P... N... épouse U... à payer à M. W... R... et Mme Q... D... épouse R... la somme de 603,26 € au titre d'un arriéré de fermage ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande des époux R... en paiement de la somme de 3.775,11 € ; que la somme de 3.775,11 € réclamée par les époux R... se décompose d'une part à hauteur de 603,26 € d'un solde restant dû sur le fermage pour l'année 2006 à hauteur de 370,03 €, et d'un solde à ce même titre pour l'année 2010 à hauteur de 233,19 €, outre quatre centimes pour le fermage de l'année 2005 et d'autre part à hauteur de 3 171,85 €, de l'échéance de fermage du 1er juin 2016 ; que le tribunal pour débouter les époux R... de leur demande à hauteur de 603,26 € s'est fondé sur l'extrait du rapport d'expertise ci-après reproduit : « s'il faut considérer que le bail doit être respecté en ce qui concerne le montant du fermage (...), il n'y a aucun décompte à faire entre les parties » ; qu'il était en effet donné mission à l'expert de faire le cas échéant « le compte entre les parties » ; que l'expert a entendu ce chef de mission uniquement dans l'hypothèse d'une révision du fermage fixé au bail en fonction d'un nombre moindre de quintaux à l'hectare correspondant à une catégorie de moins bonne qualité que celle retenue par le bail ; que si l'expert calcule le montant du fermage dans l'hypothèse où il est revu à la baisse depuis l'entrée dans les lieux des époux U... et retient un excédent de 3 698,11 quintaux par rapport au montant du fermage tel que fixé au bail, il ne fait pas les comptes entre les parties puisqu'il ne confronte pas ce résultat aux appelés et aux versements effectués par les preneurs afin de déterminer l'existence ou non d'un trop versé par ces derniers ; qu'en conséquence, l'expert confondant ainsi les notions de comptes et de calcul, son avis selon lequel il n'y a aucun compte à faire entre les parties dans l'hypothèse où le fermage reste fixé aux conditions prévues au bail n'exclut pas l'existence d'un arriéré ; que les époux U... qui invoquent l'avis de l'expert précité, repris par erreur par le jugement n'émettent aucune contestation sur les affichés dans le tableau produit par les époux R... qui sont donc tenus pour exacts. Il résulte un solde restant dû à hauteur de 603,26 € ; que les époux U... sur lesquels repose la charge de la preuve du paiement en application du principe résultant de l'article 1315 du code civil ne démontrent pas s'être acquittés du solde, il y a lieu réformant le jugement entrepris de les condamner au paiement de la somme de 603,26 € ;

1) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les termes du litige tels qu'ils sont déterminés par les conclusions respectives des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, M. et Mme U... soutenaient, s'agissant de la demande des époux R... en paiement de la somme de 603,26 euros, que le tableau récapitulatif dressé par ces derniers ne pouvait être retenu en l'état par la cour d'appel et qu'en toute hypothèse, il ne permettait pas de remettre en cause les conclusions de l'expert s'agissant des comptes entre les parties sur le compte des fermages (cf. concl. d'appel, p. 61) ; qu'en énonçant, pour condamner les époux U... à payer aux époux R... la somme de 603,26 euros, que « les époux U... qui invoquent l'avis de l'expert précité, repris par erreur par le jugement n'émettent aucune contestation sur les affichés dans le tableau produit par les époux R... qui sont donc tenus pour exacts » (cf. arrêt, p. 19, § 7), la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS en toute hypothèse QUE le silence opposé à l'affirmation d'un fait ne vaut pas à lui seul reconnaissance de ce fait ; qu'en retenant, pour condamner M. et Mme U... à payer à M. et Mme R... le somme de 603,26 euros au titre d'un arriéré de fermages, que « les époux U... qui invoquent l'avis de l'expert précité, repris par erreur par le jugement n'émettent aucune contestation sur les affichés dans le tableau produit par les époux R... qui sont donc tenus pour exacts » (cf. arrêt, p. 19, § 7), quand l'absence de contestation de M. et Mme U... ne valait pas preuve de l'existence d'un arriéré de fermage pour la somme de 603,26 euros, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-26041
Date de la décision : 28/05/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 18 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 28 mai. 2020, pourvoi n°18-26041


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.26041
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