LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 mai 2020
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 390 F-D
Pourvoi n° H 18-26.574
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020
La caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° H 18-26.574 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre, protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ à Mme S... H..., domiciliée [...] ,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société [...], de Me Isabelle Galy, avocat de Mme H..., et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Palle, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 25 octobre 2018) et les productions, la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse) a refusé de prendre en charge les frais de transport en taxi exposés par Mme H... (l'assurée) pour son enfant mineur A..., atteint d'une affection de longue durée, au motif, d'une part, que les transports des 14 février, 11 mai et 18 mai 2011, pour des trajets supérieurs à 150 kilomètres, ne respectaient pas la procédure de l'entente préalable, d'autre part, que ceux des 23 septembre, 7 et 19 octobre 2011 ainsi que celui du 8 novembre 2011, liés à des traitements non remboursables, n'étaient pas pris en charge par l'assurance maladie.
2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser les frais du transport effectué le 18 mai 2011, alors, selon le moyen :
« 1°/ que le transport du 18 mai 2011 n'avait fait l'objet ni d'un accord préalable ni d'un protocole de soins, lequel n'interviendra que le 8 juillet 2011 ; qu'en accordant le remboursement du transport du 18 juin 2011 [lire 18 mai 2011] bien qu'il ne remplissait pas les conditions administratives pour être pris en charge par la caisse comme celle-ci le rappelait à la page dix de ses conclusions, la cour d'appel a violé les articles L. 162-1-7, R. 322-10 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale.
2°/ que le transport du 18 mai 2011 a été accompli le jour même de la demande d'entente préalable ; qu'en accordant le remboursement d'un tel transport pour lequel aucun accord tacite n'était possible faute d'avoir respecté le délai de quinze jours après la demande d'accord préalable, la cour d'appel a violé les articles L. 162-1-7, R. 322-10 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 322-10 et R. 322-10-4 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date de prescription du transport litigieux :
5. Il résulte de ces textes que, sauf urgence attestée par le médecin prescripteur, la prise en charge des frais de transport de plus de cent cinquante kilomètres est subordonnée à l'accord préalable de la caisse.
6. Pour condamner la caisse à régler les frais de transport exposés le 18 mai 2011, l'arrêt retient qu'il est établi que l'enfant de l'assurée s'est déplacé entre le 18 mai et le 8 novembre 2011 à Paris, pour y consulter des spécialistes exerçant au Centre des troubles anxieux et de l'humeur et il ressort des pièces produites qu'un protocole de soins a été établi, le 8 juillet 2011, conformément aux dispositions de l'article L. 324-1 du code de la sécurité sociale, avec validité expressément mentionnée jusqu'au 9 juillet 2014, prévoyant le recours à un psychiatre enfant et à un psychologue enfant, les praticiens mentionnés exerçant à Paris.
7. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il résultait des productions que la demande d'entente préalable avait été établie le jour même de la réalisation du transport litigieux qui portait sur une distance de plus de cent cinquante kilomètres, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne à régler directement à la SARL [...] les frais de transport du 18 mai 2011 et en ce qu'il condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne à régler directement à la SARL [...] la somme de 1 503,34 euros, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne Mme H... et la société [...] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne à régler directement à la société [...] les frais de transport des 18 mai, 23 septembre, 7 et 19 octobre et 8 novembre 2011, d'AVOIR condamné la CPAM du Val de Marne à régler directement à la société [...] la somme de 1503,34 euros et d'AVOIR confirmé la décision déférée pour le surplus en ce qu'elle a condamné la CPAM du Val de Marne à verser les sommes de 1.200 euros à la société [...] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de 1200 euros à Madame H... au titre dudit article ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la prise en charge des transports compris entre le 18 mai et le 8 novembre 2011 :
en vertu de l'article L 321-1 2° du code de la sécurité sociale, l'assurance maladie comporte la couverture des frais de transport de l'assuré ou de ses ayants droit se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ; que les frais de transport faisant l'objet d'une prise en charge sont énumérés limitativement à l'article R 322-10, et comportent les transports liés au traitement prescrits pour les malades reconnus atteints d'une affection de longue durée, sous certaines conditions ; qu'enfin, l'article L 324-1 dispose notamment qu'en cas d'affection de longue durée, le médecin traitant et le médecin conseil établissent conjointement un protocole de soins définissant les actes et prestations nécessités par le traitement de l'affection, et pour lesquels la participation de l'assuré peut être limitée ou supprimée ; qu'en l'espèce, il est établi que A... H... s'est déplacé entre le 18 mai et le 8 novembre 2011 à Paris, pour y consulter des spécialistes exerçant au Centre des Troubles Anxieux et de l'Humeur ; qu'or, il ressort des pièces produites qu'un protocole de soins a été établi le 8 juillet 2011 conformément aux dispositions de l'article L 324-1 précité, avec validité expressément mentionnée jusqu'au 9 juillet 2014, prévoyant le recours à un psychiatre enfant, le Docteur B..., et à un psychologue enfant, les praticiens mentionnés exerçant à Paris ; que dans ces circonstances, c'est à juste raison que les premiers juges ont considéré que les frais de transport du jeune patient au Centre des Troubles Anxieux et de l'Humeur devaient être pris en charge par la caisse, ces visites s'effectuant dans le cadre d'un protocole de soins et dans le respect des dispositions de l'article R 322-10 ; que la décision déférée sera confirmée de ce chef ;
que sur les sommes dues à la SARL [...], la Cour ayant dit n'y avoir lieu à prise en charge par la caisse des frais de transport des 14 février et 11 mai 2011 , la CPAM du VAL DE MARNE sera condamnée à payer directement à la SARL [...] la somme de 1503,34 euros au titre des frais de transport des 18 mai, 23 septembre, 7 et 19 octobre et 8 novembre 2011 ; que la décision déférée sera réformée en ce sens ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur le refus de prise en charge des transports des 18 mai, 23 septembre, 7 et 19 octobre et 8 novembre 2011 pour se rendre au Centre des Troubles Anxieux et de l'Humeur
que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE prétend que les transports pour se rendre aux consultations données au patient par le Centre des Troubles Anxieux et de l'Humeur par des psychologues cliniciens ne sont pas remboursables par l'Assurance maladie au motif que les consultations elle-mêmes ne sont pas remboursables ; que selon l'attestation du Docteur J... en date du 06 février 2013, A... H... doit être suivi par le Centre des Troubles Anxieux et de l'Humeur, compétent pour soigner sa pathologie ; que selon l'attestation du Docteur T... en date du 02 avril 2013 et celle du Docteur B..., il est précisé que A... H... doit faire l'objet d'une prise en charge très spécialisée et que ce type de prise en charge n'est pas disponible à SAINT N... et alentours alors que les soins sont indispensables sous peine d'une aggravation du trouble ; qu'il ressort du rapport du médecin-expert désigné par le tribunal que la pathologie du patient est particulièrement complexe et justifie une prise en charge très spécialisée ; que les CMP de SAINT-QUENTIN, LAON ou SOISSONS ne sont pas des structures adaptées à son état et à sa prise en charge ; que le centre de traitement de l'anxiété et de l'humeur est une structure de soins adaptée à la gravité des symptômes présentés par A... H... ; que ces conclusions claires et sans ambiguïté sont critiquées par la caisse alors que son médecin conseil n'a pas daigné se rendre aux opérations d'expertise pour y apporter ses observations dans le cadre d'un débat médical contradictoire ; que les arguments médicaux de la caisse ne seront dès lors pas retenus ; que les frais de transport d'un jeune patient de son domicile au Centre des Troubles Anxieux et de l'Humeur dont les résultats sont patents au vu des documents fournis doivent être pris en charge par la caisse dès lors que les visites auprès de ces praticiens sont effectuées en exécution d'un protocole de soins établi le 8 juillet 2011, conformément à l'article L.324-1 du code de la sécurité sociale, de sorte que le patient se trouve bien dans l'obligation de se déplacer pour suivre un traitement prescrit en application de ce texte pour les malades reconnus atteints d'une ALD, au sens de l'article R.322-10 du code de la sécurité sociale ; que peu importe que les consultations auprès du centre ne sont pas elles-mêmes prises en charge ; qu'il y a donc lieu d'ordonner la prise en charge par la caisse des transports des 18 mai, 23 septembre, 7 et 19 octobre et 8 novembre 2011 ;
(
) que le société sollicite la somme de 1524 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il ressort des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il doit pour cela se baser sur l'équité ou la situation économique de la personne condamnée ;
qu'en l'espèce, il est incontestable que la société a été amenée à exposer des frais pour faire valoir ses droits tant devant le tribunal d'instance que devant le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE et qu'il convient donc de lui allouer la somme de 1200 € à ce titre;
que Sur les autres demandes
(
) qu'il ressort des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il doit pour cela se baser sur l'équité ou la situation économique de la personne condamnée ; qu'en l'espèce, il est incontestable que Madame S... H... a été amenée à exposer des frais pour faire valoir ses droits et qu'il convient donc de lui allouer la somme de 1200 € à ce titre ; qu'enfin, au vu de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur la prise en charge par la caisse des transports (du) 18 mai 2011,
que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE du VAL DE MARNE soutient que les transports (du) 18 mai 2011 n'ont pas fait l'objet d'une demande d'accord préalable ;
qu'elle indique également que les documents transmis ne font pas mention d'une urgence ; qu'il est constant (
) qu'une demande d'accord préalable a été remplie par le Docteur Q... le 18 mai 2011;
(
)
qu'il ressort des documents produits que les prescriptions de transport ont été établies le jour même des rendez-vous et que Madame S... H... était donc dans l'impossibilité de solliciter une prise en charge préalable ; que cette pratique antérieure n'avait pas fait l'objet d'observation de la caisse qui a d'ailleurs procédé au remboursement des sommes litigieuses qu'elle qualifie d'erreur dans son courrier du 14 juin 2012 avant de demander le retour des fonds à la SARL [...] ; qu'il n'y a donc pas lieu de retenir l'argumentation de la caisse sur ce point, cet organisme ayant manifestement manqué à son devoir de conseil et de prévisibilité en décidant soudainement de ne plus rembourser des frais de transport comme elle le faisait auparavant ; qu'il convient donc d'ordonner la prise en charge par la caisse des frais de transport (du) 18 mai 2011;
1) ALORS QUE les frais de transport exposés pour des traitements et des soins ne peuvent être pris en charge que si ces traitements et soins, prescrits par le médecin traitant, sont eux-mêmes pris en charge par l'assurance maladie ; que les consultations données par un psychologue ou un neuro psychologue n'entrent pas dans l'énumération limitative des actes remboursés figurant dans la nomenclature générale des actes professionnels comme le rappelait l'exposante dans ses conclusions d'appel (p. 8 et 9) ; qu'en retenant néanmoins que les frais de transport afférents à des consultations de psychologue et de psychiatre devaient être pris en charge par l'assurance maladie, au motif inopérant que ces dernières s'effectuaient dans le cadre d'un protocole de soins, la cour d'appel a violé les articles L. 162-1-7, R. 322-10 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale, ensemble la nomenclature générale des actes professionnels ;
2) ALORS QUE le transport du 18 mai 2011 n'avait fait l'objet ni d'un accord préalable ni d'un protocole de soins, lequel n'interviendra que le 8 juillet 2011 ; qu'en accordant le remboursement du transport du 18 juin 2011 bien qu'il ne remplissait pas les conditions administratives pour être pris en charge par la caisse comme celle-ci le rappelait à la page 10 de ses conclusions, la Cour d'appel a violé les articles L. 162-1-7, R. 322-10 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale.
3) ALORS QU'en toute hypothèse le transport du 18 mai 2011 a été accompli le jour même de la demande d'entente préalable ; qu'en accordant le remboursement d'un tel transport pour lequel aucun accord tacite n'était possible faute d'avoir respecté le délai de 15 jours après la demande d'accord préalable, la Cour d'appel a violé les articles L. 162-1-7, R. 322-10 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale.
4) ALORS QU'en toute hypothèse, l'erreur n'est pas créatrice de droit ; que les consultations de psychologue n'étant pas remboursées par l'assurance maladie, les frais de transport engagés pour se rendre à de telles consultations ne sont pas pris en charge par l'assurance maladie ; qu'en se fondant néanmoins sur un remboursement antérieur par la caisse des frais de taxi de M. [...] - avant qu'il soit toutefois demandé le retour des fonds -, pour reprocher à la cour d'appel d'avoir manqué à son devoir de conseil et de prévisibilité et décider que les frais de transport engagés le 18 mai 2011 devaient être remboursés, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble les articles L. 162-1-7, R. 322-10 et R. 322-10-1 du code de la sécurité sociale et la nomenclature générale des actes