LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 juin 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 563 F-D
Pourvoi n° Q 19-14.257
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020
Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-14.257 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2019 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme V... T..., épouse Y..., domiciliée [...] , venant aux droits de P... Y..., décédé,
2°/ à M. N... Y..., domicilié [...] , venant aux droits de P... Y..., décédé,
3°/ à Mme A... Y..., épouse L..., domiciliée [...] , venant aux droits de P... Y..., décédé,
4°/ à Mme J... Y..., domiciliée [...] , venant aux droits de P... Y..., décédé,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, de Me Balat, avocat de Mme T..., de M. N... Y..., de Mmes A... et J... Y..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il y a lieu de donner acte à Mme T..., M. N... Y..., Mme A... Y..., épouse L... et Mme J... Y... de ce qu'en tant qu'héritiers de P... Y..., qui est [...], ils reprennent l'instance contre lui introduite.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 6 mars 2019), et les productions, P... Y..., exposé à l'amiante dans l'exercice de son activité professionnelle au sein de la SNCF, a présenté un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 24 février 2010, alors qu'il était âgé de 63 ans .
3. Cette pathologie a été prise en charge au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.
4. P... Y... a ultérieurement saisi la direction juridique de la SNCF d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de cette dernière et obtenu une indemnisation transactionnelle au titre des souffrances physiques et morales et du préjudice d'agrément.
5. Il a ensuite saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA) qui lui a notamment notifié un refus d'indemnisation de son préjudice esthétique aux motifs qu'il aurait dû être indemnisé de ce chef par la SNCF s'il en avait fait la demande.
6. P... Y... a formé un recours contre cette décision .
Examen du moyen :
Enoncé du moyen
7. Le FIVA fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de P... Y... tendant à l'indemnisation de son préjudice esthétique et, en conséquence, de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt alors que « la victime doit opter entre l'indemnisation par le FIVA ou par le tribunal des affaires de sécurité sociale et que celle qui a choisi d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices sur le terrain de la faute inexcusable de son employeur ne peut diviser sa demande qui doit englober l'ensemble des préjudices subis, de sorte que ses demandes indemnitaires à l'encontre du Fonds, après avoir obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur sont irrecevables ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice de la victime sans perte ni profit. »
Réponse de la Cour
8. Ayant relevé, s'agissant du préjudice esthétique, que la demande d'indemnisation de P... Y... portait sur un préjudice dont la réparation n'avait pas été sollicité et qui n'avait pas été indemnisé à l'occasion de la procédure amiable de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 ni le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, que cette demande était recevable .
9. Le moyen n'est dès lors pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à payer à M. N... Y..., Mme A... Y..., épouse L... et Mme J... Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR déclaré recevable la demande de M. Y... tendant à l'indemnisation de son préjudice esthétique et, en conséquence, fixé l'indemnisation de son préjudice esthétique à la somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt,
AUX MOTIFS QUE « le FIVA soutient que cette demande est irrecevable en raison de l'acceptation par la victime des sommes proposées par son employeur dans le cadre de la procédure amiable en reconnaissance de la faute inexcusable, à l'occasion de laquelle il lui appartenait de solliciter l'indemnisation de son préjudice esthétique ; que M. Y... fait cependant valoir, à juste titre, sans méconnaître les dispositions de l'article 53 IV de la loi 2000-1257, que, sa demande portant sur un préjudice non sollicité et non indemnisé dans le cadre de la procédure amiable en reconnaissance de faute inexcusable, le Fonds, qui est tenu d'assurer la réparation intégrale des préjudices subis par les victimes de l'amiante, devait lui faire une offre ; que, cette demande est donc recevable ; [
] ; qu'au vu de ce qui précède, la somme de 3 000 euros offerte par le Fonds apparait satisfactoire » ;
ALORS QUE la victime doit opter entre l'indemnisation par le FIVA ou par le tribunal des affaires de sécurité sociale et que celle qui a choisi d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices sur le terrain de la faute inexcusable de son employeur ne peut diviser sa demande qui doit englober l'ensemble des préjudices subis, de sorte que ses demandes indemnitaires à l'encontre du Fonds, après avoir obtenu la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur sont irrecevables ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice de la victime sans perte ni profit.