LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 juin 2020
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 552 F-D
Pourvoi n° Q 19-18.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JUIN 2020
M. A... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Q 19-18.167 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 4), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI), dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. P..., de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2018 ), en 1994, M. P..., alors âgé de 13 ans, a été victime de viol et d'agressions sexuelles commis par un de ses professeurs. La plainte déposée par sa mère a été classée sans suite, mais de nouveaux faits ayant été dénoncés par une autre victime, son agresseur a été mis en examen en 2001. M. P... s'est constitué partie civile en 2002 mais un arrêt du 22 septembre 2003 a constaté l'extinction de l'action publique du fait du décès en détention de son agresseur avant sa comparution devant la cour d'assises.
2. M. P... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur le premier moyen pris en sa second branche et sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. P... fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes d'annulation du rapport d'expertise du docteur G..., de nouvelle expertise et de communication de pièces qu'il formulait, de fixer la date de consolidation de son état de santé au 11 janvier 2005, de fixer les postes de préjudice comme elle l'a fait et de lui allouer en conséquence en réparation de son préjudice corporel la somme limitée de 132 753,39 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites, alors : « que le principe de la contradiction commande que chaque partie ait connaissance en temps utile, avant la réunion d'expertise, des éléments que l'autre partie a transmis à l'expert, afin de lui permettre de les discuter et d'organiser sa défense ; qu'ayant constaté que l'expert judiciaire avait informé M. P..., le jour même du second accedit, que le FGTI lui avait fait parvenir des documents parmi lesquels des rapports d'expertise, ce dont il résulte que la victime, quand bien même elle les aurait elle-même eus en sa possession, n'a pas été mise en mesure de préparer la réunion d'expertise en ayant pris, ou repris, connaissance des éléments invoqués par le fonds de garantie et n'a ainsi pas été mise à même de les discuter utilement, la cour d'appel qui a cependant retenu qu'il n'y avait pas eu violation du principe de la contradiction a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir constaté que le FGTI avait fait parvenir des pièces à l'expert avant la seconde réunion d'expertise mais qu'à l'exception des rapports des docteurs X... et H..., il s'agissait soit de pièces de procédure, soit des propres pièces de l'intéressé, et que concernant ces deux rapports d'expertise, ils avaient été rendus au contradictoire de M. P..., qui en avait donc connaissance et qui au demeurant les avait discutés pendant les opérations d'expertise, la cour d'appel, en a exactement déduit que le fait que le FGTI ait transmis avant la seconde réunion d'expertise au seul expert les pièces que la victime avait déjà en sa possession, ne s'analysait pas en une violation du principe du contradictoire et qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la nouvelle demande de communication de pièces.
6. Le moyen est donc mal fondé.
Et sur le troisième moyen
Énoncé du moyen
7. M. P... fait grief à l'arrêt de confirmer la décision entreprise qui a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice au titre de la tierce personne, et de lui allouer en réparation de son préjudice corporel la somme limitée de 132 753,39 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites, alors :
« 1°/ que les besoins d'assistance d'un tiers dans les actes de la vie courante ne sont pas limités aux seuls besoins physiques mais peuvent également être d'ordre psychique ; qu'en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice subi par M. P... au titre de la tierce personne, aux motifs inopérants que le besoin d'assistance morale et psychologique d'un tiers ne constitue pas ce préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 706-3 du code de procédure pénale ;
2°/ que le préjudice résultant du besoin d'assistance par une tierce personne est constitué quand les faits dommageables ont induit ce besoin qui n'existait pas au préalable sans que le caractère familial de l'assistance apportée puisse le réduire ou le supprimer ; qu'en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice subi par M. P... au titre de la tierce personne, aux motifs inopérant que sa mère l'assistait nécessairement du fait de son jeune âge et indépendamment des faits litigieux, sans rechercher si ces faits n'avaient pas rendus nécessaires une assistance accrue de sa part, constitutive du préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, devenu 1240, du code civil et 706-3 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Après avoir rappelé que le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime qui, à la suite du fait dommageable, est dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie courante et que l'expert n'avait pas considéré que M. P... avait besoin d'assistance par une tierce personne, la cour d'appel retient que la victime de par son jeune âge, était nécessairement assistée par sa mère, indépendamment des faits litigieux, dans les actes de la vie courante [et que le réconfort, le secours moral et l'accompagnement dans cette épreuve que celle-ci lui a apportés, ne sont pas constitutifs du préjudice de la tierce personne.
9. De ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu déduire que la preuve de l'existence d'un préjudice lié à la nécessité de l'assistance par une tierce personne n'était pas rapportée après avoir retenu que le réconfort, le secours moral et l'accompagnement apportés à la victime par sa mère ne pouvaient être pris en compte au titre de l'indemnisation de ce poste de préjudice.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. P... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. P....
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. P...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes d'annulation du rapport d'expertise du docteur G..., de nouvelle expertise et de communication de pièces formulées par A... P..., d'avoir fixé la date de consolidation de l'état de santé d'A... P... au 11 janvier 2005, d'avoir fixé les postes de préjudice comme elle l'a fait et d'avoir en conséquence alloué à A... P... en réparation de son préjudice corporel la somme limitée de 132.753,39 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites ;
AUX MOTIFS QU'il ressort du procès-verbal de constat établi par Me D... K..., huissier de justice, le 19 mars 2015 lors de la seconde réunion d'expertise, des courriers adressés par A... P... au Docteur G... les 13 avril 2015 et 20 mai 2015, de la lettre envoyée par le FGTI à la SCP K... et Grassin le 4 juin 2015, que le FGTI a adressé à l'expert les rapports d'expertise des docteurs W..., X... et H... puis lui a communiqué le réquisitoire définitif aux fins de mise en accusation devant la cour d'assise et de maintien en détention du 25 janvier 2003 (pièce n° 2), l'ordonnance de soit communiqué du 15 octobre 2002 (pièce 3), l'ordonnance de mise en accusation du 27 février 2003 (pièce 4), le certificat de décès de Monsieur Q... du 2 septembre 2003 (sic) (pièce 5), l'arrêt de la cour d'assises de l'Allier du 22 septembre 2003 (pièce 6), un article de presse du 9 octobre 2001 (pièce 7), un arrêt de la cour d'appel de Riom chambre commerciale du 24 septembre 2008 (pièce 9) et l'assignation des consorts Q... du 8 juillet 2004 (pièce 10).
Les conclusions du docteur W... et les pièces 3, 4, 6 et 7 avaient déjà été communiquées par A... P... à l'expert le 30 novembre 2014. Les rapports des docteurs X... et H..., quels que soient leurs mérites, qui n'ont pas été annulés par une décision judiciaire, pouvaient être adressés à l'expert. Ils ont été rendus au contradictoire d'A... P... qui en avait donc connaissance et qui au demeurant les a discutés pendant les opérations d'expertise, ainsi que cela ressort du rapport du docteur G.... Le surplus des pièces constitue des pièces de procédure détenues par l'appelant.
L'expert qui a tenu deux réunions d'expertise les 4 décembre 2014 en présence du docteur M..., médecin de recours d'A... P..., et le 19 mars 2015, en présence de ce même praticien et de maître K..., huissier de justice, a informé la victime lors du second accedit de ce que le FGTI lui avait fait parvenir les rapports des docteurs W..., X... et H.... Il a fait figurer dans son rapport le bordereau de l'ensemble des pièces qui lui ont été adressées, soit 39 rubriques constituées parfois de plusieurs documents, puis a isolé les 14 pièces qu'il a qualifiées de « notables ». A l'exception des rapports des docteurs X... et H..., dont A... P... ne souhaitait pas la production, il n'est pas contesté qu'il s'agit soit de pièces de procédure, soit des propres pièces de l'intéressé, peu important que le FGTI ait adressé pour sa part quelques unes des mêmes pièces au docteur G... ainsi que dit ci-dessus. En outre, de la lecture du rapport d'expertise il ne ressort pas, et au demeurant il n'est pas soutenu, que l'expert se soit fondé sur une pièce non listée, détenue par le FGTI qui l'aurait transmise en fraude des droits d'A... P....
Le docteur G... a envoyé aux parties un pré-rapport. Il a ensuite répondu aux dires qui lui ont été adressés par le docteur M... et par A... P....
Il résulte de ce qui précède que le fait que le FGTI ait transmis au seul expert les pièces que la victime avait déjà en sa possession, ne s'analyse pas en une violation du principe du contradictoire et il n'y a pas lieu de faire droit à la nouvelle demande de communication de pièces des courriers échangés entre le FGTI et l'expert et entre le FGTI et A... P... ;
ALORS D'UNE PART QUE le principe de la contradiction commande que chaque partie ait connaissance en temps utile, avant la réunion d'expertise, des éléments que l'autre partie a transmis à l'expert, afin de lui permettre de les discuter et d'organiser sa défense ; qu'ayant constaté que l'expert judiciaire avait informé M. P..., le jour même du second accedit, que le FGTI lui avait fait parvenir des documents parmi lesquels des rapports d'expertise, ce dont il résulte que la victime, quand bien même elle les aurait elle-même eus en sa possession, n'a pas été mise en mesure de préparer la réunion d'expertise en ayant pris, ou repris, connaissance des éléments invoqués par le fonds de garantie et n'a ainsi pas été mise à même de les discuter utilement, la cour d'appel qui a cependant retenu qu'il n'y avait pas eu violation du principe de la contradiction a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des documents de la cause ; que dans la lettre qu'il a adressée au docteur G... le 13 avril 2015, après la réunion d'expertise du 19 mars 2015 au cours de laquelle il a été informé que le FGTI avait transmis des documents à l'expert sans les lui communiquer, M. P... a demandé à l'expert judiciaire qu'il lui transmette les pièces n° 2, 7 et 10 annexée au pré-rapport d'expertise, correspondant aux rapports d'expertise de M. W..., de M. X... et de M. H... ; qu'en affirmant cependant, pour écarter toute violation du principe de la contradiction, que M. P... ne souhaitait pas la production des rapports des docteurs X... et H..., la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre – figurant au rapport d'expertise judiciaire - et a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la date de consolidation de l'état de santé d'A... P... au 11 janvier 2005, d'avoir fixé l'indemnisation de ses préjudices aux sommes de 16.784,64 € au titre de la perte de gains professionnels actuels, de 13.968,75 € au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel et de 22.000 € au titre du déficit fonctionnel permanent, et de lui avoir en conséquence alloué en réparation de son préjudice corporel la somme limitée de 132.753,39 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites ;
AUX MOTIFS QU'il ressort du rapport du docteur G... que le viol dont A... P... a été victime à l'âge de 13 ans est constitutif d'un traumatisme qui a été ravivé 8 ans plus tard par la dénonciation pénale des faits puis de nouveau ravivé par l'extinction de la procédure pénale en lien avec le décès de l'auteur et la mise en place d'une procédure civile longue. L'expert a conclu comme suit : - il ne peut être rapporté aucun état antérieur psychiatrique, - les faits ont contribué, comme l'ensemble des évènements de la vie d'un individu, à la construction de sa personnalité, - le sujet présente un trouble de la personnalité de type paranoïaque (caractérisé par une certaine rigidité du jugement, des difficultés d'expression émotionnelle, un caractère peu sensible à l'introspection, une certaine intolérance à la critique) pouvant être mis en relation très partielle avec les faits qu'il a subis. La reviviscence des faits survenus en 2002 et 2004 a entraîné une acutisation des symptômes en lien avec son trouble de la personnalité, - imputabilité totale des faits sur la symptomatologie anxio-phobique et dépressive avant et après consolidation, - imputabilité partielle des faits sur la symptomatologie en lien avec son trouble de la personnalité, - déficit fonctionnel temporaires : 15 % de 1994 à la date de consolidation – souffrance : 4/7, - préjudice universitaire et professionnel avant consolidation manifesté par des troubles de la concentration et le ravivement d'une symptomatologie anxio-phobique en lien avec la procédure. Préjudice partiel évalué à 15 % sur la période allant de la date de dénonciation des faits en 2002 (ravivement traumatique) à la date de consolidation (11 janvier 2005), - consolidation le 11 janvier 2005, date de la saisine de la CIVI après extinction de la procédure pénale par le décès de l'agresseur, le déficit fonctionnel permanent est de 10 %, - préjudice d'agrément du fait de l'arrêt des activités parascolaires telles que le rugby, la natation, le scoutisme, lorsqu'il était enfant, - préjudice sexuel : interrogation quant à sa sexualité et difficulté à nouer des relations sentimentales, - pas de préjudice esthétique, - pas de préjudice professionnel permanent,- pas de tierce personne, - pas de préjudice d'agrément, - pas de frais futurs.
(
)
A... P... critique la date de consolidation retenue aux motifs que l'expert ne pouvait discrétionnairement et sans justification médicale, fixer cette date à une date antérieure à sa désignation qui plus est en se basant sur une date judiciaire. Il soutient, en se fondant sur deux attestations émanant des docteurs F... et O..., qu'il y a lieu de retenir la date du 26 juillet 2017.
Cependant, la date à laquelle l'état de santé d'une victime est consolidé correspond au moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent rendant possible l'évaluation de l'existence ou non d'un état séquellaire permanent. Il appartient à l'expert commis, qui n'est pas tenu par les conclusions d'experts précédemment saisis, de la déterminer. L'argumentation d'A... P... relative au fait que l'avis du médecin contrôleur de l'aptitude du salarié ne vaut que pour le jour où l'examen est réalisé ne peut, contrairement à ce qu'il prétend, s'appliquer à l'espèce et est inopérante.
A... P... n'établit pas que son état de santé était encore évolutif postérieurement au 11 janvier 2005, soit plus de 10 ans après les faits. Les certificats médicaux qu'il produit et qui émanent pour l'un d'un médecin généraliste, le docteur F..., et pour l'autre du docteur O... dont la spécialité n'est pas précisée, qui sont rédigés en termes généraux et ne font référence ni à des soins, ni à des traitements entrepris postérieurement au mois de janvier 2005, ne permettent pas de retenir que son état a été évolutif pendant 23 ans.
Il ne peut par ailleurs être tiré aucune conclusion du fait que la CIVI de Paris a alloué à cette victime une provision le 25 septembre 2014 puisque cette juridiction ordonnant une nouvelle expertise de l'intéressé qui contestait les conclusions du docteur H... ne pouvait liquider son préjudice à ce stade de la procédure et n'était en mesure de lui allouer qu'une indemnité provisionnelle. Dans ces conditions, la cour retient la date proposée par le Docteur G... qui n'est pas utilement critiquée ;
ALORS D'UNE PART QUE les juges ne peuvent se déterminer sans examiner et analyser, même sommairement, tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant, pour fixer à la date du 11 janvier 2005, correspondant à la date à laquelle la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions a rendu sa première ordonnance allouant une provision à la victime et ordonnant une première mesure d'expertise, proposée par le Dr G..., comme date de consolidation de l'état de santé de M. P..., que celui-ci n'établit pas que son état de santé était encore évolutif postérieurement à cette date, sans s'expliquer sur les conclusions du Dr X..., expert psychiatre désigné par cette première ordonnance, qui avait conclu dans son rapport du 18 avril 2005, que M. P... n'était pas encore consolidé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE de la même façon, en retenant cette date du 11 janvier 2005 proposée par le Dr G... pour la consolidation de l'état de M. P..., sans s'expliquer sur la lettre du FGTI du 10 juillet 2008 dans laquelle le fonds de garantie reconnaissait que l'état de la victime n'était pas encore consolidé à cette date, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision entreprise qui a rejeté la demande d'A... P... d'indemnisation du préjudice au titre de la tierce personne, et de lui avoir alloué en réparation de son préjudice corporel la somme limitée de 132.753,39 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites ;
AUX MOTIFS QUE le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime qui à la suite du fait dommageable est dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie courante. En l'occurrence, la victime, de par son jeune âge, était nécessairement assistée par sa mère, Mme S..., indépendamment des faits litigieux, dans les actes de la vie courante. Le réconfort, le secours moral, l'accompagnement dans cette épreuve que celle-ci lui a apportés ne sont pas constitutives du préjudice de la tierce personne, de sorte que la décision qui a rejeté la demande est confirmée. La même analyse doit être faite en ce qui concerne l'aide psychologique apportée par Mme S... à son fils à partir de 2002 ;
ALORS D'UNE PART QUE les besoins d'assistance d'un tiers dans les actes de la vie courante ne sont pas limités aux seuls besoins physiques mais peuvent également être d'ordre psychique ; qu'en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice subi par M. P... au titre de la tierce personne, aux motifs inopérants que le besoin d'assistance morale et psychologique d'un tiers ne constitue pas ce préjudice, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil et 706-3 du Code de procédure pénale ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le préjudice résultant du besoin d'assistance par une tierce personne est constitué quand les faits dommageables ont induit ce besoin qui n'existait pas au préalable sans que le caractère familial de l'assistance apportée puisse le réduire ou le supprimer ; qu'en rejetant la demande d'indemnisation du préjudice subi par M. P... au titre de la tierce personne, aux motifs inopérant que sa mère l'assistait nécessairement du fait de son jeune âge et indépendamment des faits litigieux, sans rechercher si ces faits n'avaient pas rendus nécessaires une assistance accrue de sa part, constitutive du préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, devenu 1240, du code civil et 706-3 du Code de procédure pénale.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à 16.784,64 euros le poste de préjudice relatif à la perte de gains professionnels actuels et d'avoir alloué, en conséquence, à A... P..., en réparation de son préjudice corporel, la somme de 132.753,39 euros en deniers ou quittances, provisions non déduites ;
AUX MOTIFS QU'à la date du 7 mai 2002, A... P... était employé depuis le 5 novembre 2000 par l'étude généalogique L..., en qualité de collaborateur généalogiste. Son bulletin de paie pour le mois de mars 2002 établit que son revenu mensuel net imposable moyen était de 1 568,66 € (4 705,00 €/3). Il ressort cependant de l'attestation rédigée le 23 février 2006 par M. R..., directeur de l'étude Généalogique L..., qui a indiqué qu'on « peut estimer que s'il était resté collaborateur en notre établissement », A... P... qui a donné pleine et entière satisfaction « aurait pu avoir un salaire s'élevant approximativement à la somme de 4000 € », que l'appelant a perdu une chance à partir de janvier 2003 de percevoir un salaire plus important. La cour évalue cette perte de chance à 80% sur la base d'un calcul progressif, mais à hauteur de 25% puisque la rupture de son contrat de travail n'est que partiellement imputable aux faits, les troubles de la personnalité présentée par A... P... y ayant également contribué ;
ALORS QUE le juge ne peut statuer sans préciser sur quels éléments de preuve il se fonde ; qu'en limitant à 25 % la perte de gains professionnels actuels subie par M. P... du fait de l'infraction dont il a été victime, en retenant pour ce faire que les troubles de la personnalité qu'il présente ont également contribué à la rupture de son contrat de travail, sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait pour statuer de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.