LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 juillet 2020
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 409 F-D
Pourvoi n° E 19-15.927
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. G....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 12 août 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020
M. T... P..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° E 19-15.927 contre le jugement rendu le 25 février 2019 par le tribunal d'instance de Toulouse, dans le litige l'opposant à M. C... G..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de M. P..., de la SCP Ortscheidt, avocat de M. G..., après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Toulouse, 25 février 2019), rendu en dernier ressort, M. P... a donné à bail d'habitation à M. G... une maison lui appartenant. Après la résiliation du bail, M. P... a assigné M. G... en paiement d'un solde de loyers et de réparations locatives.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. P... fait grief au jugement de rejeter sa demande en paiement de deux mois de loyers, alors « que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la preuve du paiement du loyer pèse sur le locataire ; qu'en énonçant, pour débouter M. P... de sa demande au titre des loyers impayés, qu'au vu des pièces du dossier il ne reste qu'un mois de loyer à payer considérant que le locataire a procédé au paiement de 350 euros en juillet 2016, sans préciser sur quel élément de preuve il se fondait pour procéder à une telle constatation, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
5. Pour rejeter la demande de M. P... en paiement de deux mois de loyers, le jugement retient qu'il ne reste qu'un mois de loyer à payer considérant que le locataire a procédé au paiement de 350 euros en juillet 2016.
6. En statuant ainsi, sans préciser sur quel élément de preuve il se fondait pour établir le paiement de cette somme, le tribunal, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
8. La cassation prononcée sur la première branche du moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, des autres dispositions du jugement, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. P... au titre des réparations locatives.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. P... de sa demande au titre des réparations locatives, le jugement rendu le 25 février 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Toulouse ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Toulouse ;
Condamne M. G... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. P....
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir condamné M. T... P... à payer à M. C... G... C... la somme de 135,48 euros correspondant au reliquat du dépôt de garantie versé par locataire le 15 juin 2012 assorti de la pénalité de 10 % du montant du loyer soit 35 euros par mois de retard à compter du 19 février 2016, soit la somme de 840 euros correspondant à 24 mois au jour du délibéré, somme à parfaire en fonction de la date du paiement par celui-ci, déboutant ainsi M. T... P... de ses demandes au titre des loyers, des réparations locatives et des dommages intérêts,
Aux motifs qu' « aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, « le locataire est obligé de payer ses loyers, de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement, de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure » (décret du 26 août 1987) ; qu'au vu des pièces du dossier, il ressort : de la lettre du 31 mars 2016, que le propriétaire a reproché à son ancien locataire l'absence de paiement des mois de novembre et décembre et l'enlèvement de son véhicule Peugeot immatriculé [...] stationné dans le jardin, que le 1er juin 2016, M. C... G... a envoyé la déclaration de cession accompagnée d'un pouvoir pour mettre ce véhicule à la destruction, mettant fin à cette difficulté d'enlèvement de son véhicule, qu'ensuite, par la lettre du 28 juillet 2016 de son assistance juridique, le propriétaire a reproché à son ancien locataire l'absence de paiement du mois de novembre 2015 et l'absence de remise des clés ; qu'il convient d'en conclure que l'absence de remise des clés ne peut être retenue en l'espèce, venant au mois de juillet 2016 alors que le départ du locataire s'est effectué le 19 décembre 2015 et qu'il ne reste qu'un mois de loyer à payer considérant que le locataire a procédé au paiement de 350 euros en juillet 2016 ; qu'en l'absence d'état des lieux effectué par les parties le 19 décembre 2015, aucune réparation de dégradations ne peut être imputée au locataire sur les bases d'un devis daté du 14 avril 2017, dans espace-temps que le tribunal considère déraisonnable ; qu'en conséquence les demandes de M. T... P... au titre des loyers, des réparations locatives et de sa demande de dommages et intérêts seront rejetées ; que M. C... G... reste redevable : - de la somme de 214,52 euros (350/31 X 19) au titre des loyers de décembre 2015, - déduction du dépôt de garantie 350 euros ; qu'il résulte un solde créditeur du dépôt de garantie de 135,48 euros ; qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie doit être restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés ; que sur ce dépôt de garantie le bailleur peut retenir, le cas échéant, les sommes qui lui restent dues par le locataire ; qu'à défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ; que cette majoration n'est pas due lorsque l'origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l'absence de transmission par le locataire de l'adresse de son nouveau domicile ; que ce texte est d'ordre public ; qu'en conséquence, M. T... P... sera condamné à payer la somme de 135,48 euros assortie de la pénalité de 10 % du montant du loyer soit 35 euros par mois de retard à compter du 19 février 2016, soit la somme de 840 euros correspondant à 24 mois au jour du délibéré, somme à parfaire en fonction de la date du paiement par celui-ci ; qu'en conséquence, M. T... P... sera condamné à payer la somme de 972,40 euros à M. C... G... augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement » ;
Alors 1°) que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la preuve du paiement du loyer pèse sur le locataire ; qu'en énonçant, pour débouter M. P... de sa demande au titre des loyers impayés, qu'au vu des pièces du dossier il ne reste qu'un mois de loyer à payer considérant que le locataire a procédé au paiement de 350 euros en juillet 2016, sans préciser sur quel élément de preuve il se fondait pour procéder à une telle constatation, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en énonçant, pour débouter M. P... au titre des réparations locatives, qu'en l'absence d'état des lieux effectué par les parties le 19 décembre 2015, aucune réparation de dégradations ne pouvait être imputée au locataire sur les bases d'un devis daté du 14 avril 2017, dans espace-temps qu'il considère déraisonnable, sans autrement s'expliquer sur le devis produit par le bailleur, et sans procéder à son analyse, même sommaire, le tribunal, qui s'est déterminé par voie d'une affirmation générale, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 3°) qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, pris en ses alinéas 2 et 7, à défaut de restitution dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ; que, pour condamner M. P... à payer la somme de 135,48 euros assortie de la pénalité de 10 % du montant du loyer soit 35 euros par mois de retard à compter du 19 février 2016, soit la somme de 840 euros correspondant à 24 mois au jour du délibéré, somme à parfaire en fonction de la date du paiement par celui-ci, sans préciser la date de remise des clés par le locataire, le tribunal a énoncé que l'absence de remise des clés ne pouvait être retenue en l'espèce, invoquée au mois de juillet 2016 alors que le départ du locataire s'est effectué le 19 décembre 2015 ; qu'en s'abstenant ainsi de caractériser la date à laquelle le locataire avait remis les clés au bailleur, seule cette date pouvant établir le retard de ce dernier dans l'exécution de son obligation de restitution du dépôt de garantie, le tribunal a violé la disposition susvisée ;
Alors 4°) et en toute hypothèse qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989, pris en ses alinéas 2 et 7, à défaut de restitution dans un délai maximal de deux mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard ; que, pour condamner M. P... à payer la somme de 135,48 euros assortie de la pénalité de 10 % du montant du loyer soit 35 euros par mois de retard à compter du 19 février 2016, soit la somme de 840 euros correspondant à 24 mois au jour du délibéré, somme à parfaire en fonction de la date du paiement par celui-ci, sans préciser la date de remise des clés par le locataire, le tribunal a énoncé que l'absence de remise des clés ne pouvait être retenue en l'espèce, invoquée au mois de juillet 2016 alors que le départ du locataire s'est effectué le 19 décembre 2015 ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il appartenait au preneur de prouver la remise des clés en mains propres ou par courrier recommandé, remise qui pouvait contestée quelle que soit la date de contestation, le tribunal a statué par un motif impropre à caractériser la remise des clés, privant ainsi son jugement de base légale au regard au regard de la disposition susvisée.