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30/09/2020 | FRANCE | N°19-17620

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 septembre 2020, 19-17620


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY2

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 572 F-P+B

Pourvoi n° V 19-17.620

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. N... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19

-17.620 contre le jugement rendu le 9 avril 2019 par le juge du tribunal d'instance de Sens, dans le litige l'opposant à M. K... L..., mandataire...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY2

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 septembre 2020

Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 572 F-P+B

Pourvoi n° V 19-17.620

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

M. N... W..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° V 19-17.620 contre le jugement rendu le 9 avril 2019 par le juge du tribunal d'instance de Sens, dans le litige l'opposant à M. K... L..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. W..., de Me Brouchot, avocat de M. L..., mandataire judiciaire, et l'avis de Mme Caron-Déglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Sens, 9 avril 2019) et les pièces de la procédure, Mme W... a été placée sous tutelle en 2014. M. L..., mandataire judiciaire à la protection des majeurs, a été désigné en qualité de tuteur d'octobre 2014 à avril 2017, date à laquelle le juge des tutelles a ouvert une mesure d'habilitation familiale et désigné son fils, M. W..., pour la représenter. Par déclaration au greffe du 10 septembre 2018, celui-ci a demandé la condamnation de M. L... à lui payer la somme de 3 169 euros au titre d'un trop-perçu de rémunération et celle de 800 euros à titre de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

2. M. W... fait grief au jugement de rejeter ses demandes tendant au remboursement d'un trop-perçu et au versement de dommages-intérêts, alors « que la participation de la personne protégée étant fonction de ses ressources, le juge du tribunal d'instance ne pouvait débouter M. W... en raison de ce que « M. L... a été contraint d'effectuer un travail particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés » ; qu'en statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 419, alinéas 2, 3 et 4, du code civil, L. 471-5, R. 471-5, R. 471-5-1 et R. 471-5-2 du code de l'action sociale et des familles, ces derniers dans leur rédaction applicable à la cause :

3. Aux termes du premier de ces textes :

« Si la mesure judiciaire de protection est exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, son financement est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources et selon les modalités prévues par le code de l'action sociale et des familles.

Lorsque le financement de la mesure ne peut être intégralement assuré par la personne protégée, il est pris en charge par la collectivité publique, selon des modalités de calcul communes à tous les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et tenant compte des conditions de mise en oeuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement. Ces modalités sont fixées par décret.

A titre exceptionnel, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre des deux alinéas précédents lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne protégée. »

4. Aux termes du deuxième :

« Le coût des mesures exercées par les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire est à la charge totale ou partielle de la personne protégée en fonction de ses ressources. Lorsqu'il n'est pas intégralement supporté par la personne protégée, il est pris en charge dans les conditions fixées par les articles L. 361-1, L. 472-3 et L. 472-9.

A titre exceptionnel, le juge peut, après avoir recueilli l'avis du procureur de la République, allouer au mandataire judiciaire à la protection des majeurs, pour l'accomplissement d'un acte ou d'une série d'actes requis par l'exercice de la mesure de protection et impliquant des diligences particulièrement longues ou complexes, une indemnité en complément des sommes perçues au titre du premier alinéa lorsqu'elles s'avèrent manifestement insuffisantes. Cette indemnité est à la charge de la personne et est fixée par le juge en application d'un barème national établi par décret. »

5. Le troisième fixe les ressources prises en compte pour la détermination du montant de la participation de la personne protégée.

6. Il résulte du quatrième que la participation de la personne protégée est versée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs par douzième tous les mois échus sur la base du montant annuel des ressources dont a bénéficié la personne protégée l'avant-dernière année civile. Un ajustement du montant de la participation dû compte tenu du montant des ressources dont a bénéficié la personne pendant l'avant-dernière année civile est effectué au plus tard le 31 décembre de l'année de perception de la participation.

7. Il résulte du cinquième que, sauf lorsque les revenus de la personne protégée sont insuffisants, un prélèvement est effectué selon un barème progressif.

8. Il se déduit de l'ensemble de ces dispositions que la participation de la personne protégée au financement de la mesure est fonction de ses ressources et que ce n'est que lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande d'indemnité exceptionnelle que des diligences particulièrement longues ou complexes peuvent être prises en considération.

9. Pour rejeter la demande en restitution d'un trop-perçu, par le mandataire judiciaire à la protection des majeurs, sur les ressources de la personne protégée, le tribunal d'instance retient qu'au début de sa mission, M. L... a été contraint d'effectuer un travail particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés.

10. En statuant ainsi, sans examiner, comme il le lui était demandé, si le prélèvement sur les ressources de Mme W... n'excédait pas les montants fixés par les textes susvisés, le tribunal, qui n'était pas saisi d'une demande de restitution d'un trop-perçu au titre de l'indemnité exceptionnelle, a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 avril 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Sens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ;

Condamne M. L... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. L... et le condamne à payer à M. W... la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour M. W....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR dit Monsieur W... mal fondé en ses demandes – tendant au remboursement du trop-perçu de 3.169 € et de versement de dommages-intérêts de 800 € - et de l'en AVOIR débouté ;

AUX MOTIFS QUE le demandeur indique que contrairement aux dispositions de l'article R 471-5-3 du code de l'action sociale, M. L... n'a pas appliqué le calcul N-2 sur la base du montant annuel des ressources pour évaluer ses émoluments et lui reproche un calcul aléatoire qui lui aurait permis de percevoir indûment la somme de 3 169 €; qu'il ressort des pièces communiquées que M. W... aurait saisi un conciliateur de justice avant saisine du tribunal ce qui est faux puisque c'est M. L... qui a pris cette initiative sans que M. W... ne daigne se présenter devant le conciliateur; que les documents montrent qu'au début de sa mission, M. L... a été contraint d'effectuer un travail particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés; que les opérations qu'il a effectuées durant près de trois années de mandat ont été transmises au juge des tutelles ainsi qu'au Préfet qui n'ont émis aucune contestation; qu'en tout état de cause, |e demandeur ne justifie en aucune manière les sommes qui auraient été soi-disant trop pergues et sera débouté de ses demandes;

1°) ALORS QU'aux termes de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige « I. — La participation de la personne protégée est versée au mandataire judiciaire à la protection des majeurs (
). III. - En cas de diminution ou d'augmentation des ressources de la personne ayant pour conséquence une différence au moins égale à cinq fois le montant brut horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année en cours entre le montant de la participation mensuelle déterminé en application du I et le montant de la participation calculé sur la base d'une évaluation de ses ressources pour l'année civile en cours, les versements mensuels suivants de la participation sont effectués sur la base d'une évaluation des ressources pour l'année civile en cours. Un ajustement du montant de la participation du compte tenu du montant des ressources effectivement perçues pendant l'année du versement de cette participation est réalisé au plus tard le 31 décembre de l'exercice suivant » ; qu'en l'occurrence, il appartenait au juge du tribunal d'instance de déterminer si Madame W..., qui, suite au décès de son époux avait pour seules ressources la pension de réversion, n'avait pas une diminution de ses ressources telles que le montant de la participation devait être calculé sur la base d'une évaluation de ses ressources pour l'année civile en cours ; que le juge du tribunal d'instance, en statuant comme il l'a fait a violé ledit article ;

2°) ALORS QUE Monsieur W... avait souligné dans sa lettre d'accompagnement au formulaire de saisine que le montant mensuel de la participation qui était de 104,66 € lorsque Madame P... était tuteur entre mai et octobre 2014 était passé à 321,34 € en novembre et décembre 2014 lorsque Monsieur L... était devenu tuteur ; qu'en statuant comme il l'a fait sans s'expliquer sur cette différence quant au montant de la participation mensuelle calculée au cours de la même année sur la même base par les deux tuteurs successifs dans un sens très favorable par Monsieur L..., le juge du tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ;

3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer un écrit ; que dans le formulaire de saisine (3/4) Monsieur W... avait coché les cases correspondant aux mentions suivantes « x Vous avez déjà entrepris des démarches afin de parvenir à une résolution amiable du litige, à savoir :
x envoi d'un courrier à l'autre partie en vue d'un accord,
x recours à une tierce personne (médiateur ou conciliateur » ; qu'en affirmant « qu'il ressort des pièces communiquées que que M. W... aurait saisi un conciliateur de justice avant saisine du tribunal ce qui est faux puisque c'est M. L... qui a pris cette initiative » quand le premier n'avait rien dit de tel, le juge du tribunal d'instance a dénaturé les termes clairs et précis du formulaire de saisine et le principe précité;

4)° ALORS QUE le motif suivant lequel « c'est M. L... qui a pris cette initiative sans que M. W... ne daigne se présenter devant le conciliateur » est inopérant à justifier le jugement attaqué, Monsieur W... ayant d'ailleurs participé à la conciliation par téléphone, après accord préalable du concliateur, ainsi qu'il résulte de la pièce 11 produite; que le jugement attaqué n'est pas légalement justifié au regard de de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ;

5°) ALORS QUE la participation de la personne protégée étant fonction de ses ressources, le juge du tribunal d'instance ne pouvait débouter Monsieur W... en raison de ce que « M. L... a été contraint d'effectuer un travaiL particulièrement important pour retrouver les pièces fiscales et autres justificatifs qui avaient disparu ou avaient été jetés »; qu'en statuant ainsi, le juge du tribunal d'instance a violé l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ;

6°) ALORS QUE le motif suivant lequel « les opérations qu'il (Monsieur L...) a effectuées durant près de trois années de mandat ont été transmises au juge des tutelles ainsi qu'au Préfet qui n'ont émis aucune contestation » est inopérant à justifier le jugement attaqué, privé de base légale au regard de l'article R. 471-5-1 du code de l'action sociale et de la famille, pris dans sa rédaction applicable au litige ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR condamné Monsieur W... à verser à Monsieur L... la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'insistance de demandes sans fondement faites aux défendeurs et dont le ton est pour le moins désobligeant cause un préjudice certain à M. L... qu'il convient de réparer par la condamnation de M. W... au paiement de la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts;

1)° ALORS QUE le fils habilité à représenter sa mère ne commet nul abus ou faute en demandant au tuteur qui avait géré le patrimoine de sa mère des justifications de sa gestion; qu'en énonçant que "l'insistance de demandes sans fondement faites aux défendeurs cause un préjudice certain à M. L... », le juge du tribunal d'instance a violé l'article 1240 du code civil:

2°) ALORS QU'en ne précisant pas enquoi le ton par lequel Monsieur W... avait demandé au tuteur de justifier de sa gestion aurait été "pour le moins désobligeant », le juge du tribunal d'instance n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-17620
Date de la décision : 30/09/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Mesures de protection judiciaire - Curatelle et tutelle - Organes de protection - Curateur et tuteur - Désignation par le juge - Mandataire judiciaire - Demande de fixation de la rémunération - Éléments pris en considération - Participation de la personne protégée en fonction de ses ressources

MAJEUR PROTEGE - Mesures de protection judiciaire - Curatelle et tutelle - Organes de protection - Curateur et tuteur - Désignation par le juge - Mandataire judiciaire - Demande de fixation de la rémunération - Éléments pris en considération - Diligences particulièrement longues ou complexes - Condition - Demande d'indemnité exceptionnelle

La participation de la personne protégée au financement de la mesure de protection exercée par un mandataire judiciaire à la protection des majeurs est fonction de ses ressources et ce n'est que lorsque le juge des tutelles est saisi d'une demande d'indemnité exceptionnelle que des diligences particulièrement longues ou complexes peuvent être prises en considération pour allouer cette indemnité au mandataire, en complément des sommes perçues


Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Sens, 09 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 sep. 2020, pourvoi n°19-17620, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Brouchot, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.17620
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