COMM.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 octobre 2020
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10247 F
Pourvoi n° D 19-15.259
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 OCTOBRE 2020
1°/ la société Communication marketing conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,
2°/ la société FHB, dont le siège est [...] , en la personne de Mme D... M..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société CMC,
ont formé le pourvoi n° D 19-15.259 contre l'arrêt rendu le 19 février 2019 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société des Hôtels et casino de Deauville, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vaissette, conseiller, les observations écrites de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Communication marketing conseil et de la société FHB, ès qualités, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société des Hôtels et casino de Deauville, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vaissette, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Communication marketing conseil et la société FHB, ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Communication marketing conseil et la société FHB, ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la compensation entre la créance détenue par la société SHCD à hauteur de 74 670,70 euros pour la période du 13 mai 2008 au 30 juin 2011 et la créance détenue par la société CMC à hauteur de 73 853,53 euros au titre de l'arrêt rendu en date du 15 juin 2017 par la cour d'appel de Caen ;
AUX MOTIFS QUE : « sur l'exception de compensation :
que la société SHCD sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la compensation de sa créance de loyers pour la période du 13 mai 2008 au 30 juin 2011 avec celle de la société CMC ;
que cette dernière s'y oppose, contestant le caractère certain de la créance de l'intimée au jour de la saisie et la connexité des dettes ;
qu'il est constant qu'aucune compensation légale n'a pu jouer avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde du 16 décembre 2015, entre la créance antérieure de la SHDC et celle postérieure de la CMC née de l'arrêt du 15 juin 2017 ;
que toutefois, en application de l'article L.622-7 du code de commerce, une compensation est possible, après le jugement d'ouverture, dès lors que les créances sont connexes et que celle détenue contre le débiteur en procédure collective a été préalablement déclarée, les conditions de liquidité et d'exigibilité n'étant, dans ce cas, pas exigées ;
que le premier juge a exactement considéré, par des motifs que la cour approuve, que les créances litigieuses sont connexes comme découlant de l'exécution d'un même contrat, en l'occurrence le bail commercial ;
que de plus, la société SHCD a déclaré sa créance de loyers au passif de la procédure collective ;
que par ailleurs, contrairement aux allégations de l'appelante, la créance locative de la SHCD était bien certaine en son principe au jour de la saisie puisqu'elle résulte de l'arrêt définitif de la cour d'appel du 17 avril 2014 qui a fixé le loyer révisé à compter du 13 mai 2008 ; que par sa décision d'admission du 14 novembre 2017, le juge-commissaire n'a fait que liquider la créance dont le principe était déjà consacré par un titre exécutoire ;
que les conditions de la compensation sont ainsi réunies entre la créance de la SHCD s'élevant à 74 670,70 euros et celle de la CMC d'un montant inférieur (73 853,53 euros) ;
que c'est donc à bon droit que le premier juge a accueilli la demande présentée à ce titre ;
que l'effet extinctif de la compensation judiciaire des créances connexes est réputé s'être produit au jour de l'exigibilité de la première d'entre elles ;
qu'en l'espèce, la créance de la CMC était exigible le 7 juillet 2017, date de signification de l'arrêt du 15 juin 2017, et celle de la SHCD le 15 novembre 2017, date à laquelle elle a été arrêtée et admise par le juge-commissaire ;
qu'il en résulte que la dette de la SHCD s'est trouvée éteinte le 7 juillet 2017 alors même que sa créance n'était pas, à cette date, liquide ;
qu'ainsi, la compensation judiciaire ayant joué rétroactivement avant l'engagement de la saisie-attribution, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a annulé l'acte de saisie du 11 août 2017 et en a ordonné la mainlevée » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « sur l'exception de compensation invoquée par la société SHCD :
que l'article L.622-7, alinéa 1er, du code de commerce dispose que le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ;
que pour conclure à la nullité et à la mainlevée de la saisie-attribution, la société SHCD fait valoir, sur le fondement des dispositions précitées, que sa créance de loyer antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde est de 74 670 euros pour la période du 13 mai 2008 au 30 juin 2011, déduction faite des règlements de la société CMC et de 223 861,58 euros pour la période du 1er juillet 2011 au 16 décembre 2015 ;
que pour justifier de la créance au titre de la période du 13 mai 2008 au 30 juin 2011, elle produit une ordonnance prise le 15 novembre 2017 par le juge commissaire à la procédure de sauvegarde de CMC l'admettant au passif pour la somme de 74 770 euros en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 17 avril 2014 qui s'était prononcé sur le montant du loyer révisé au 13 mai 2008 ;
qu'une telle créance est connexe à celle de la société CMC, les deux découlant de l'exécution du même contrat ; que celle de la SDHC se rapportant à l'obligation de paiement des loyers et celle de la CMC résultant de la responsabilité fautive de la bailleresse dans l'exécution de la clause de cession stipulée dans le bail ;
qu'il est constant que l'interdiction du paiement des créances nées avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ne fait pas obstacle à la compensation d'une telle créance avec une créance connexe du débiteur née postérieurement ; que de sorte il importe peu que la créance de la CMC soit née postérieurement à la mesure de sauvegarde ;
que de même, la compensation fondée sur la connexité des créances, si elle requiert que la créance opposée au débiteur en procédure collective soit certaine dans son principe et ne soit pas éteinte, n'exige pas la réunion des conditions de liquidité et d'exigibilité ;
que sans préjudice de l'examen des autres créances alléguées par la société SDHC pour la période postérieure au 30 juin 2011 et de la question juridique relative à la prise en compte du 4e trimestre pour le calcul du loyer indexé qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de trancher, la SDHC justifie en conséquence être titulaire d'une créance certaine d'un montant supérieur à la créance de la société CMC cause de la saisie ;
qu'il y a donc lieu d'accueillir l'exception de compensation élevée par la SDHC, de prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 11 aout 2017 et d'en ordonner la mainlevée » ;
ALORS QUE le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde emporte interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes ; que ne présentent aucune connexité la créance d'une bailleresse au titre d'arriérés de loyers et celle du preneur à bail résultant de la faute délictuelle de la bailleresse lui ayant fait perdre une chance de céder son fonds de commerce; qu'en l'espèce, après avoir relevé que la créance en arriérés de loyers de la société SHCD était antérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société CMC, la cour d'appel a cru pouvoir admettre sa compensation avec une créance postérieure de la société CMC sur la bailleresse résultant d'un arrêt lui ayant alloué des dommages et intérêts en réparation de l'abus de droit commis par cette dernière, au motif que « les créances litigieuses sont connexes comme découlant de l'exécution d'un même contrat, en l'occurrence le bail commercial » (v. arrêt attaqué p. 6, § 2) ; qu'en statuant ainsi, cependant que la créance de la société CMC à l'encontre de la société SHCD était de nature délictuelle, et ne pouvait de ce fait pas être connexe à une créance née d'un contrat de bail, la cour d'appel a violé l'article 1348-1 du code civil, ensemble l'article L.622-7 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la compensation entre la créance détenue par la société SHCD à hauteur de 74 670,70 euros pour la période du 13 mai 2008 au 30 juin 2011 et la créance détenue par la société CMC à hauteur de seulement 73 853,53 euros au titre de l'arrêt rendu en date du 15 juin 2017 par la cour d'appel de Caen ;
AUX MOTIFS QUE : « sur le bienfondé de la demande d'annulation et de mainlevée de la saisie-attribution
A) Sur le décompte des sommes dues par la société SHDC en vertu de l'arrêt du 15 juin 2017
que par des motifs que la cour approuve, le premier juge a déduit de la somme réclamée par la CMC dans le cadre de la saisie-attribution :
- les intérêts échus à hauteur de 1852,65 euros compte tenu de l'absence de calcul exact faisant grief ;
- le coût de la signification de l'arrêt d'un montant de 87,02 euros ;
qu'il convient également de retrancher la somme de 217,82 euros correspondant aux provisions sur frais de signification de non contestation, de certificat de non contestation et de mainlevée, ces frais hypothétiques n'étant pas dus en raison de la saisine du juge de l'exécution ;
que les autres frais liés à la procédure de saisie sont en revanche justifiés ;
qu'en conséquence, la créance de la CMC ne saurait excéder la somme de 73 853,53 euros ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur le décompte des sommes dues par la société SHDC :
que l'article R 211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'acte de saisie contient à peine de nullité "le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour une contestation" ;
que la société SHDC fait valoir à juste titre que l'acte de saisie ne contient pas le calcul exact des intérêts, ce qu'implique la disposition précitée, étant précisé que le tableau de décompte produit par CMC n'a été édité que le 29 décembre 2017 et que l'absence d'un tel décompte dans l'acte emporte nécessairement un grief pour le débiteur ;
que la somme de 87,02 euros au titre de la signification de l'arrêt du n'est pas due, la cour d'appel ayant expressément laissé à la charge de chaque partie les dépens personnellement exposés pour les besoins de la procédure d'appel ; que seuls les dépens de première instance ont été mis à la charge de la SDHC [
] » ;
ALORS QUE : si l'article R.211-1, 3e du code des procédures civiles d'exécution prévoit que l'acte de saisie comporte le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, il n'exige pas que chacun de ces postes soit détaillé ; qu'il en va notamment ainsi des intérêts dont seul le montant total est exigé dès lors que, connaissant le texte appliqué et leur point de départ, le débiteur dispose d'une information suffisante; qu'en l'espèce, la cour d'appel a cru pouvoir déduire de la somme réclamée par la société CMC dans le cadre de la saisie-attribution pratiquée « les intérêts échus à hauteur de 1 852,65 euros compte tenu de l'absence de calcul exact faisant grief » (v. arrêt attaqué p. 5, § 5) ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'absence de décompte détaillé des intérêts dans un acte de saisie n'en remet pas en cause le principe, la cour d'appel a violé l'article R.211-1, 3e du code des procédures civiles d'exécution.