La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2020 | FRANCE | N°19-18671

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 octobre 2020, 19-18671


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1107 F-P+B+I

Pourvoi n° N 19-18.671

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

M. V... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-

18.671 contre l'arrêt rendu le 11 février 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds commun ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1107 F-P+B+I

Pourvoi n° N 19-18.671

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

M. V... G..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° N 19-18.671 contre l'arrêt rendu le 11 février 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds commun de titrisation Hugo créances I, dont le siège est 29-31 rue Saint-Augustin, 75002 Paris, représenté par la société GTI Asset management, venant aux droits de la Banque française commerciale Antilles Guyane (BFCAG), en vertu d'un bordereau de créances en date du 23 juillet 2010, défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. G..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat du Fonds commun de titrisation Hugo créances I, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 11 février 2019), un jugement d'un tribunal de commerce du 14 juin 1996 a condamné N... G... à payer une certaine somme à la Banque française commerciale Antilles Guyane.

2. Ce jugement a été notifié à N... G... le 14 octobre 1996, selon les modalités de l'article 655 du code de procédure civile.

3. Le 18 septembre 2017, le Fonds commun de titrisation Hugo créance I (le Fonds), venant aux droits de la Banque française commerciale Antilles Guyane en vertu d'une cession de créance, a fait signifier le jugement à M. V... G..., en sa qualité d'héritier de N... G....

4. Le 17 octobre 2017, M. V... G... a interjeté appel de ce jugement. Le Fonds a soulevé l'irrecevabilité de l'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. M. G... fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable, alors :

« 1°/ que la signification d'un jugement à une personne décédée après la clôture des débats est nulle ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu au cours du délibéré du jugement, la signification qui avait été délivrée à la personne même du défunt était régulière et avait fait courir le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 117, 528, 538, 654 et 677 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en cas de décès d'une partie survenu après la clôture des débats, la signification qui lui est faite du jugement ne peut faire courir le délai d'appel à l'encontre de ses héritiers qui étaient tiers au procès ; que le délai d'appel ne court à leur encontre qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu en cours de délibéré, la signification qui avait été délivrée à cette partie décédée avait fait courir le délai d'appel à l'égard de son héritier, la cour d'appel a violé les articles 528, 531, 532 et 538 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsqu'une partie décède après la clôture des débats, l'instance n'étant pas interrompue, la décision doit être rendue à l'égard de cette partie. En application du troisième, le délai de recours est interrompu par le décès de la partie à laquelle le jugement doit être notifié et ce délai court alors en vertu d'une notification faite aux héritiers. Il découle de la combinaison de ces textes qu'en cas de décès d'une partie après la clôture des débats, le délai d'appel, ouvert aux héritiers, ne court qu'à compter de la notification qui leur est faite de ce jugement.

7. Pour déclarer irrecevable, comme ayant été formé hors délai, l'appel formé par M. G..., en sa qualité d'héritier de N... G..., contre le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre le 14 juin 1996, la cour d'appel retient que, nonobstant le fait que N... G... était décédé au jour de la signification de ce jugement, celle-ci avait fait courir le délai d'appel prévu à l'article 538 du code de procédure civile et que faute de recours dans ce délai, la décision était devenue irrévocable.

8. En statuant ainsi, alors que la notification du jugement à une partie qui était décédée ne faisait pas courir le délai de recours, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne le Fonds commun de titrisation Hugo créances I aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le Fonds commun de titrisation Hugo créances I et le condamne à payer à M. G... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. G...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. G... irrecevable en son appel ;

AUX MOTIFS QUE le Fonds commun de titrisation Hugo créances I soutient que l'appel interjeté par M. G... à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 1996 par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre est irrecevable dans la mesure où ladite décision a acquis l'autorité de la chose jugée ; qu'à ce titre, l'article 500 du code de procédure civile, dans son premier alinéa, dispose « qu'a la force de chose jugée, le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution » ; que l'alinéa 2 précise que le jugement, susceptible d'un tel recours, acquiert la même force, à l'expiration du délai de recours, si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, le 14 juin 1996, a été notifié au dernier domicile connu de N... G..., le 14 octobre 1996, et ce, alors même qu'il était déjà décédé, situation toutefois que la Banque française commerciale Antilles Guyane ignorait ; que nonobstant le décès de N... G..., ladite signification est parfaitement régulière et n'a pu que faire courir le délai d'appel d'un mois prévu en matière contentieuse à l'article 538 du code de procédure civile ; que passé le délai d'appel d'un mois, le jugement entrepris est devenu irrévocable, comme en témoigne d'ailleurs le certificat de non-appel versé aux débats en date du 23 août 2017 ; qu'en outre, M. G... ne peut arguer de la nouvelle signification qui lui a été faite par le Fonds commun de titrisation Hugo créances 1, lequel est parfaitement recevable à agir à son encontre, en vertu d'un bordereau de cession de créances intervenu le 23 juillet 2010, conformément à l'article L. 214-42-1 du code monétaire et financier, le 18 septembre 2017, pour faire courir un nouveau délai d'appel ; qu'en effet, l'acte de signification précité indiquait qu'il emportait signification à M. G... d'un jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre en date du 14 juin 1996, devenu exécutoire selon certificat de non-appel du 23 août 2017 ; que de plus, cette signification est opposable à la succession et rend irrecevable, au-delà des délais ouverts par celle-ci, la déclaration de saisine de la cour d'appel ; que pas davantage M. G... ne peut arguer de la nouvelle signification de la décision qui lui a été faite, le 9 octobre 2017, au visa de l'article 877 du code civil, pour considérer qu'il y ouverture d'un délai d'appel ; qu'en effet, ladite signification ne tendait qu'à rendre opposable à la succession du de cujus un jugement déjà devenu exécutoire ; qu'en effet, l'article 877 précité indique que « les titres exécutoires contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l'héritier et, néanmoins, les créanciers ne pourront en poursuivre l'exécution que huit jours après la signification de ces titres à l'héritier » ; qu'enfin, il convient d'ajouter que, par application de l'article 528-1 du code de procédure civile, « si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans suivant son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal, après l'expiration dudit délai » ; que dans ces conditions force est de constater, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens de droit invoqués au fond par M. G..., que son appel est irrecevable ;

ALORS, 1°), QUE la signification d'un jugement à une personne décédée après la clôture des débats est nulle ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu au cours du délibéré du jugement, la signification qui avait été délivrée à la personne même du défunt était régulière et avait fait courir le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 117, 528, 538, 654 et 677 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QU'en cas de décès d'une partie survenu après la clôture des débats, la signification qui lui est faite du jugement ne peut faire courir le délai d'appel à l'encontre de ses héritiers qui étaient tiers au procès ; que le délai d'appel ne court à leur encontre qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement ; qu'en décidant que, nonobstant le décès de N... G..., survenu en cours de délibéré, la signification qui avait été délivrée à cette partie décédée avait fait courir le délai d'appel à l'égard de son héritier, la cour d'appel a violé les articles 528, 531, 532 et 538 du code de procédure civile ;

ALORS, 3°), QUE l'article 528-1 du code de procédure civile qui prévoit que lorsque le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai n'est pas applicable lorsque le jugement a été notifié, même irrégulièrement ; qu'en faisant application de ces dispositions, pour dire que l'appel était irrecevable, après avoir pourtant relevé que le jugement frappé d'appel avait été notifié dans les deux ans de son prononcé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 528-1 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-18671
Date de la décision : 22/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Délai - Point de départ - Notification - Décès d'une partie après la clôture des débats - Effet

DELAIS - Voies de recours - Point de départ - Notification - Décès d'une partie après la clôture des débats - Effet

Il découle de la combinaison des articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile qu'en cas de décès d'une partie après la clôture des débats, le délai d'appel, ouvert aux héritiers, ne court qu'à compter de la notification qui leur est faite du jugement


Références :

articles 370, 371 et 531 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 11 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 oct. 2020, pourvoi n°19-18671, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : Me Haas, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 13/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.18671
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award