LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 novembre 2020
Cassation partielle sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 910 F-D
Pourvoi n° P 19-13.152
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 NOVEMBRE 2020
La société [...] et associés mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , prise en la personne de M. C... M..., en qualité de mandataire liquidateur de la société Haugar, a formé le pourvoi n° P 19-13.152 contre l'arrêt rendu le 31 décembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à la société E... Gmbh, dont le siège est [...] ), défenderesse à la cassation.
Partie intervenante : la SELARL [...] et associés mandataires judiciaires, prise en son nom propre.
La SELARL [...] et associés mandataires judiciaires, prise en son nom propre, a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
En tant que demanderesse au pourvoi principal, elle invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
En tant que demanderesse au pourvoi provoqué, elle invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Georget, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société [...] et associés mandataires judiciaires, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société E... Gmbh, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Georget, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 31 décembre 2018), un jugement du 9 décembre 2016 a placé la société civile immobilière Haugar (la SCI Haugar) en liquidation judiciaire. La société [...] et associés mandataires judiciaires (la société [...]) a été désignée en qualité de liquidateur.
2. La société E... a déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Haugar.
3. Le liquidateur judiciaire a contesté cette créance.
Examen des moyens
Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen unique du pourvoi provoqué
Enoncé du moyen
5. La société [...], prise en son nom propre, fait grief à l'arrêt de la condamner aux entiers dépens et à verser à la société E..., sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros, alors « que sort des limites du litige le juge qui, saisi d'une action dirigée contre un liquidateur judiciaire, pris en cette qualité, le condamne à titre personnel ; qu'en l'espèce, la société [...] n'était dans la cause qu'en qualité de mandataire liquidateur de la SCI Haugar, et non en son nom personnel ; qu'en condamnant pourtant la société [...] aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
7. L'arrêt condamne la société [...] aux dépens et au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
8. En statuant ainsi, alors que, saisie d'une action dirigée contre le liquidateur judiciaire de la SCI Haugar, pris en cette seule qualité, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il y a lieu de condamner la société [...], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Haugar, aux dépens d'appel et à verser à la société E... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société [...] aux entiers dépens et à verser à la société E..., sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros, l'arrêt rendu le 31 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société [...] et associés mandataires judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Haugar, aux entiers dépens et à verser à la société E..., sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros ;
Condamne la société [...] et associés mandataires judiciaires, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Haugar, et la société E... aux dépens, chacune pour moitié ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société [...] et associés mandataires judiciaires (demanderesse au pourvoi principal).
Il est fait grief à la décision infirmatif attaquée d'avoir admis la créance de la société E... pour le montant de 323 877,66 euros à titre privilégié ;
aux motifs que « la SELARL [...] objet que, quand bien même il serait retenu que le cautionnement est conforme à l'objet social dela société Haugar, il n'en reste pas moins qu'il est contraire à son intérêt social ; que par suite, il importe d'examiner cette question ; que la société E... considère que l'acte de cautionnement était conforme à l'intérêt social de la société Haugar dans la mesure où elle en a retiré une contrepartie, en s'assurant des loyers versés par la société IXS ; que pour s'opposer à ce moyen, la société [...] argue du fait que l'engagement de caution était disproportionné ; qu'elle soutient que le montant de l'engagement était « quasiment » équivalent à la valeur du patrimoine de la société, et que la mise en oeuvre du cautionnement l'aurait exposé à une disparition totale ; que cependant, un engagement de caution ne peut être considéré comme contraire à l'intérêt d'une société, dès lors que la mise en oeuvre de la sûreté ne menacerait pas la société dans son existence même ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la vente de l'unique bien immobilier dont la société Haugar était propriétaire a rapporté la somme de 360 000 euros ; que le montant de l'engagement de caution était limité à 330 000 euros, frais et accessoires inclus ; qu'il s'en déduit que la valeur de l'immeuble donné en garantie était supérieur au montant de son engagement ; qu'ainsi, la mise en jeu de la garantie ne pouvait entraîner la disparition de son entier patrimoine ; qu'en conséquence, dès lors que l'éventuelle mise en jeu de la garantie n'était pas susceptible de compromettre l'existence même de la société, l'engagement de caution ne peut être considéré comme étant contraire à son intérêt social ; qu'il résulte de cette analyse que le cautionnement consenti par la société Haugar était valide, car conforme à son objet et à son intérêt social ;qu'il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise ; que sera admise à la procédure collective de la société Haugar la créance résultant du cautionnement hypothécaire au profit de la société E..., pour le montant de 323 877,66 euros » ;
alors 1°/ que n'est pas valable la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un tiers dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; qu'est de nature à compromettre l'existence même de la société, la sûreté qui engage l'unique bien de la société, à hauteur d'un montant quasi-équivalent à l'intégralité du patrimoine social ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu' « il n'est pas contesté que la vente de l'unique bien immobilier dont la société Haugar était propriétaire a rapporté la somme de 360 000 euros. Le montant de l'engagement de caution était limité à 330 00 euros, frais et accessoires inclus » (arrêt, p. 4, alinéa 6) ; qu'en décidant pourtant que la sûreté souscrite par la SCI Haugar et qui portait sur cet unique immeuble ne serait pas contraire à l'intérêt social, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait qu'elle engageait la quasi-totalité du patrimoine social, en violation de l'article 1849 du code civil ;
alors et en tout état de cause 2°/ que n'est pas valable la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un tiers dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; que c'est à la date de la souscription de l'engagement que doit être recherché si la garantie est susceptible de faire disparaître la totalité du patrimoine social ; qu'en l'espèce, pour retenir que la garantie n'aurait pas été susceptible de compromettre l'existence même de la société, la cour d'appel a constaté que cette garantie était limitée à 330 000 euros et que l'immeuble qui en était l'assiette avait été vendu pour une somme de 360 000 euros ; qu'en se fondant ainsi sur une circonstance postérieure à l'engagement de caution, impropre à caractériser la conformité de celui-ci à l'intérêt social à la date de souscription de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1849 du code civil ;
alors 3°/ que n'est pas valable la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un tiers dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social ; que le défaut de proportionnalité entre l'avantage tiré par la caution de son engagement et l'ampleur de cet engagement démontre la contrariété à l'intérêt social ; qu'en l'espèce, pour retenir que l'engagement de caution serait valable, la cour d'appel s'est bornée à retenir que « la mise en jeu de la garantie ne pouvait entraîner la disparition de son entier patrimoine » (arrêt, p. 4, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement rechercher, comme elle était pourtant invité à le faire (conclusions, p. 7), si l'engagement n'était pas disproportionné au regard de l'intérêt qu'il pouvait présenter pour la SCI Haugar, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1849 du code civil. Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société [...] et associés mandataires judiciaire (demanderesse au pourvoi provoqué).
Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir condamné la société [...] et
Associés aux entiers dépens et de l'avoir condamnée à verser à la société E..., sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 € ;
aux motifs que « la société [...], succombante, aura la charge des dépens ; que l'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société E... » ;
alors que sort des limites du litige le juge qui, saisi d'une action dirigée contre un liquidateur judiciaire, pris en cette qualité, le condamne à titre personnel ; qu'en l'espèce, la Société [...] n'était dans la cause qu'en qualité de mandataire liquidateur de la SCI Haugar, et non en son nom personnel ; qu'en condamnant pourtant la société [...] aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.