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03/12/2020 | FRANCE | N°19-14382

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 décembre 2020, 19-14382


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 décembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 922 F-D

Pourvoi n° A 19-14.382

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. F... W...,

2°/ Mme H... G..., épouse W...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 19-14.382 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 décembre 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 922 F-D

Pourvoi n° A 19-14.382

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 DÉCEMBRE 2020

1°/ M. F... W...,

2°/ Mme H... G..., épouse W...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° A 19-14.382 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), dans le litige les opposant :

1°/ à M. I... X...,

2°/ à Mme U... Y..., épouse X...,

tous deux domiciliés [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barbieri, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme W..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme X..., après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Barbieri, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 janvier 2019), par acte du 23 décembre 1988, M. et Mme W... ont pris à bail une parcelle.

2. Par acte du 28 avril 2014, M. et Mme X..., devenus usufruitiers de ce terrain, leur ont donné congé à effet du 11 novembre 2015, aux fins de reprise pour exploitation par leur fils, V....

3. Par requête du 22 juillet 2014, M. et Mme W... ont saisi le tribunal des baux ruraux en annulation du congé et renouvellement du bail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme W... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, de valider le congé et d'ordonner leur expulsion, alors :

« 1°/ qu'en se bornant à constater, pour en déduire que la condition d'habitation de M. X... était remplie, que M. X... a deux habitations, l'une à [...] et l'autre à [...], et que la non-occupation de ce dernier domicile apparaît liée à la réalisation de travaux importants, comme l'avait relevé l'enquêteur missionné par les époux W... en janvier 2016, sans rechercher, comme l'y invitait les époux W... dans leurs conclusions, si, à la date de l'audience du 13 novembre 2018, M. V... X... habitait réellement à [...], la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural ;

2°/ qu'à tout le moins, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions qu'en se fondant exclusivement, pour en déduire que la condition d'habitation de M. X... était remplie, sur le constat d'huissier du 18 novembre 2015 et le rapport ACR LEGAL du 26 janvier 2016 produits en première instance sans examiner le rapport ACR LEGAL du 22 juin 2017 et le constat d'huissier du 24 mai 2017 produits pour la première fois en appel par les époux W..., la cour a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en relevant que «
les nombreuses pièces produites par les époux X... - qu'il s'agisse des avis de taxe d'habitation pour l'adresse [...] au nom de M. V... X... et des avis du foyer fiscal mentionnant cette adresse, des factures d'électricité correspondant à cette adresse et à son nom faisant apparaître à travers s les montants réclamés une consommation effective, de plusieurs attestations de voisins et de l'adjoint au maire qui déclarent que M. V... X... habite [...] (Aisne)– que cette adresse correspond à un réel lieu d'habitation par le bénéficiaire de la reprise » sans indiquer la date de ces documents, ni les analyser, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que le bénéficiaire de la reprise ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation ; qu'en écartant toute incompatibilité entre l'activité professionnelle de M. V... X..., bénéficiaire de la reprise, et son exploitation personnelle du bien repris tout en relevant pourtant qu'il exerce la profession de cadre salarié chez Pacifica à temps complet et que depuis le 31 juillet 2017, il est également gérant et seul associé de la SCEA [...] qui exploite, en dehors du bien dont la reprise est poursuivie, 328 ha en tout, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 411-59 du code rural ;

5°/ que les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer que les attestations versées aux débats par les époux X... font état de la réalité des travaux agricoles effectués par M. V... X... de sorte qu'il participe aux travaux culturaux de façon effective et permanente comme l'exige l'article L. 411-59 du code rural sans les viser, ni procéder à leur analyse sommaire, la cour a statué par voie de pure affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, ayant analysé les éléments dont elle disposait lors de l'audience, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a constaté qu'à la date d'effet du congé, le 11 novembre 2015, le bénéficiaire de la reprise disposait d'une habitation réelle à proximité du fonds.

6. En deuxième lieu, sans être tenue de s'expliquer sur chacune des pièces produites par les parties, elle a, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée de l'ensemble des documents qui lui étaient soumis, retenu que les pièces produites en appel n'apportaient aucun élément nouveau sur la condition d'habitation du repreneur, dont elle a vérifié, en tenant compte des périodes d'établissement des avis fiscaux, des factures d'électricité et des attestations du maire et des voisins, qu'elle était satisfaite à la date effective de la reprise.

7. En troisième lieu, elle a retenu que les justifications versées aux débats établissaient que l'activité d'exploitant agricole de M. V... X... était compatible avec son emploi de cadre salarié et présentait un intérêt particulier, selon son employeur, en raison de sa complémentarité avec son activité de conseil.

8. Elle a relevé, après une analyse exhaustive des justificatifs produits, que M. V... X... était gérant et seul associé de la Scea [...] qui exploitait régulièrement de nombreux hectares, en ce compris la parcelle reprise, et que les attestations versées aux débats, émanant de personnes habitant la commune et de l'adjoint au maire de celle-ci, faisaient état de la réalité des travaux agricoles effectués par le repreneur, lequel ne limitait pas son rôle à la direction ou à la surveillance de l'exploitation, mais participait aux travaux culturaux de façon effective et permanente.

9. Elle a pu en déduire que la reprise était conforme aux exigences de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme W... et les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme W...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux W... G... de toutes leurs prétentions émises contre les époux X... Y..., validé le congé en date du 28 avril 2014 donné aux époux W... G... et dit qu'à défaut d'avoir libéré les lieux dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, il sera procédé à leur expulsion sous peine d'astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard mis à déguerpir ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la demande de validation du congé.

En application de l'article L. 411-58 code rural et de la pêche maritime (ci-après code rural), le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou pour l'un des bénéficiaires autorisés par ce texte.

Il résulte de la combinaison des articles L. 411-58 et L. 411-59 du code rural et des articles auxquels ce dernier texte renvoie ainsi que des dispositions réglementaires venant les compléter que le bénéficiaire de la reprise doit disposer de la capacité ou de l'expérience professionnelle requise par l'article R.331-1 de ce code, se consacrer à l'exploitation pendant au moins neuf ans en participant aux travaux de façon effective et permanente, selon-les usages de la région et en fonction de. l'importance de l'exploitation, posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir, occuper les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité et en permettant l'exploitation directe ; par ailleurs, l'opération de reprise doit être conforme à la réglementation sur le contrôle des structures ; la charge de la preuve du respect de l'ensemble de ces conditions repose sur le bailleur qui poursuit la reprise des terres pour son propre compte ou celui d'un des bénéficiaires prévus par la loi et c'est à date d'effet du congé que s'apprécie le respect de ces conditions de fond.

Les conditions exigées du bénéficiaire de la reprise sont cumulatives de sorte qu'à défaut pour celui-ci d'en satisfaire une, le congé aux fins de reprise ne saurait être validé.

La possibilité d'exploiter les terres reprises dans le cadre d'une société n'est pas interdite et est même autorisée par l'article L. 411-59 du code rural qui prévoit la possibilité pour le bénéficiaire de la reprise de se consacrer à l'exploitation du bien repris au sein d'une société et par l'avant-dernier alinéa de l'article L. 411-58 qui précise dans ce cas que si l'opération est soumise à autorisation, celle-ci doit être obtenue par la société.

Il résulte de l'interprétation combinée de ces textes avec l'article L. 411- 47 que si les terres reprises seront mises à disposition d'une société, à peine de nullité du congé, celui-ci doit préciser que les terres seront exploitées dans un cadre sociétal.

II n'est pas contesté que M. V... X... est le fils de M. I... X... et de Mme U... Y... épouse X... et qu'il est donc l'un des bénéficiaires visés par l'article L. 411-58 du code rural pour le compte duquel la reprise peut être valablement poursuivie.

M. V... X... titulaire d'un diplôme d'ingénieur agronome satisfait à la condition de capacité professionnelle.

Le congé indique que M. V... X... « demeurant [...] » (...) « continuera à habiter à [...] (Aisne) après la reprise ».

Pour réfuter l'effectivité de cette adresse comme étant celle de M. V... X..., les époux W... produisent un constat d'huissier dressé le 18 novembre 2015 ; l'huissier relate qu'en faisant défiler l'interphone numérique situé sur la façade extérieure d'un immeuble sis à [...] apparaît la présence correspondant à la porte numérotée « [...] » de deux noms reliés par un tiret, à savoir « X...-P... ».

Les appelants produisent également un rapport réalisé par un cabinet privé en date du 26 janvier 2016.Il y est fait état que lors des opérations de surveillance qui ont été menées à la ferme de [...], tant le matin très tôt qu'en fin de journée, il a été constaté que des travaux étaient en cours, que plusieurs corps de métier sont présents dans la cour et que par rapport aux éléments constatés, ce corps de ferme ne semble pas habité et qu'il résulte de leurs autres investigations que M. V... X... est marié avec O... P... et que le couple a son adresse à [...], [...] , de l'ouverture d'une ligne téléphonique par M. V... X... à cette adresse pour l'installation d'une box, que son épouse indique sur les réseaux sociaux qu'elle demeure à [...], donnant cette ville comme son lieu de résidence sur Facebook. .

Le texte de l'article L. 411-59 du code rural prévoyant que le bénéficiaire de la reprise doit occuper les bâtiments d'habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds n'impose pas qu'il ne doit avoir qu'une seule habitation. En conséquence, l'existence d'un lieu d'habitation des époux X... à [...] que corroborent les pièces ci- dessus ne suffit pas à établir qu'il n'occupe pas un lieu d'habitation à proximité du bien dont la reprise est poursuivie en en permettant l'exploitation directe.

Il est démontré par les nombreuses pièces produites par les époux X... - qu'il s'agisse des avis de taxe d'habitation pour l'adresse [...] au nom de M. V... X... et des avis du foyer fiscal mentionnant cette adresse, des factures d'électricité correspondant à cette adresse et à son nom faisant apparaître à travers les montants réclamés une consommation effective, de plusieurs attestations de voisins et de l'adjoint au maire qui déclarent que M. V... X... habite [...] (Aisne) - que cette adresse correspond à un réel lieu d'habitation par le bénéficiaire de la reprise.

La réalisation de travaux affectant le corps de ferme de [...] venant améliorer ses conditions d'habitabilité vient étayer que M. V... X... a fait le choix de ce corps de ferme comme lieu d'habitation.

Par ailleurs, la non occupation de cette maison par le bénéficiaire de la reprise qu'a pu relever l'enquêteur missionné par les époux W... apparaît étroitement liée à la réalisation de travaux importants nécessitant l'intervention de plusieurs corps de métier ; de par son caractère temporaire, cette non occupation qui se produit en pleine période hivernale et en dehors de celle des travaux culturaux à une époque voisine de la date d'effet du congé ne suffit pas à amoindrir la preuve de l'effectivité amplement démontrée par les pièces versées aux débats de l'habitation de M. V... X... dans ce corps de ferme à la date prévue pour la reprise.

La commune de [...] distante de 4 kilomètres de la parcelle dont la reprise est poursuivie en permet l'exploitation directe et répond à la condition de proximité exigée par l'article L. 411-59.

Il résulte de ce qui précède que M. V... X... satisfait à la condition d'occupation d'une habitation située à proximité du bien repris.

Il est précisé au congé que M. V... X... « s'engage à exploiter les terres objet du congé pendant au moins neuf ans conformément à l'article L.411-59 au code rural, dans le cadre de la SCEA [...] (...) dans laquelle II est associé exploitant et gérant ». Il y est fait également état de ce que M. V... X... est « actuellement cadre chez Pacifica ».

Il résulte de ces termes que le congé annonce de façon claire la pluriactivité de M. V... X..., allant même au-delà des exigences formelles prescrites par l'article L.411-47 qui impose juste d'indiquer la profession du bénéficiaire de la reprise sans qu'il ne soit fait obligation d'indiquer le nom de son employeur.

Les époux X... produisent une attestation émanant du supérieur hiérarchique direct de M. V... X... déclarant qu'il est autorisé à exercer la profession d'agriculteur de façon concomitante avec sa fonction au sein de Pacifica, ce dernier s'engageant en contrepartie à utiliser son expérience d'exploitant agricole pour l'exercice de ses fonctions au sein de Pacifica. Cette attestation affirme la compatibilité entre les deux activités professionnelles de M. V... X... par le fait que ses missions s'effectuent principalement en région Picardie et Champagne-Ardenne, qu'une partie de son travail s'effectue à partir de son domicile et par des aménagements de son temps de travail.

Il résulte de cette attestation circonstanciée que contrairement à ce que prétendent les époux W..., l'activité d'exploitant agricole de M. V... X... ne fait pas obstacle à son emploi de cadre salarié mais présente même un Intérêt pour son employeur en raison de sa complémentarité avec son activité de conseil.

Il ressort de l'extrait Kbis de la SCEA [...] en date du 27 septembre 2017 et des statuts de cette société mis à jour à la suite de l'assemblée générale extraordinaire du 31 juillet 2017 que M. V... X... est gérant de cette société et le seul associé exploitant. L'attestation de la MSA produite fait également état que M. V... X... est désormais agriculteur à titre principal de la SCEA [...]. Cette société qui existe depuis 1987 exploite en dehors du bien dont la reprise est poursuivie 328 hectares ; la liste des immobilisations de la SCEA [...] aux 30 juin 2014, 2015 et 2016 et les factures en date du 30 juin 2015, 8 mars et 31 mai 2016 relatives à l'acquisition par cette société de différents éléments de matériel agricole pour un montant de 271480 € établissent que M. V... X... au travers de cette société dispose du matériel agricole nécessaire pour exploiter le bien repris. II est relevé, en outre, qu'en exécution du jugement assorti l'exécution provisoire, la partie de la parcelle qui a fait l'objet du congé a été reprise ; les appelants ne fournissent aucun élément de nature à établir que depuis cette reprise, le bien qui leur était loué ne serait pas exploité dans les conditions de l'article L. 411-59.

Par ailleurs, les attestations versées aux débats par les intimés émanant de personnes habitant la commune de [...] et de l'adjoint au maire de la commune font état de la réalité des travaux agricoles effectués par M. V... X... de sorte qu'il ne limite pas son rôle au sein de la SCEA [...] à la direction ou à la surveillance de l'exploitation mais participe aux travaux culturaux de façon effective et permanente comme l'exige l'article L. 411-59.

Le congé précise que M. V... X... «s'engage à exploiter le bien loué objet du congé pendant neuf ans au moins dans le cadre de la SCEA [...] » dont le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Soissons et l'adresse de son siège social était fourni, étant également indiqué au congé sa qualité d'associé et gérant.

Ces précisions qui sont dénuées de toute ambiguïté satisfont pleinement à l'exigence résultant de l'interprétation combinée des articles L. 411-47 et L. 411-58 et L. 411-59 d'indiquer pour le cas où les biens repris seront mises à disposition d'une société qu'ils seront exploités dans un cadre sociétal.

A la date d'effet du congé la SCEA [...] bénéficie d'une autorisation préfectorale d'exploiter les terres objet de la reprise, autorisation qui lui a été accordée par un arrêté préfectoral du 18 décembre 2014 devenu définitif, n'étant pas contesté qu'aucun recours n'a été formé à son encontre de sorte que l'opération de reprise est conforme à la réglementation sur le contrôle des structures.

Les époux X... démontrent ainsi que M. V... X... satisfait à l'ensemble des conditions exigées par l'article L. 411-59 du code rural, étant en mesure de se consacrer à l'exploitation du bien repris pendant au moins neuf ans en participant aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de la taille de l'exploitation.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a validé le congé et en toutes ses autres dispositions » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE «
Par un arrêté du 18 décembre 2014, devenu définitif. Monsieur le Préfet de l'Aisne a autorisé la SCEA [...] à reprendre les 66 ares 80 centiares de terres qui étaient auparavant mises en valeur par Madame H... W....

En raison de l'existence des pièces versées aux débats, et notamment de l'avis de taxe d'habitation 2014 établie au nom de Monsieur V... X... et de son épouse, d'une facture EDF du 5 mai 2014 au nom de Monsieur V... X..., de l'avis d'imposition de l'année 2014 du foyer fiscal, et d'attestations d'habitants de la commune de [...], il convient de constater que la bénéficiaire de la reprise du bien loué justifie d'un domicile situé à [...] , à environ 5 kilomètres de la parcelle reprise.

Monsieur V... X... est titulaire de la capacité agricole, et il s'engage à exploiter les terres objet du congé pendant au moins neuf ans dans le cadre de la SCEA [...] dans laquelle il est associé exploitant et gérant, de sorte qu'il satisfait à toutes les conditions légales concernant cette reprise.

Il y a lieu de valider le congé du 28 avril 2014 que les époux X... Y... ont fait | délivrer W... G....

Il convient de débouter ces derniers de toutes leurs prétentions, non fondées, qu'ils ont émises contre les époux X... Y..., y compris celle tendant à l'obtention d'un délai de grâce pour quitter l'immeuble.

Les époux W... G... devront avoir libéré celui-ci au plus tard dans le mois suivant la notification du jugement par le Greffe, sous astreinte provisoire de 50,00 € par jour de retard.

Les époux W... G..., condamnés in solidum aux entiers dépens, devront verser, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, aux époux X... Y..., une indemnité de 2.000,00 €.

Il est nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire du jugement » ;

1°) ALORS QU'en se bornant à constater, pour en déduire que la condition d'habitation de M. X... était remplie, que M. X... a deux habitations, l'une à [...] et l'autre à [...], et que la non-occupation de ce dernier domicile apparaît liée à la réalisation de travaux importants, comme l'avait relevé l'enquêteur missionné par les époux W... en janvier 2016, sans rechercher, comme l'y invitait les époux W... dans leurs conclusions, si, à la date de l'audience du 13 novembre 2018, M. V... X... habitait réellement à [...], la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-59 du code rural.

2°) ALORS QU' à tout le moins, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions qu'en se fondant exclusivement, pour en déduire que la condition d'habitation de M. X... était remplie, sur le constat d'huissier du 18 novembre 2015 et le rapport ACR LEGAL du 26 janvier 2016 produits en première instance sans examiner le rapport ACR LEGAL du 22 juin 2017 et le constat d'huissier du 24 mai 2017 produits pour la première fois en appel par les époux W..., la cour a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile.

3)° ALORS QUE les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en relevant que «
les nombreuses pièces produites par les époux X... - qu'il s'agisse des avis de taxe d'habitation pour l'adresse [...] au nom de M. V... X... et des avis du foyer fiscal mentionnant cette adresse, des factures d'électricité correspondant à cette adresse et à son nom faisant apparaître à travers les montants réclamés une consommation effective, de plusieurs attestations de voisins et de l'adjoint au maire qui déclarent que M. V... X... habite [...] (Aisne) – que cette adresse correspond à un réel lieu d'habitation par le bénéficiaire de la reprise » sans indiquer la date de ces documents, ni les analyser, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.

4°) ALORS QUE le bénéficiaire de la reprise ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l'exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation ; qu'en écartant toute incompatibilité entre l'activité professionnelle de M. V... X..., bénéficiaire de la reprise, et son exploitation personnelle du bien repris tout en relevant pourtant qu'il exerce la profession de cadre salarié chez Pacifica à temps complet et que depuis le 31 juillet 2017, il est également gérant et seul associé de la SCEA [...] qui exploite, en dehors du bien dont la reprise est poursuivie, 328 ha en tout, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 411-59 du code rural.

5°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de viser et d'analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en se bornant à affirmer que les attestations versées aux débats par les époux X... font état de la réalité des travaux agricoles effectués par M. V... X... de sorte qu'il participe aux travaux culturaux de façon effective et permanente comme l'exige l'article L.411-59 du code rural sans les viser, ni procéder à leur analyse sommaire, la cour a statué par voie de pure affirmation et violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 19-14382
Date de la décision : 03/12/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 15 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 déc. 2020, pourvoi n°19-14382


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.14382
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