La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2020 | FRANCE | N°18-15383

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 décembre 2020, 18-15383


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 décembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1376 F-P+B+I

Pourvoi n° T 18-15.383

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société OOCL France, société anonyme, dont le

siège est Franklin Building, 32 rue Pierre Brossolette, 76600 Le Havre,

2°/ la société OOCL UK Ltd, société de droit anglais, dont le siège est OOCL...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 décembre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1376 F-P+B+I

Pourvoi n° T 18-15.383

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 DÉCEMBRE 2020

1°/ la société OOCL France, société anonyme, dont le siège est Franklin Building, 32 rue Pierre Brossolette, 76600 Le Havre,

2°/ la société OOCL UK Ltd, société de droit anglais, dont le siège est OOCL House, Bridge Road, Levington, Ipswich Suffolk IP10 ONE (Royaume-Uni),

3°/ la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL, société de droit hongkongais, dont le siège est 33/F, Harbour Centre, 25 Harbour Road, Wan Chai (Hong Kong),

ont formé le pourvoi n° T 18-15.383 contre l'arrêt rendu le 11 janvier 2018 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (CNMP), société par actions simplifiée, dont le siège est 3744 quai de l'Atlantique, 76600 Le Havre, défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL, de la SCP Boullez, avocat de la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen 11 janvier 2018), au cours du mois de mars 2003, le navire « Canmar Pride », porte-conteneurs appartenant à la CPS n° 5 et opéré par la société CP Ships, a fait escale au port du Havre où des conteneurs ont été chargés par la société Compagnie nouvelle de manutentions portuaires (la société CNMP).

2. Le navire ayant quitté Le Havre pour Montréal le 3 mars 2003, certains conteneurs ont chuté en mer et d'autres sur le pont au cours du transport.

3. La société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL (les sociétés OOCL) et la société CP Ships ont assigné la société CNMP devant le juge des référés d'un tribunal de commerce qui, par une ordonnance du 20 mai 2002, a désigné un expert judiciaire avec pour mission de déterminer les causes du sinistre.

4. Les sociétés OOCL ayant été attraites devant des juridictions canadiennes et américaines, elles ont, le 29 septembre 2003, assigné la société CNMP en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre devant le tribunal de commerce. Ce dernier a sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise, puis dans l'attente de l'issue des procédures américaines et canadiennes.

5. Les sociétés OOCL ayant, par conclusions du 22 septembre 2009, repris leur procédure devant le tribunal de commerce, la société CNMP a soulevé la péremption de l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés OOCL font grief à l'arrêt de déclarer la CNMP recevable en sa demande de constat de la péremption de la première instance et de constater l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption et de les condamner aux dépens et à des frais irrépétibles, alors « qu'aux termes de l'article 388, alinéa 1er, du code de procédure civile, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit ; qu'il s'ensuit qu'en cause d'appel, la partie qui entend se prévaloir de la péremption doit l'invoquer, à peine d'irrecevabilité, dans ses premières conclusions, avant tout autre moyen ; que pour déclarer en l'espèce recevable la demande de péremption d'instance présentée par la société CNMP, la cour d'appel a considéré qu'il résultait « de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande de péremption régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait par ailleurs relevé que la société CNMP n'avait repris en cause d'appel sa demande de péremption de la première instance qu'à partir de ses conclusions n° 2 du 30 janvier 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 388, alinéa 1er, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 388 du code de procédure civile :

7. Il résulte de ce texte que la péremption de l'instance doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen.

8. Pour déclarer recevable l'exception de péremption d'instance opposée par la CNMP et constater l'extinction de l'instance par la péremption, l'arrêt retient qu'il résulte de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions.

9. En statuant ainsi, alors que, dans ses premières conclusions, la CNMP arguait de deux fins de non-recevoir et, subsidiairement, contestait au fond le montant de la créance, la péremption d'instance n'étant soulevé que dans des conclusions déposées ultérieurement, la cour d'appel, qui était tenue de relever d'office l'irrecevabilité de cet incident, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Compagnie nouvelle de manutentions portuaires et la condamne à payer à la société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société OOCL France, la société OOCL UK Ltd et la société Orient Overseas Container Line Ltd OOCL

LE MOYEN FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré la Compagnie Nouvelle de Manutentions Portuaires (CNMP) recevable en sa demande de constat de la péremption de la première instance et d'avoir constaté l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption et d'avoir condamné les sociétés exposantes aux dépens et à des frais irrépétibles ;

AUX MOTIFS QU' « Aux termes de ses dernières écritures, CNMP sollicite en premier lieu l'infirmation du jugement et le constat de l'extinction de la première instance par l'effet de la péremption ; qu'il ressort des pièces de procédure que dans ses premières conclusions d'appel datées du 6 juillet 2016, CNMP, pour solliciter l'infirmation du jugement, opposait en premier lieu deux fins de non-recevoir à l'action engagée à son encontre, et subsidiairement une contestation au fond sur le montant de la créance ; elle se bornait alors à indiquer en fin des motifs en page 4 de ces conclusions la mention « sans préjudice de développer tous autres moyens et de reprendre celui de la péremption de la première instance dans les deux ans des conclusions de reprise d'instance du 22 septembre 2009 », sans autre développement motivé, et sans formuler de prétention aux fins de constat de la péremption d'instance dans le dispositif de celles-ci ; qu'elle n'a repris en cause d'appel sa demande de péremption de la première instance qu'à partir de ses conclusions N° 2 du 30 janvier 2017 ; que les sociétés OOCL indiquent qu'en première instance CNMP prétendait qu'aucune diligence valable n'avait été accomplie entre la date d'assignation, le 29 septembre 2003, et le jour du dépôt de conclusions de reprise d'instance, le 22 septembre 2009, alors qu'elle soutient désormais que les sociétés OOCL n'auraient pas interrompu le délai de péremption postérieurement au dépôt de leurs conclusions de reprise d'instance, le 22 septembre 2009 ; que sous le visa de l'article 388 du code de procédure civile, elles soutiennent que cette demande de péremption est irrecevable en cause d'appel, comme tardive, n'ayant pas été opposée dès les premières conclusions d'appel de CNMP du 6 juillet 2016 ; que l'article 388 du code de procédure civile dispose que la péremption doit à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; qu'il doit être relevé que la péremption invoquée par CNMP est celle de la procédure de première instance ; qu'il résulte des énonciations du jugement et de ses conclusions de première instance que devant le tribunal, celle-ci avait soutenu que les sociétés OOCL ayant engagé leur action par assignation du 29 mars 2003 et conclu le 22 septembre 2009 devaient justifier de diligences interruptives du délai de péremption de deux ans entre ces deux dates, et devaient également rapporter la preuve d'une interruption de péremption postérieurement à ces conclusions du 22 septembre 2009 ; que la recevabilité de la demande de péremption telle qu'opposée en première instance n'a fait l'objet d'aucune discussion devant le tribunal, et n'est pas davantage contestée en cause d'appel ; que le tribunal a écarté cette demande en retenant plusieurs actes interruptifs sur ces deux périodes, dont les dates sont précisées dans le jugement, sans indiquer la nature des diligences et en quoi elles étaient de nature à faire progresser l'instance ; que devant la cour saisie à nouveau de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel général, CNMP ne fait que reprendre la demande péremption opposée en première instance, en développant désormais exclusivement son argumentation à l'examen des diligences sur la période postérieure aux conclusions de reprise d'instance du 22 septembre 2009 ; qu'il résulte de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande de péremption régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions ; que la demande de péremption doit en conséquence être déclarée recevable ».

ALORS QU' aux termes de l'article 388, alinéa 1er, du code de procédure civile, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit ; qu'il s'ensuit qu'en cause d'appel, la partie qui entend se prévaloir de la péremption doit l'invoquer, à peine d'irrecevabilité, dans ses premières conclusions, avant tout autre moyen ; que pour déclarer en l'espèce recevable la demande de péremption d'instance présentée par la société CNMP, la cour d'appel a considéré qu'il résultait « de la combinaison des articles 388, 562 et 954 du code de procédure civile que la demande de péremption régulièrement présentée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions » (arrêt d'appel p. 7) ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait par ailleurs relevé que la société CNMP n'avait repris en cause d'appel sa demande de péremption de la première instance qu'à partir de ses conclusions N° 2 du 30 janvier 2017, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 388, alinéa 1er, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-15383
Date de la décision : 10/12/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Demande - Moyen soulevé antérieurement à tout autre - Nécessité

PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption - Demande - Moyen soulevé antérieurement à tout autre - Recours formé contre une décision ayant statué sur la péremption d'instance

Il résulte de l'article 388 du code de procédure civile que la péremption d'instance doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen. Encourt donc la cassation l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour déclarer recevable l'exception de péremption opposée par une partie et constater l'extinction de l'instance par l'effet de la péremption, retient, après avoir relevé que dans ses premières conclusions, cette partie avait contesté le montant de la créance, que la demande de péremption d'instance régulièrement soulevée en première instance peut être reprise en cause d'appel jusqu'aux dernières conclusions


Références :

article 388 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 11 janvier 2018

A rapprocher : 2e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n° 14-19811, Bull. 2015, II, n° 234 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 déc. 2020, pourvoi n°18-15383, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Boullez

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.15383
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award