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07/01/2021 | FRANCE | N°19-24350

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 janvier 2021, 19-24350


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 23 F-D

Pourvoi n° K 19-24.350

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X... N....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS>_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021

M. X... N..., domicilié [...] , a formé le p...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 23 F-D

Pourvoi n° K 19-24.350

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. X... N....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 19 septembre 2019.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JANVIER 2021

M. X... N..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-24.350 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de M. N..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 janvier 2019), M. N... (la victime) a déclaré le 29 janvier 2015 un accident survenu le 15 novembre 2013, et joint à sa déclaration un certificat médical initial du 18 novembre 2013.

2. Par décision du 30 avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse), a refusé de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

3. L'intéressé a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, et sur le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

5. La victime fait grief à l'arrêt de confirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse en ce qu'elle a confirmé la décision de refus de prendre en charge l'accident déclaré au titre de la législation professionnelle et de constater que la caisse avait respecté les délais d'instruction, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, en leur rédaction applicable en l'espèce, que la caisse dispose, pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident, ce délai pouvant être prorogé de deux mois lorsqu'un examen ou une enquête complémentaire est nécessaire à charge pour la caisse d'en informer la victime et l'employeur, et qu'en l'absence de décision ou de notification de prolongation avant l'expiration du délai de trente jours, le caractère professionnel de l'accident est reconnu à l'égard de la victime ; que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition ; qu'en retenant en l'espèce, pour refuser la prise en charge de l'accident de M. N... au titre de la législation professionnelle, que la caisse avait été en possession de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial le 2 février 2015 et que seule était à prendre en considération la date d'établissement du courrier indiquant à ce dernier que l'instruction de sa demande nécessitait un délai complémentaire de deux mois, soit le 2 mai 2015, quand la date à prendre en considération était, comme le soutenait M. N..., la date d'expédition du courrier, soit le 4 mars 2015, la cour d'appel a violé les articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 668 du code de procédure civile ;

3°/ que selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, à compter de l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la date de la notification du délai l'enquête complémentaire, et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident est reconnu ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir M. N..., la lettre de refus de prise en charge de l'accident comme accident du travail avait été expédiée le mardi 5 mai 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification du délai complémentaire d'instruction, le 4 mars 2015 ; qu'en refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :

6. Il résulte de ce texte que la date de notification par lettre recommandée qu'il prévoit est, à l'égard de l'organisme qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, celle de sa réception.

7. Pour débouter la victime de ses demandes, l'arrêt constate qu'il ressort des échanges de correspondances entre la victime et la caisse que cette dernière a été en possession de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial le 2 février 2015, de sorte que c'est à partir de cette date qu'a commencé à courir le délai de trente jours pour la caisse pour rendre sa décision. Il ajoute qu'ainsi qu'elle en a la possibilité, la caisse a indiqué à l'assuré par courrier du 2 mars 2015 que l'instruction de sa demande nécessitait un délai d'instruction complémentaire de deux mois, et qu'elle disposait donc d'un délai jusqu'au 2 mai 2015. Il retient que bien que le courrier du 2 mars 2015 ait été reçu plus tard par la victime, seule la date d'établissement du courrier est à prendre en considération pour l'interruption du délai, la caisse ne pouvant se voir opposer le délai de prise en charge par la Poste.

8. En statuant ainsi, alors que seules les dates d'expédition des courriers de prolongation du délai d'instruction et de décision de refus de prise en charge devaient être prises en compte pour apprécier le respect des délais d'instruction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et la condamne à payer à Me W... M... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Isabelle Galy, avocat aux Conseils, pour M. N...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable du 9 septembre 2015 (sic) en ce qu'elle a confirmé la décision de refus par la CPAM des Hauts-de-Seine de prendre en charge l'accident du 15 novembre 2013 de M. N... au titre de la législation professionnelle, et d'AVOIR constaté que la caisse avait respecté les délais de la procédure d'instruction,

AUX MOTIFS QU' « il ressort des échanges de correspondances entre la CPAM et M. N... que la caisse a été en possession de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial le 2 février 2015. C'est donc à partir de cette date qu'a commencé à courir le délai de trente jours pour la caisse pour rendre sa décision.
Ainsi qu'elle en a la possibilité, la CPAM a indiqué à l'assuré par courrier du 2 mars 2015 que l'instruction de sa demande nécessitait un délai d'instruction complémentaire de deux mois. Elle disposait donc d'un délai jusqu'au 2 mai 2015.
Bien que le courrier du 2 mars 2015 ait été reçu plus tard par M. N..., seule la date d'établissement du courrier est à prendre en considération pour l'interruption du délai, la caisse ne pouvant se voir opposer le délai de prise en charge par la Poste.
Il en résulte que la CPAM a respecté les délais de la procédure d'instruction » (arrêt p. 3),

1°) ALORS QU'il résulte des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, en leur rédaction applicable en l'espèce, que la caisse dispose, pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident, ce délai pouvant être prorogé de deux mois lorsqu'un examen ou une enquête complémentaire est nécessaire à charge pour la caisse d'en informer la victime et l'employeur, et qu'en l'absence de décision ou de notification de prolongation avant l'expiration du délai de trente jours, le caractère professionnel de l'accident est reconnu à l'égard de la victime ; que la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition ; qu'en retenant en l'espèce, pour refuser la prise en charge de l'accident de M. N... au titre de la législation professionnelle, que la CPAM avait été en possession de la déclaration d'accident du travail et du certificat médical initial le 2 février 2015 et que seule était à prendre en considération la date d'établissement du courrier indiquant à ce dernier que l'instruction de sa demande nécessitait un délai complémentaire de deux mois, soit le 2 mai 2015, quand la date à prendre en considération était, comme le soutenait M. N..., la date d'expédition du courrier, soit le 4 mars 2015, la cour d'appel a violé les articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 668 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que M. N... faisait valoir dans ses conclusions d'appel oralement reprises qu'en toute hypothèse, la CPAM lui avait notifié sa décision de refus de prise en charge par une lettre expédiée le 5 mai 2015, soit au-delà du délai de deux mois à compter de la notification du délai complémentaire d'instruction prescrit par l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, de sorte que le caractère professionnel de l'accident devait lui être reconnu ; qu'en omettant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE selon l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, à compter de l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la date de la notification du délai l'enquête complémentaire, et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident est reconnu ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir M. N..., la lettre de refus de prise en charge de l'accident comme accident du travail avait été expédiée le mardi 5 mai 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification du délai complémentaire d'instruction, le 4 mars 2015 ; qu'en refusant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé la décision de la commission de recours amiable du 9 septembre 2015 (sic) en ce qu'elle a confirmé la décision de refus par la CPAM des Hauts-de-Seine de prendre en charge l'accident du 15 novembre 2013 de M. N... au titre de la législation professionnelle,

AUX MOTIFS QUE « constitue un accident du travail tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l'occasion du travail et qui est à l'origine d'une lésion corporelle.
L'accident survenu alors que la victime se trouve au temps et sur les lieux de travail est présumé accident du travail parce que le travailleur est sous l'autorité et sous la surveillance de l'employeur, même s'il n'existe aucun lien direct entre l'accident et le travail. Du fait de la présomption, la victime n'a qu'à établir la matérialité des faits pour que son accident soit présumé être un accident du travail. Les déclarations de la victime ne suffisent pas à elles seules à établir le caractère professionnel de l'accident.
En cas de contestation de la caisse, il lui appartient de rapporter la preuve que l'accident avait une cause entièrement étrangère au travail.

Les juges apprécient souverainement la matérialité des faits.
En l'espèce, avant même de rechercher si les lésions dont souffre la victime sont ou non en lien avec l'accident du travail qu'il allègue, il convient de vérifier la réalité du fait accidentel en lui-même.
La cour ne peut que constater que M. N... a tardivement déclaré avoir été victime d'un accident du travail.
Mais, de façon constante tout au long de la procédure jusqu'à l'audience devant la cour, M. N... a expliqué qu'il avait ressenti de vives douleurs le 15 novembre 2013 et que ces douleurs seraient en lien avec le port de charges lourdes effectué les jours précédents.
Il se déduit donc des seules déclarations de M. N... que le 15 novembre 2013, il ne s'est produit aucun événement brutal et soudain ayant provoqué ses douleurs.
Force est également de constater qu'aucun témoin n'était présent et que M. N... ne produit aucun élément objectif, aucune attestation, pour établir la réalité de ses allégations.
Quant à l'audition de L..., qui est réclamée par M. N..., elle n'est pas de nature à éclairer la cour puisqu'elle aurait simplement recueilli les doléances de l'assuré quant à ses souffrances le 15 novembre 2013 sans être témoin d'un quelconque fait accidentel ce même jour.
Dès lors, M. N... ne rapporte la preuve d'aucun événement brutal et soudain survenu au temps et au lieu du travail le 15 novembre 2013.
Sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 15 novembre 2013 sera rejetée et le jugement sera confirmé » (arrêt p. 3-4),

ALORS QUE constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci ; qu'en retenant qu'il résulte des propres déclarations de M. N... que le 15 novembre 2013, date d'apparition des douleurs dorsales, il ne s'était produit aucun événement brutal et soudain ayant provoqué ces douleurs, sans rechercher si, comme le soutenait M. N..., ces douleurs n'avaient pas été provoquées par le port de charges lourdes les jours précédents, dans le cadre de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-24350
Date de la décision : 07/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 31 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 jan. 2021, pourvoi n°19-24350


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Isabelle Galy, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24350
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