LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 février 2021
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 148 F-D
Pourvoi n° Z 19-21.902
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. J....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 juin 2019.
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme I....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 octobre 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 10 FÉVRIER 2021
M. U... J..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Z 19-21.902 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre de la famille), dans le litige l'opposant à Mme V... I..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. J..., de Me Balat, avocat de Mme I..., après débats en l'audience publique du 15 décembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 15 mai 2019), de l'union de M. J... et de Mme I... est né F..., le [...]. Un jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère et accordé au père un droit de visite et d'hébergement à exercer selon libre accord des parties.
2. A la suite d'un déménagement de la mère du Gers vers la Réunion, M. J... a saisi le juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir à titre principal la fixation de la résidence de l'enfant à son domicile, à titre subsidiaire un droit de visite et d'hébergement, et à titre infiniment subsidiaire, un droit de communication régulier avec l'enfant, par téléphone ou par « skype ».
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. M. J... fait grief à l'arrêt de réserver son droit de visite et d'hébergement et de rejeter sa demande aux fins de mise en place d'un droit de communication avec l'enfant mineur par voie électronique, alors « qu'en toute hypothèse, le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt de l'enfant ; que ni l'attitude dénigrante de l'un des parents à l'égard de l'autre, ni les croyances religieuses d'un parent ne peuvent suffire à caractériser les motifs graves tenant à l'intérêt de l'enfant et justifiant la privation de l'exercice du droit de visite et d'hébergement ; qu'en se fondant sur de tels éléments pour dire qu'il était de l'intérêt de l'enfant de réserver l'exercice des droits de visite et d'hébergement du père, la cour d'appel a méconnu l'article 373-2-1 du code civil, ensemble les articles 3-1 et 9-3 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant. »
Réponse de la Cour
5. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'enquête sociale avait mis en évidence que M. J... s'était vu refuser l'accès à la salle de prière de sa commune à la suite de discours préoccupants auprès de jeunes et pouvait, selon plusieurs témoins, adopter un comportement menaçant, d'autre part, que l'intéressé tenait à son fils des propos particulièrement dénigrants envers Mme I..., allant jusqu'à lui refuser sa qualité de mère, ce qui suscitait chez l'enfant un comportement agressif à l'égard de celle-ci, la cour d'appel a caractérisé les motifs graves tenant à l'intérêt d'F... et justifiant la suspension du droit de visite et d'hébergement du père ainsi que le rejet de la demande de communication régulière de celui-ci avec l'enfant, par téléphone ou par « skype ».
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. J... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. J....
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir réservé le droit de visite et d'hébergement de M. J..., et rejeté la demande de M. J... aux fins de mise en place d'un droit de communication avec l'enfant mineur par le biais d'un moyen de communication par voie électronique tel que « Skype »,
Aux motifs propres que l'article 373–2–1 du code civil énonce que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ; que l'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves ; que M. J... dénonce un procès en islamophobie et que sa religion ferait de lui un mauvais père ; qu'il fait valoir qu'il n'est pas fiché S et se présente comme victime ; que l'enquêteur social en métropole a entendu le directeur de la salle de prière d'Eauze (Gers), M. P..., qui indique avoir signifié à M. J... l'interdiction d'accès à la salle de prière précisant : «
je l'ai vu à plusieurs reprises sortir de la salle de prière avec des jeunes auxquels il n'inculque que les mauvais côtés de l'Islam », qu'il ajoute que selon lui M. J... est menaçant ; qu'il émet un doute quant à ses capacités morales et financières à prendre en charge son fils ; que pour contredire ces propos [M. J... produit aux débats] deux attestations qui, outre qu'elles ne répondent pas aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, sont rédigées en des termes identiques et sur lesquelles a été ajouté le nom du témoin sa signature, ce qui leur retire pour le moins toute force probante ; que les propos de M. P... (réitérés puisqu'il était entendu deux fois, par téléphone et physiquement) donnent une crédibilité aux témoignages produits par Mme I... malgré les protestations de M. J... ; que Mme D... indique : « je l'ai vu (F...) rejeter sa maman, il disait que ce n'était pas sa vraie maman, que selon lui, la vraie, son sang arriverait bientôt
il disait que c'était son papa qui lui disait ça
le comportement d'F... était devenu agressif envers sa maman, ses frères et sa soeur, il disait que ce n'était plus les siens parce que son papa l'avait dit » ; que ces propos sont confirmés par Mme G..., professeur des écoles qui ajoute que ce comportement non habituel intervenait après les séjours chez son père ; que le comportement de dénigrement grave de la mère adopté par le père est contraire à l'intérêt de l'enfant et constitue un motif grave justifiant de suspendre le droit de visite et d'hébergement du père ; qu'au vu des pièces versées aux débats et en l'absence d'éléments nouveaux susceptibles d'être soumis à son appréciation, la Cour, s'appropriant l'exposé des faits établi par le premier juge, estime que ce dernier, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exemple une exacte appréciation des faits de la cause de du droit des parties (arrêt, pp. 4 5),
Et aux motifs du jugement confirmé qu'il ressort du rapport d'enquête sociale que U... J... a été un père attentif et investi dans la vie de son enfant jusqu'au départ de V... I... avec celui-ci pour l'île de la Réunion ; que si l'intéressé a formellement contesté s'inscrire dans un processus de radicalisation, il ressort toutefois des éléments recueillis que l'accès à la salle de prière de sa commune lui a été refusé suite à la tenue de discours préoccupants auprès des jeunes de la commune ; qu'en outre, les auditions de témoins réalisées ont établi que le demandeur pouvait, dans certaines circonstances, adopter un comportement menaçant ; que fort de ce constat, l'enquêteur social exprime des doutes quant à la capacité du demandeur à prendre en charge F... au quotidien ; qu'il insiste cependant sur la nécessité de maintenir un lien régulier entre l'enfant et son père par le biais d'un moyen de télécommunication telles que « Skype », afin de préserver le lien qui unit l'enfant à son père ; qu'il ressort du rapport d'enquête sociale que U... J..., de confession musulmane, a pu adopter une attitude préoccupante voire menaçante à l'égard de certaines personnes de sa commune ; que ce constat va à l'encontre du discours tenu par U... J... lors des entretiens avec l'enquêteur social, tandis qu'il vient corroborer les explications fournies par la défenderesse sur les raisons de son départ pour l'île de la Réunion ; que ces éléments constituent des motifs d'une certaine gravité justifiant que le droit de visite et d'hébergement du demandeur à l'égard du jeune F... soit réservé ; qu'au surplus, il ne relève pas des prérogatives du juge aux affaires familiales de prévoir un droit de communication par voie électronique, tel que suggéré par l'enquêteur social ; que dans ces conditions, la demande ne pourra qu'être rejetée (jugement, pp. 3 – 4),
1°/ Alors que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et dire bien ou mal fondée la prétention qui lui est soumise ; qu'en « réservant » le droit de visite et d'hébergement de M. J... sur son fils mineur F..., la cour d'appel s'est abstenue de trancher le litige relatif à l'exercice de ce droit de visite et d'hébergement, et a violé l'article 4 du code civil ;
2°/ Alors, en toute hypothèse, que le parent qui exerce conjointement l'autorité parentale ne peut se voir refuser un droit de visite et d'hébergement que pour des motifs graves tenant à l'intérêt de l'enfant ; que ni l'attitude dénigrante de l'un des parents à l'égard de l'autre, ni les croyances religieuses d'un parent ne peuvent suffire à caractériser les motifs graves tenant à l'intérêt de l'enfant et justifiant la privation de l'exercice du droit de visite et d'hébergement ; qu'en se fondant sur de tels éléments pour dire qu'il était de l'intérêt de l'enfant de réserver l'exercice des droits de visite et d'hébergement du père, la cour d'appel a méconnu l'article 373-2-1 du code civil, ensemble les articles 3-1 et 9-3 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.