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17/02/2021 | FRANCE | N°19-17345

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 février 2021, 19-17345


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 162 F-D

Pourvoi n° W 19-17.345

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2021

La société Commerzbank, dont le siège est [...] (Allemagne), a form

é le pourvoi n° W 19-17.345 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant :

1...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 février 2021

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 162 F-D

Pourvoi n° W 19-17.345

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2021

La société Commerzbank, dont le siège est [...] (Allemagne), a formé le pourvoi n° W 19-17.345 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. S... Y..., domicilié [...] ,

2°/ à la société Caisse de crédit mutuel d'Antony, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Commerzbank, de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. Y..., après débats en l'audience publique du 5 janvier 2021 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 janvier 2019), au cours de l'année 2012, M. Y... a réalisé un investissement sur la plate-forme de « trading » en ligne de la société 4XP, société de courtage étrangère non autorisée en France, au moyen de virements effectués par son établissement bancaire, la société Caisse de crédit mutuel d'Antony, sur le compte de la société 4XP ouvert dans les livres de la société Commerzbank, ayant son siège en Allemagne.

2. Invoquant une impossibilité de retirer les fonds investis ainsi que les gains générés et une disparition du site Internet de la société 4XP, il a assigné, par acte du 31 juillet 2017, les sociétés Caisse de crédit mutuel d'Antony et Commerzbank devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement du montant de son investissement et d'une indemnité au titre de son préjudice moral. La société Commerzbank a opposé une exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Commerzbank fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence et de déclarer le tribunal de grande instance de Nanterre compétent, alors :

« 1°/ qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, pour que des décisions puissent être considérées comme contradictoires, il ne suffit pas qu'il existe une divergence dans la solution du litige, mais il faut encore que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier l'existence du risque de décisions inconciliables si lesdites demandes étaient jugées séparément, en prenant en compte tous les éléments du dossier, notamment, l'identité des fondements juridiques des actions introduites, l'identité en substance des réglementations nationales, ainsi le fait que les défendeurs ont, ou non, agi de façon indépendante ; qu'en retenant que, dès lors que l'identité de fondement juridique entre les demandes formées contre les défendeurs n'est pas requise pour caractériser la connexité au sens du règlement européen, étaient inopérantes les circonstances invoquées par la demanderesse que les actions en responsabilité étaient de nature différente, contractuelle et délictuelle, qu'elles étaient fondées sur des lois différentes et que les défenderesses avaient agi de façon indépendante, la cour d'appel, qui devait prendre en considération ces différents éléments dans son appréciation, a violé l'article 8, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°/ qu'une différence de fondements juridiques entre des actions introduites contre les différents défendeurs ne fait pas, en soi, obstacle à l'application de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, pour autant toutefois qu'il était prévisible pour les défendeurs qu'ils risquaient de pouvoir être attraits dans l'État membre où au moins l'un d'entre eux à son domicile ; qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre en matière délictuelle ou quasi délictuelle devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; que, lorsqu'est poursuivie la réparation d'un préjudice constitué par la perte d'un investissement auprès d'une société de courtage, le lieu où le fait dommageable s'est produit est celui où est ouvert le compte sur lequel les fonds ont été reçus et non le lieu du domicile de l'investisseur ; qu'en se fondant, pour apprécier le caractère prévisible pour la demanderesse d'être attraite devant une juridiction autre que sa juridiction nationale, sur les circonstances inopérantes que les opérations litigieuses pouvaient être frauduleuses et que la société Commerzbank recevait des virements en provenance de la France d'investisseurs qui ont été abusés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles, paragraphe 2 et 8, paragraphe 1, du règlement (UE) n 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

3°/ que les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ; qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, pour que des décisions soient considérées comme inconciliables, il faut qu'existe une divergence dans la solution du litige qui s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; que tel n'est pas le cas lorsqu'un investisseur poursuit l'indemnisation d'un préjudice constitué par la perte de fonds investis auprès d'une société de courtage et agit à cette fin, d'une part, à l'encontre de la banque française dans les livres duquel son compte est ouvert et, d'autre part, à l'encontre de l'établissement allemand teneur du compte de la société de courtage, lorsqu'il n'y a pas d'identité de fondements juridiques des actions introduites, de prévisibilité pour l'établissement allemand d'être, dans de telles circonstances, attrait devant une juridiction autre que sa juridiction nationale, d'identité en substance des réglementations nationales et que les établissements ont agi en complète indépendance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel violé l'article 8, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Réponse de la Cour

4. En vertu de l'article 8, point 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, s'il y a plusieurs défendeurs, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut, par dérogation au principe énoncé à l'article 4, paragraphe 1, de ce règlement, être attraite devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

5. L'arrêt relève que M. Y... a assigné en responsabilité les sociétés Caisses de crédit mutuel d'Antony et Commerzbank, en ce qu'elles avaient concouru à la réalisation d'un même dommage, soit la perte des fonds investis en 2012, par des virements effectués sur le compte d'une société fraudeuse, qu'il invoque à leur encontre des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance issues notamment de la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de sorte que les demandes, qui se rapportent aux mêmes faits et qui tendent à des fins identiques, posent des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la part de responsabilité éventuelle de chaque société. Il ajoute que la société Commerzbank, qui avait ouvert dans ses livres un compte à une société de courtage recevant des virements en provenance de France susceptibles d'avoir un caractère frauduleux, pouvait s'attendre à être attraite devant les juridictions françaises.

6. La cour d'appel a pu en déduire que les actions en responsabilité intentées par M. Y... étaient connexes en ce qu'elles s'inscrivaient dans une même situation de fait et de droit et que, pour éviter tout risque d'inconciliabilité des solutions, il y avait lieu de les juger ensemble.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Commerzbank aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Commerzbank et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Commerzbank

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Commerzbank et déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre compétent ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 4 du règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable aux actions intentées à compter du 10 janvier 2015 et partant à la présente instance, énonce un principe général de compétence selon lequel "Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre" ; que l'article 5.1 prévoit que "Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections II à VII du présent chapitre" ; que le règlement européen prévoit également une règle de compétence "dérivée" à l'article 8 de la section II intitulée "Compétences spéciales", qui dispose : " Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut aussi être attraite : 1) s 'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps, afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (..) " ; que l'exception prévue à l'article 8-1° du règlement suppose d'apprécier la connexité des demandes à la lumière du risque de conflit des décisions qui doit s'inscrire dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; qu'il incombe à la juridiction nationale saisie d'apprécier l'existence d'un tel risque en tenant compte de tous les éléments pertinents du dossier (CJUE, 12 juillet 2012, Solvay SA, aff.C-616/10) ; que l'objectif de cette règle de compétence spéciale est, selon l'arrêt Painer du 1er décembre 2011 (CJUE, Painer, C-145/10) de répondre "au souci de faciliter une bonne administration de la justice, de réduire au maximum la possibilité de procédures concurrentes et d'éviter ainsi des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément "(point 83) ; que l'identité de fait suppose une implication de tous les codéfendeurs dans la survenance des faits litigieux, tandis que l'identité de droit peut être définie comme le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les actions ; qu'au cas d'espèce, M. Y... a fait assigner en responsabilité les deux sociétés défenderesses en ce qu'elles ont concouru à la réalisation d'un même dommage, soit la perte des fonds investis en 2012 au profit d'une société de courtage non régulée, figurant sur la liste noire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), ses investissements ayant été réalisés par le biais de virements depuis le compte bancaire qu'il détient dans les livres de la Caisse du Crédit mutuel d'Antony vers le compte détenu par la société de courtage à la Commerzbank en Allemagne ; que M. Y... met en cause la responsabilité des établissements de crédit, invoquant des manquements à leurs obligations de surveillance et de vigilance telle qu'issues notamment de la Directive européenne 2005/60/CE du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, en son article 8 chapitre II, "Obligations de vigilance à l'égard de la clientèle", transposée en droit interne, dont il importe peu que les systèmes de sanctions soient édictés par les droits nationaux en cas de violation des obligations découlant de ladite directive, étant souligné que si selon la société Commerzbank, l'application de cette directive est contestable, il appartiendra en tout état de cause au juge de restituer son exacte qualification aux faits et actes litigieux et de rechercher la règle de droit applicable ; qu'ainsi le demandeur cherche à obtenir réparation d'un même préjudice auprès de deux défendeurs dont les responsabilités peuvent être liées ; qu'il importe peu que les actions en responsabilité soient de nature différente, contractuelle ou délictuelle, et qu'elles soient éventuellement fondées sur des lois différentes puisque l'identité de fondement juridique entre les demandes formées contre les défendeurs n'est pas requise pour caractériser la connexité au sens du règlement européen susvisé ; que les demandes qui se rapportent aux mêmes faits et qui tendent à des fins identiques posent en l'espèce des questions communes qui appellent des réponses coordonnées, notamment sur la matérialité et l'étendue du préjudice, l'analyse des causes du dommage et la part de responsabilité de chaque coresponsable éventuel ; qu'il est dès lors inopérant pour l'appelante de soutenir, à ce stade de la procédure, que les faits allégués par le demandeur ne sont pas établis, qu'il n'existe aucune relation contractuelle entre M. Y... et elle-même ou que cette relation relève exclusivement du droit allemand ; qu'il est encore vain pour la société Commerzbank d'opposer au demandeur l'absence de preuves quant à la commission d'une infraction pénale en vertu du droit allemand ou de sa connaissance d'une suspicion de fraude à la date des paiements, ces contestations relevant d'un débat au fond ; qu'enfin, l'appelante ne peut valablement soutenir qu'il n'était pas prévisible qu'elle soit attraite devant une juridiction autre que sa juridiction nationale pour l'exécution d'ordres de virement dans l'Union européenne, qui constitue un traitement de masse, dès lors que de telles opérations peuvent revêtir un caractère frauduleux et qu'en l'espèce la société de courtage ayant ouvert un compte dans ses livres recevait des virements en provenance de la France d'investisseurs qui ont été abusés ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations que les actions en responsabilité intentées par M. Y... à l'encontre des sociétés Crédit mutuel et Commerzbank sont connexes en ce qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; qu'il existe dès lors un risque de solutions inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; qu'en conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Commerzbank ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE L'article 4 du Règlement (UE) n° 1215/2012 prévoit que « 1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre.

2. Les personnes qui ne possèdent pas la nationalité de l'État membre dans lequel elles sont domiciliées sont soumises aux règles de compétence applicables aux ressortissants de cet État membre. » ; que, toutefois, l'article 8 précise que « Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite : 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (...) » ; qu'il convient dès lors de rechercher si les demandes présentées contre la CCM et la Commerzbank s'inscrivent dans une même situation de fait et de droit, ce qui caractériserait un risque de solutions inconciliables si elles étaient jugées séparément ; qu'or, M. Y... fait grief à chacune des défenderesses d'avoir agi avec légèreté en effectuant des opérations bancaires au profit de la société 4XP, sans vérifications particulières, et soutient que toutes deux doivent l'indemniser in solidum de la perte de son épargne ; que les fautes alléguées consistent, pour chacune des défenderesses, en des manquements aux obligations de vigilance et de surveillance incombant aux établissements bancaires selon la réglementation européenne ; que le demandeur se prévaut donc de manquements similaires, bénéficiant à la même société tierce, commis à son propre détriment, et sollicite la réparation d'un même préjudice ; que ces éléments caractérisent une même situation de fait et droit, présentant un risque de solutions inconciliables si la responsabilité de la CCM était jugée séparément de celle de la Commerzbank ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer le tribunal de grande instance compétent pour connaître de l'intégralité du litige et de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la Commerzbank ;

1°) ALORS QU'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que pour que des décisions puissent être considérées comme contradictoires, il ne suffit pas qu'il existe une divergence dans la solution du litige, mais il faut encore que cette divergence s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier l'existence du risque de décisions inconciliables si lesdites demandes étaient jugées séparément, en prenant en compte tous les éléments du dossier, notamment, l'identité des fondements juridiques des actions introduites, l'identité en substance des réglementations nationales, ainsi le fait que les défendeurs ont, ou non, agi de façon indépendante ; qu'en retenant que, dès lors que l'identité de fondement juridique entre les demandes formées contre les défendeurs n'est pas requise pour caractériser la connexité au sens du règlement européen, était inopérantes les circonstances invoquées par l'exposante que les actions en responsabilité étaient de nature différente, contractuelle et délictuelle, qu'elles étaient fondées sur des lois différentes et que les défenderesses avaient agi de façon indépendante, la cour d'appel, qui devait prendre en considération ces différents éléments dans son appréciation, a violé l'article 8 paragraphe 1, du règlement (UE) n 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2°) ALORS QU'une différence de fondements juridiques entre des actions introduites contre les différents défendeurs ne fait pas, en soi, obstacle à l'application de l'article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1215/2012, pour autant toutefois qu'il était prévisible pour les défendeurs qu'ils risquaient de pouvoir être attraits dans l'État membre où au moins l'un d'entre eux à son domicile ; qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre en matière délictuelle ou quasi délictuelle devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; que lorsqu'est poursuivie la réparation d'un préjudice constitué par la perte d'un investissement auprès d'une société de courtage, le lieu où le fait dommageable s'est produit est celui où est ouvert le compte sur lequel les fonds ont été reçus et non le lieu du domicile de l'investisseur ; qu'en se fondant, pour apprécier le caractère prévisible pour l'exposante d'être attraite devant une juridiction autre que sa juridiction nationale, sur les circonstances inopérantes que les opérations litigieuses pouvaient être frauduleuses et que la société Commerzbank recevait des virements en provenance de la France d'investisseurs qui ont été abusés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles, paragraphe 2 et 8, paragraphe 1, du règlement (UE) n 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

3°) ALORS QUE les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ; qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que pour que des décisions soient considérées comme inconciliables, il faut qu'existe une divergence dans la solution du litige qui s'inscrive dans le cadre d'une même situation de fait et de droit ; que tel n'est pas le cas lorsqu'un investisseur poursuit l'indemnisation d'un préjudice constitué par la perte de fonds investis auprès d'une société de courtage et agit à cette fin, d'une part, à l'encontre de la banque française dans les livres duquel son compte est ouvert et, d'autre part, à l'encontre de l'établissement allemand teneur du compte de la société de courtage, lorsqu'il n'y a pas d'identité de fondements juridiques des actions introduites, de prévisibilité pour l'établissement allemand d'être, dans de telles circonstances, attrait devant une juridiction autre que sa juridiction nationale, d'identité en substance des réglementations nationales et que les établissements ont agi en complète indépendance ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel violé l'article 8 paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-17345
Date de la décision : 17/02/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 31 janvier 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 fév. 2021, pourvoi n°19-17345


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.17345
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