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08/04/2021 | FRANCE | N°20-14435

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 avril 2021, 20-14435


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 319 F-D

Pourvoi n° D 20-14.435

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [...], dont le siège est [

...] , a formé le pourvoi n° D 20-14.435 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 avril 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 319 F-D

Pourvoi n° D 20-14.435

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 AVRIL 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [...], dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 20-14.435 contre l'arrêt rendu le 17 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l'opposant au centre hospitalier universitaire [...], dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie [...], de la SCP Gaschignard, avocat du centre hospitalier universitaire [...], et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 janvier 2020) et les productions, en application d'un programme national portant sur le respect des dispositions réglementaires régissant la rétrocession de médicaments par les établissements de santé aux patients, le centre hospitalier universitaire [...] (le CHU) a fait l'objet, en juin 2009, sur son site de [...], d'un contrôle de facturation sur la base d'un échantillon, pour la période du 1er janvier au 30 juin 2008.

2. La caisse primaire d'assurance maladie [...] (la caisse) lui ayant notifié un indu, le 19 novembre 2010, suivi, le 30 mai 2011, d'une mise en demeure, le CHU a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors « que selon l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure adressée, en application de l'article L. 133-4 du même code, au professionnel de santé ou à l'établissement de santé par l'organisme d'assurance maladie comporte, notamment, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations formulées par le professionnel ou l'établissement à la suite de la notification de payer qui lui a été adressée initialement ; que viole ces dispositions le juge du fond qui juge irrégulière la procédure de recouvrement de l'indu engagée par l'organisme d'assurance maladie alors que précisant que les observations présentées par l'établissement de santé n'apportaient aucun élément nouveau et n'appelaient donc aucune réponse de la part de la caisse, la mise en demeure comportait les raisons du rejet de ces observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la mise en demeure litigieuse mentionnait « Vous avez formulé des observations par courrier le 2/12/2010. Après examen par l'échelon régional du service médical, je vous informe que les arguments présentés ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du service médical. En conséquence, les constats opérés et notifiés se trouvent confirmés et le règlement de la somme demandée, maintenu. », faisant ainsi apparaître que la mise en demeure comportait les raisons du rejet de ces observations ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de recouvrement de l'indu engagée par l'organisme d'assurance maladie était irrégulière car « les termes sus rappelés (qui) ne sauraient s'assimiler à des motifs », la cour d'appel a violé les articles L.133-4 et R.133-9-1 du code de la sécurité sociale ».

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-988 du 20 août 2009, applicable au litige :

4. Il résulte de ce texte que le professionnel ou l'établissement de santé peut, dans le mois suivant la notification de payer prévue à l'article L. 133-4 du même code, présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie. En cas de désaccord avec les observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme lui adresse, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la mise en demeure prévue au même texte. Cette dernière comporte, notamment, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.

5. Pour annuler la mise en demeure litigieuse et la procédure de recouvrement subséquente, puis ordonner à la caisse de rembourser au CHU les sommes versées au titre de l'indu annulé, l'arrêt retient que la mise en demeure mentionne : Vous avez formulé des observations par courrier le 2/12/2010. Après examen par l'échelon régional du service médical, je vous informe que les arguments présentés ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du service médical. En conséquence, les constats opérés et notifiés se trouvent confirmés et le règlement de la somme demandée, maintenu." L'arrêt énonce que le directeur du CHU a mentionné, dans son courrier du 2 décembre 2010, qu'il avait communiqué au service médical le 14 juin 2010 un tableau récapitulatif et deux annexes relevant les indus qu'il admettait et ceux qu'il contestait, et qu'il a communiqué à nouveau en pièce jointe à son courrier ses argumentaires et justificatifs sur lesquels la caisse ne s'est pas prononcée, sauf dans les termes sus-rappelés qui ne sauraient s'assimiler à des motifs.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la mise en demeure comportait le motif ayant conduit la caisse à rejeter les observations présentées, ce dont il résultait qu'elle satisfaisait aux exigences du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne le centre hospitalier universitaire [...] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie [...]

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la mise en demeure notifiée le 30 mai 2011, reçue le 6 juin 2011 et la procédure de recouvrement subséquente, ordonné à la Caisse primaire d'assurance maladie [...] de rembourser au Centre Hospitalier régional et Universitaire [...] les sommes versées en considération de cet indu annulé (41 617,27 euros), débouté la Caisse primaire d'assurance maladie [...] de l'ensemble de ses demandes et de l'avoir condamnée à payer au Centre Hospitalier régional et Universitaire [...] la somme de 2 000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des éventuels dépens de l'instance ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'irrégularité de la procédure de recouvrement
- Sur la nullité de la mise en demeure par suite de l'absence de réponse à observations :
Le Centre excipe de la nullité de la mise en demeure au motif que celle-ci ne comporte pas le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées. La mise en demeure mentionnait « Vous avez formulé des observations par courrier le 2/12/2010. Après examen par l'échelon Régional du Service Médical, je vous informe que les arguments présentés ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du Service Médical. En conséquence, les constats opérés et notifiés se trouvent confirmés et le règlement de la somme demandée, maintenu. »
Si la Cour de cassation a pu estimer dans un premier temps que ce genre de réponse constituait une motivation suffisante (Civ. 2ème 16 décembre 2011, n°10-27.841) elle est revenue sur sa doctrine pour considérer qu'une réponse libellée ainsi « les observations présentées le 19 avril 2007 n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de modifier la notification qui vous a été adressée » ne parvenait pas à établir que la caisse avait répondu aux observations de l'établissement de santé (Civ. 2 17 septembre 2015, n°14-23.275 et 12 octobre 2017 n°16.21.761 cassant la présente cour).
En l'espèce, le directeur du Centre avait mentionné dans son courrier du 2 décembre 2010 qu'il avait communiqué au Service Médical le 14 juin 2010 un tableau récapitulatif et deux annexes relevant les indus qu'il admettait et ceux qu'il contestait, il communiquait à nouveau en pièce jointe à son courrier ses argumentaires et justificatifs sur lesquels la Caisse ne s'est pas prononcée sauf dans les termes sus rappelés qui ne sauraient s'assimiler à des motifs.
Il convient pour ce motif d'annuler la mise en demeure contestée et de débouter la Caisse primaire d'assurance maladie [...] de l'ensemble de ses demandes.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de condamner la Caisse primaire d'assurance maladie [...] à payer au Centre Hospitalier régional et Universitaire [...] la somme de 2 000,00 euros à ce titre.
La Caisse primaire d'assurance maladie [...] supportera les dépens de l'instance, étant précisé que l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours. »

ALORS DE PREMIÈRE PART QUE selon l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure adressée, en application de l'article L. 133-4 du même code, au professionnel de santé ou à l'établissement de santé par l'organisme d'assurance maladie comporte, notamment, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations formulées par le professionnel ou l'établissement à la suite de la notification de payer qui lui a été adressée initialement ; que viole ces dispositions le juge du fond qui juge irrégulière la procédure de recouvrement de l'indu engagée par l'organisme d'assurance maladie alors que précisant que les observations présentées par l'établissement de santé n'apportaient aucun élément nouveau et n'appelaient donc aucune réponse de la part de la caisse, la mise en demeure comportait les raisons du rejet de ces observations ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la mise en demeure litigieuse mentionnait « Vous avez formulé des observations par courrier le 2/12/2010. Après examen par l'échelon Régional du Service Médical, je vous informe que les arguments présentés ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions du Service Médical. En conséquence, les constats opérés et notifiés se trouvent confirmés et le règlement de la somme demandée, maintenu. », faisant ainsi apparaître que la mise en demeure comportait les raisons du rejet de ces observations ; qu'en décidant néanmoins que la procédure de recouvrement de l'indu engagée par l'organisme d'assurance maladie était irrégulière car « les termes sus rappelés (qui) ne sauraient s'assimiler à des motifs », la cour d'appel a violé les articles L.133-4 et R.133-9-1 du Code de la Sécurité Sociale ;

ALORS DE DEUXIÈME PART QUE la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ; que l'article 11 du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 a abrogé, à compter du 1er janvier 2019, les dispositions de l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale selon lesquelles, en matière de sécurité sociale, « La procédure est gratuite et sans frais. L'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L.241-3 il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision » ; qu'aussi en condamnant la CPAM [...] aux dépens d'un appel formé le 26 mai 2016 par le CHU [...], la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble l'article 11 du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 ;

ALORS DE TROISIEME ET DERNIÈRE PART QUE l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale en vigueur pour les appels formés avant le 1er janvier 2019, prévoyait que, « La procédure est gratuite et sans frais. L'appelant qui succombe est condamné au paiement d'un droit qui ne peut excéder le dixième du montant mensuel du plafond prévu à l'article L.241-3, il peut toutefois être dispensé du paiement de ce droit par une mention expresse figurant dans la décision » ; qu'aussi en condamnant la CPAM [...], intimée, aux dépens d'un appel formé le 26 mai 2016 par le CHU [...], la cour d'appel a violé l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-14435
Date de la décision : 08/04/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 avr. 2021, pourvoi n°20-14435


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14435
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