LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juillet 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 729 F-D
Pourvoi n° U 20-15.599
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
1°/ M. [B] [U], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances,
2°/ la société Taxicap, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° U 20-15.599 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Castel taxis, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 6], également [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, la société Taxicap, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et la société Mutuelle des transports assurances, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Generali IARD et la société Castel taxis, après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mars 2020), le 27 janvier 2011, la motocyclette que M. [L] conduisait est entrée en collision avec deux taxis, l'un, en circulation, appartenant à la société Castel taxis, assuré auprès de la société Generali IARD, l'autre, à l'arrêt à une station, appartenant à la société Taxicap, assuré auprès de la société Mutuelle des transports assurances (la MTA).
2. M. [L] a assigné la société Castel taxis et son assureur, la société Generali IARD, en réparation de ses préjudices. La société Castel taxis et la société Generali IARD ont assigné la société Taxicap en intervention forcée. La MTA ayant été placée en liquidation judiciaire le 1er décembre 2016, M. [U], en qualité de mandataire liquidateur de celle-ci, est intervenu volontairement à l'instance, tout comme le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO).
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La MTA, M. [U], es qualités, la société Taxicap et le FGAO font grief à l'arrêt de dire que le véhicule appartenant à la société Taxicap et assuré auprès de la MTA est impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 dans la survenance de l'accident complexe de la circulation du 27 janvier 2011 dont M. [L] a été victime, de condamner la société Taxicap à payer à la société Castel taxis et à la société Generali IARD la moitié des condamnations qui ont été prononcées à leur encontre, de fixer les créances de la société Castel taxis et de la société Generali IARD au passif de la liquidation de la MTA aux mêmes montants et de déclarer l'arrêt opposable au FGAO et commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Maine-et-Loire, alors « que la seule présence d'un véhicule terrestre à moteur en stationnement régulier sur les lieux d'un accident de la circulation, fût-il complexe, ne suffit pas à caractériser son implication au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; que ce véhicule en stationnement n'est impliqué dans cet accident que s'il a été heurté par la victime ; qu'en l'espèce, pour juger que le véhicule de la société Taxicap était impliqué dans l'accident dont a été victime M. [L], la cour d'appel a énoncé que s'agissant d'un accident complexe, il était indifférent que la victime soit ou ne soit pas entrée en contact avec le véhicule en stationnement de la société Taxicap et que le dommage corporel de la victime soit ou non imputable à la collision entre sa moto et ce véhicule ; qu'en statuant ainsi, tandis que M. [L] avait été éjecté de sa moto sous la violence du choc avec le taxi de la société Castel taxis, sa moto étant ensuite venue s'encastrer dans la portière du taxi de la société Taxicap en stationnement, ce dont il résultait que le véhicule de la société Taxicap, qui n'a pas été heurté par M. [L], n'était pas intervenu dans le processus accidentel qui lui a causé des blessures et n'était donc pas impliqué dans l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
4. L'arrêt énonce exactement que, dans un accident complexe, tous les véhicules sont impliqués quel que soit le stade auquel ils sont intervenus et la victime est en droit de demander l'indemnisation de son préjudice au conducteur de l'un des véhicules impliqués dans cet accident même s'il n'a joué aucun rôle dans la séquence de l'accident subi par la victime, et même si celle-ci n'a pas été en contact avec ce véhicule.
5. L'arrêt retient qu'il est établi que, dans la suite immédiate de la collision entre la motocyclette et le taxi de la société Castel taxis, le deux-roues est venu percuter le taxi de la société Taxicap en stationnement et que ces faits témoignent d'un enchaînement continu de collisions survenues dans une même unité de temps et de lieu, caractérisant un unique accident de la circulation. L'arrêt ajoute qu'il est indifférent que M. [L] soit ou non entré en contact avec le véhicule en stationnement, l'imputation du dommage corporel de la victime à l'une des collisions successives de cet accident complexe étant indifférente et le véhicule en stationnement de la société Taxicap étant impliqué dans l'accident au sens du texte précité, quel que soit le rapport de causalité reliant les véhicules impliqués au dommage subi par la victime.
6. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que ce véhicule était impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 dans l'accident.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances et la société Taxicap aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, la société Taxicap et le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et condamne la société Taxicap et M. [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, à payer à la société Generali IARD et à la société Castel taxis la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mutuelle des transports assurances, la société Taxicap, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) et la société Mutuelle des transports assurances (MAT)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le véhicule appartenant à la société Taxicap et assuré auprès de la Mutuelle des Transports Assurances (MTA) est impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 dans la survenance de l'accident complexe de la circulation du 27 janvier 2011 dont M. [D] [L] a été victime, d'avoir condamné la société Taxicap à payer à la société Castel Taxi et la société Generali Iard la moitié des condamnations qui ont été prononcées à leur encontre, soit la somme totale de 163.241,80 euros se décomposant comme suit : au principal : 160.902,42 euros, - au titre des frais irrépétibles de première instance : 1.500 euros, - au titre des dépens de première instance : 839,38 euros, d'avoir fixé les créances de la société Castel Taxi et la société Generali Iard au passif de la liquidation de la Mutuelle des Transports Assurances (MTA) aux mêmes montants et d'avoir déclaré le présent arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et commun à la CPAM du Maine et Loire ;
AUX MOTIFS QUE l'implication du taxi de la société Castel taxi et la limitation du droit à indemnisation de M. [L] de moitié, comme la liquidation de son préjudice, ne sont pas contestés ; que le point de litige essentiel concerne l'implication, dans l'accident dont a été victime le motocycliste, du véhicule de la société Taxicap assuré auprès de la société Generali [il faut lire : la Mutuelle des transports assurances (MTA)] qui était stationné et, par voie de conséquence, la contribution des deux sociétés de taxi à la dette par moitié 1 - sur l'implication dans l'accident du véhicule stationné de la société Taxicap assuré auprès de la société Generali iart [il faut lire : la Mutuelle des transports assurances (MTA)] : que le tribunal a considéré que le droit à indemnisation de M. [L] était réduit de moitié en raison de sa faute, ce dernier n'ayant pas respecté la priorité de passage du véhicule de la société Castel taxi qui venait sur sa droite, dont l'implication dans l'accident n'est pas contestée ; que s'agissant de l'implication du taxi de la société Taxicap, à l'arrêt à la station de taxis de la rue du 4 septembre lorsque la motocyclette conduite par M. [L] est venue s'encastrer dans sa portière, il a considéré que, le conducteur ayant été éjecté au préalable, ce second véhicule taxi n'avait joué aucun rôle dans le dommage corporel de la victime et qu'il n'était donc pas impliqué au sens de la loi du 5 juillet 1985?.. 1.1. - En droit, l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose : Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques ; qu'au sens de ce texte, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation, y compris passif, à quelque titre que ce soit, et même en l'absence de tout contact avec la victime ; que par ailleurs, dans un accident complexe, tous les véhicules sont impliqués à quelque stade qu'ils soient intervenus dans l'accident et la victime est en droit de demander l'indemnisation de son préjudice au conducteur de l'un des véhicules impliqués dans cet accident même s'il n'a joué aucun rôle dans la séquence de l'accident subi par la victime, et notamment même si la victime n'a pas été en contact avec ce véhicule ; que des collisions intervenues dans le même laps de temps et dans un enchaînement continu constituent un accident unique ; 1.2. En fait, après avoir très brièvement recueilli les déclarations des conducteurs des trois véhicules, les enquêteurs ont synthétisé les circonstances de l'accident de la façon succincte suivante : « La moto circulait place de l'Opéra à [Localité 1] en direction de la rue du Quatre Septembre, lorsqu'elle a franchi le cédez le passage à l'angle de la [Localité 2] de l'Opéra et de l'avenue de l'Opéra et a été percutée par un taxi. La moto a alors percuté un autre taxi. A notre arrivée, l'arrière de la moto est enfoncé dans la portière avant gauche d'un taxi » ; qu'il est établi que dans la suite immédiate de la collision entre la motocyclette et le taxi de la société Castel taxi, le deux-roues est venu percuter le taxi de la société Taxicap en stationnement ; que ces faits témoignent d'un enchaînement continu de collisions survenues dans une même unité de temps et de lieu, caractérisant un unique accident de la circulation ; que dès lors, il est indifférent que M. [L] soit ou ne soit pas entré en contact avec le véhicule en stationnement, l'imputation du dommage corporel de la victime à l'une des collisions successives de cet accident complexe étant indifférente et le véhicule en stationnement de la société Taxicap étant impliqué dans l'accident au sens du texte précité, quel que soit le rapport de causalité reliant les véhicules impliqués au dommage subi par la victime ; qu'en conséquence, la cour retient que le véhicule appartenant à la société Taxicap et assuré auprès de la société MTA est impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 dans la survenance de l'accident complexe de la circulation du 27 janvier 2011, dont M. [D] [L] a été victime, en infirmation du jugement (arrêt pages 6 et 7) ;
ALORS QUE la seule présence d'un véhicule terrestre à moteur en stationnement régulier sur les lieux d'un accident de la circulation, fût-il complexe, ne suffit pas à caractériser son implication au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ; que ce véhicule en stationnement n'est impliqué dans cet accident que s'il a été heurté par la victime ; qu'en l'espèce, pour juger que le véhicule de la société Taxicap était impliqué dans l'accident dont a été victime M. [L], la cour a énoncé que s'agissant d'un accident complexe, il était indifférent que la victime soit ou ne soit pas entrée en contact avec le véhicule en stationnement de la société Taxicap et que le dommage corporel de la victime soit ou non imputable à la collision entre sa moto et ce véhicule ; qu'en statuant ainsi, tandis que M. [L] avait été éjecté de sa moto sous la violence du choc avec le taxi de la société Castel Taxis, sa moto étant ensuite venue s'encastrer dans la portière du taxi de la société Taxicap en stationnement, ce dont il résultait que le véhicule de la société Taxicap, qui n'a pas été heurté par M. [L], n'était pas intervenu dans le processus accidentel qui lui a causé des blessures et n'était donc pas impliqué dans l'accident, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985.