LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 septembre 2021
Rejet
Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 524 F-D
Pourvoi n° P 19-22.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 SEPTEMBRE 2021
1°/ M. [M] [K],
2°/ Mme [L] [F], épouse [K],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° P 19-22.789 contre l'arrêt rendu le 6 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 9), dans le litige les opposant :
1°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Laser, venant elle-même aux droits de la société Laser Cofinoga, laquelle venait aux droits de la société Sygma banque,
2°/ à la société [S], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de mandataire liquidateur de la Compagnie énergie solaire,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de M. [K], de Mme [F], de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er juin 2021 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Girardet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 juin 2019), le 19 juillet 2013, à la suite d'un démarchage à domicile, M. [K] et Mme [F] (les emprunteurs) ont acquis de la société Compagnie d'énergie solaire (le vendeur) une installation photovoltaïque, financée par un crédit souscrit auprès de la société Sygma banque, aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance (la banque). Le 6 août 2013, après la pose des panneaux solaires, M. [K] a signé un certificat de livraison au vu duquel les fonds ont été débloqués par la banque.
2. Invoquant l'existence d'irrégularités affectant le bon de commande et d'une faute de la banque dans la libération des fonds, les emprunteurs ont assigné M. [S] en qualité de liquidateur judiciaire du vendeur et la banque, en annulation des contrats de vente et de crédit affecté.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen pris, en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir la banque privée de la restitution du capital emprunté et de les condamner à payer la somme de 28 183,28 euros avec intérêts au taux légal, alors « que la banque ne peut obtenir de l'emprunteur la restitution des sommes prêtées lorsqu'elle a débloqué le montant du prêt affecté sans s'être assurée que l'attestation de livraison permettait d'établir l'exécution complète de ses obligations par le vendeur, prestataire de service ; que le certificat de livraison préimprimé se bornait à mentionner que la livraison du bien et/ou la fourniture de prestation de service au client emprunteur a été réalisée (ont été réalisées) ; qu'en estimant que la banque avait pu délivrer le montant du prêt entre les mains du fournisseur sans faute de sa part, au vu de cette attestation de livraison, la cour d'appel a violé l'article L. 311-31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
5. Si c'est à tort que la cour d'appel a écarté l'existence d'une faute de la banque en débloquant les fonds au vu d'une attestation de livraison incomplète, une cassation n'est toutefois pas encourue, dès lors qu'après avoir écarté la demande d'annulation du contrat principal, elle a constaté que les emprunteurs ne justifiaient pas d'un préjudice qui résulterait de la faute de la banque et a donc pu en déduire qu'ils devaient être condamnés au paiement du crédit alloué.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [K] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [K]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme [K] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat principal de vente et de prestation de services et par voie de conséquence celle du contrat de crédit affecté ;
AUX MOTIFS QUE Sur les contrats de prestation de services et de crédit affecté
1- qu'au soutien de sa demande visant, dans un premier temps, à infirmer le jugement qui a prononcé la nullité du contrat principal, la société Bnp Paribas Personal Finance invoque la production aux débats d'un bon de commande incomplet et illisible, qui empêcherait M. [K] et Mme [F] de rapporter la preuve des irrégularités qui emporteraient la nullité du contrat, et qui révélerait leur volonté de fausser les débats et donc leur mauvaise foi ;
qu'en application de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat : « les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1) nom du fournisseur et du démarcheur
2) adresse du fournisseur
3) adresse du lieu de conclusion du contrat
4) désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des prestations de services proposés
5) conditions d'exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d'exécution de la prestation de service
6) prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l'intérêt et le taux effectif global de l'intérêt déterminé dans les conditions prévues à l'article L. 313-1
7) faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 » ;
que ces dispositions sont liées à l'obligation générale d'information prévue à l'article L.111-1 du code de la consommation ;
qu'en l'espèce, le bon de commande produit aux débats est une copie en grande partie illisible et raturée, mais qui permet tout de même de constater que figurent sur le document les éléments essentiels relatifs aux contrats, que celui-ci est assorti d'un bordereau de rétractation et que les prescriptions de l'article L. 121-23 sont énoncées ;
qu'il convient en outre de relever que le bon de commande comporte, au-dessus de la signature de M. [K] la mention suivante : « je reconnais avoir pris connaissance de la liste des tarifs CES et des conditions générales de vente figurant au dos du bon de commande et notamment des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation relative au démarchage à domicile et déclare en accepter les termes et conditions », la suite de la phrase étant illisible ;
que c'est donc à tort que le juge de première instance a estimé que le bon de commande devait être annulé et conséquemment le contrat relatif à l'installation ;
2- qu'aux termes de l'article L. 311-32 du code de la consommation, « le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé » ;
qu'a contrario, le contrat principal étant maintenu, le contrat de crédit, de ce chef, l'est aussi ;
1°) ALORS QUE les opérations visées à l'article L. 121-21 ancien du code de la consommation doivent faire l'objet d'un contrat comportant, à peine de nullité, notamment le nom du fournisseur et du démarcheur ; que le bon de commande signé par M. [K] ne comporte pas le nom du démarcheur comme l'avait constaté le jugement entrepris pour en prononcer la nullité ; qu'en déboutant néanmoins M. et Mme [K] de leur demande de nullité du contrat principal et par voie de conséquence du contrat de crédit affecté, au motif inopérant que le bon de commande contient les éléments essentiels relatifs au contrat, la cour d'appel a violé les articles L. 121-21, L. 121-23, L. 111-1 et L. 311-32 anciens du code de la consommation ;
2°) ALORS QUE la partie qui, sans énoncer de nouveau moyen, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; que M. et Mme [K] sollicitaient la confirmation du jugement en ce qu'il avait prononcé la nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté, aux motifs que le premier ne comportait pas le nom du démarcheur ; qu'en infirmant le jugement de ce chef sans en réfuter les motifs, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 al. dernier du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE les opérations visées à l'article L. 121-21 ancien du code de la consommation doivent faire l'objet d'un contrat mentionnant notamment, à peine de nullité, les caractéristiques essentielles des biens offerts ou des prestations de services proposés et les conditions d'exécution du contrat ; que le bon de commande signé par M. [K] n'indique ni les caractéristiques ni la marque ni le prix unitaire des éléments, ne comporte aucune ventilation entre le prix des éléments et le montant de la prestation de service et n'indique nullement les conditions d'exécution du contrat ; qu'en déboutant M. et Mme [K] de leur demande de nullité du contrat principal et par voie de conséquence du crédit affecté, aux motifs que le bon de commande contient les éléments essentiels relatifs aux contrats, la cour d'appel a violé les articles L. 121-21, L. 121-23, L. 111-1 et L. 311-32 anciens du code de la consommation.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. et Mme [K] de leur demande tendant à voir la banque privée de la restitution des sommes prêtées et de les AVOIR en conséquence condamnés à payer à la société Bnp Paribas Personal Finance la somme de 28 183,28 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;
AUX MOTIFS QUE M. [K] et Mme [F] se réfèrent, sans plus de développement, aux fautes et violations des dispositions d'ordre public qui ont été révélées par le tribunal à l'encontre de la société Sygma Banque, mais celles-ci n'ont été examinées que dans le cadre des conséquences de l'annulation du contrat principal ;
qu'au regard de l'interdépendance des contrats qui participent d'une même opération économique, la banque a une obligation de vérifier la régularité formelle du contrat financé, mais le législateur n'a pas instauré une responsabilité de plein droit de la banque en raison des manquements de son partenaire commercial en charge de préparer le contrat de crédit ; que la responsabilité du banquier suppose l'existence d'une violation manifeste et caractérisée de la réglementation instaurée pour protéger le consommateur, et la démonstration d'un préjudice en lien avec ce manquement ;
que cependant, la preuve de ce préjudice en lien avec celle d'une violation caractérisée de la réglementation ne sont pas rapportées, dans le mesure où la société Sygma Banque n'avait pas à vérifier la réalité des déclarations de M. [K], ni à s'assurer personnellement de la conformité des livraisons, étant constaté de surcroît qu'il n'est pas contesté que le raccordement faisait partie des obligations de la société Compagnie d'Energie Solaire ;
qu'ainsi, la société Sygma Banque ne pouvait-elle pas refuser de débloquer le prêt et s'opposer aux instructions formelles données par M. [K] et Mme [F] pour y procéder, ces derniers étant libres de se prévaloir ou non des nullités édictées en leur faveur ;
que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté et déclaré la société Bnp Paribas Personal Finance déchue de son droit à restitution du capital prêté ;
que la société Bnp Paribas Personal Finance indique que le premier incident de paiement se situe en octobre 2014 et que la déchéance du terme était prononcée le 14 avril 2015 ;
qu'elle soutient qu'en cessant de régler les échéances échues de leur crédit, M. [K] et Mme [F] ont commis une faute de nature à entraîner la résolution judiciaire du contrat ;
que l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au contrat, dispose que : « la condition résolutoire est toujours sous -entendue dans les contrats synallagmatiques en cas de non-respect des obligations par l'une des parties » ;
que la résolution du contrat ne peut être prononcée qu'après la constatation d'une inexécution grave portant sur une obligation principale et déterminante pour la bonne exécution du contrat ;
que tel est bien le cas en l'espèce par l'absence de paiement des échéances du crédit ;
qu'il convient donc de prononcer, au titre de l'appel incident, la résolution du contrat de crédit ;
que l'intimée demande le paiement de la somme de 28 183,28 €, comprenant notamment la somme de 1 963,32 € au titre de l'indemnité légale de 8 % :
qu'il résulte des dispositions de l'article 1152 ancien du code civil que le juge n'a pas à motiver spécialement sa décision lorsque, faisant application pure et simple de la convention, il refuse de modifier le montant de la peine qui y est forfaitairement prévue ;
qu'en l'espèce, le montant de l'indemnité prévue dans la clause pénale n'apparaît d'ailleurs pas excessif et il n'y a donc pas lieu de la réduire, de sorte que la créance de la société Bnp Paribas Personal Finance envers M. [K] et Mme [F] sera ramenée maintenue à 28 182,28 € :
1°) ALORS QUE commet une faute la privant de son droit à restitution des sommes prêtées la banque qui délivre le montant d'un prêt affecté en dépit de la nullité du contrat principal dont elle aurait dû se convaincre ; qu'il en résulte que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a déclaré valable le contrat principal entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt qui a condamné M. et Mme [K] à payer diverses sommes à la banque en exécution du contrat de crédit, ce en application des articles 624 du code de procédure civile, ensemble des articles 1147 du code civil, L. 311-9 du code de la consommation et L. 311-31 du même code dans leur rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS QUE la banque ne peut obtenir de l'emprunteur la restitution des sommes prêtées lorsqu'elle a débloqué le montant du prêt affecté sans s'être assurée que l'attestation de livraison permettait d'établir l'exécution complète de ses obligations par le vendeur, prestataire de service ; que le certificat de livraison préimprimé se bornait à mentionner que la livraison du bien et/ou la fourniture de prestation de service au client emprunteur a été réalisée (ont été réalisées) ; qu'en estimant que la banque avait pu délivrer le montant du prêt entre les mains du fournisseur sans faute de sa part, au vu de cette attestation de livraison, la cour d'appel a violé l'article L. 311- 31 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige.