LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 septembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 670 FS-D
Pourvoi n° M 20-10.026
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2021
La société Kamelia, société à responsabilité limitée, dont le siège est c/o Centraline, [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 20-10.026 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société Pardes Patrimoine, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Kamelia, de Me Balat, avocat de la société Pardes Patrimoine, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Barbieri, Jessel, David, Jobert, conseillers, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2019), le 28 juin 2013, la société Pardes Patrimoine a notifié à la société Kamelia, bénéficiaire d'un bail commercial dont le terme était fixé le 30 septembre 2013, un congé à effet du 31 décembre 2013 avec offre d'une indemnité d'éviction.
2. Le 11 mai 2016, elle a assigné la société Kamelia aux fins de voir constater l'acquisition de la prescription biennale et de voir ordonner son expulsion. La locataire a soutenu que la prescription biennale n'était pas acquise et a demandé le paiement d'une indemnité d'éviction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Kamelia fait grief à l'arrêt d'ordonner son expulsion, alors :
« 1°/ que selon l'alinéa 1er de l'article L. 145-9 du code de commerce, le bailleur peut donner congé jusqu'à six mois avant la date d'échéance contractuelle du bail pour faire cesser celui-ci à cette dernière date ; que selon l'alinéa 2 du même article, à défaut d'un tel congé ou d'une demande de renouvellement, le bail se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par les parties, et le bailleur ne retrouve la possibilité de donner congé qu'au cours de la tacite reconduction, ce congé devant alors être donné « au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil » ; qu'il résulte de la lecture combinée des deux premiers alinéas de l'article L. 145-9 du code de commerce que le bailleur peut uniquement donner congé, soit jusqu'à six mois avant la date d'échéance contractuelle du bail, soit, à défaut, au cours de la tacite prolongation du bail, mais n'a, en revanche, aucune possibilité de donner congé au cours de la période de six mois précédant la date d'échéance contractuelle du bail ; qu'en retenant, au contraire, « qu'aucun texte n'interdit au bailleur de délivrer congé pendant les six derniers mois du bail, si bien que dans cette hypothèse, puisqu'il est impossible au bailleur de respecter un délai de six mois avant le terme du bail, le congé ne peut être délivré qu'avec une date d'effet au cours de la tacite prolongation du bail et dans ce cas faute de date contractuellement fixée ce ne peut être que pour le dernier jour du trimestre civil, suivant l'expiration du délai de six mois », pour en déduire que le congé délivré par la société Pardes Patrimoine le 28 juin 2013, soit moins de six mois avant l'échéance contractuelle du 30 septembre 2013, aurait été valablement donné pour le 31 décembre 2013 et qu'en conséquence, le délai de deux ans pour agir en contestation du congé aurait pris fin le 31 décembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 145-60 du même code ;
2°/ subsidiairement qu'à défaut de congé donné par le bailleur au moins six mois avant le terme du bail commercial ou de demande de renouvellement faite par le locataire au cours de la période de six mois précédant le terme du bail, celui-ci se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par les parties ; qu'au cours de la tacite reconduction, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil ; que par suite, un congé qui serait donné moins de six mois avant la date de l'échéance ne peut, en toute hypothèse, faire obstacle à la tacite prolongation du bail et ne peut produire ses effets qu'à la première date utile pour laquelle le congé pourra être donné du bail reconduit par tacite prolongation ; qu'en retenant que le congé délivré par la société Pardes Patrimoine le 28 juin 2013, soit moins de six mois avant le terme du bail fixé au 30 septembre 2013, aurait été régulièrement donné pour le 31 décembre 2013, sans qu'il y ait lieu « d'en différer les effets au 30 juin 2014 », pour en déduire le délai de deux ans pour agir en contestation du congé aurait pris fin le 31 décembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 145-60 du même code. »
Réponse de la Cour
4. A défaut d'une demande ou d'une défense pouvant s'analyser comme une contestation, dans le délai de deux années suivant la date, fût-elle erronée, pour laquelle il est délivré, le congé produit ses effets à la date indiquée.
5. Ayant constaté que le congé avait été délivré pour le 31 décembre 2013 et que la locataire, qui n'avait pas introduit une contestation dans le délai pour agir expiré le 31 décembre 2015, était irrecevable à demander une indemnité d'éviction, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Kamelia aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Kamelia
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que par l'effet de la prescription de deux ans, la société Kamelia est déchue de son droit à demander une indemnité d'éviction qui sera déclarée irrecevable, d'avoir, en conséquence, constaté que la société Kamelia est occupante sans droit ni titre, dit qu'il pourra être procédé à l'expulsion de la société Kamelia et de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 1] en cas de non restitution volontaire des lieux deux mois après un commandement de quitter les lieux avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, dit que le sort des meubles sera réglé selon les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et condamné la société Kamelia à payer à la SCI Pardes Patrimoine une indemnité d'occupation de droit commun égale au montant du loyer contractuel depuis le 30 septembre 2013 et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article L145-9 du code de commerce, dans sa version modifiée par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012, applicable au litige, dispose que :
"Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
[...]
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné" ;
qu'il en résulte, qu'en application de l'article L145-9 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, le congé délivré par le bailleur doit toujours être donné au moins six mois à l'avance, soit pour la date de la fin contractuelle du bail et dans ce cas en respectant un délai de six mois avant cette date ; soit pour une date au-delà du terme contractuel convenu, et dans ce cas au moins six mois à l'avance pour le dernier jour du trimestre civil ; qu'aucun texte n'interdit au bailleur de délivrer congé pendant les six derniers mois du bail, si bien que dans cette hypothèse, puisqu'il est impossible au bailleur de respecter un délai de six mois avant le terme du bail, le congé ne peut être délivré qu'avec une date d'effet au cours de la tacite prolongation du bail et dans ce cas faute de date contractuellement fixée ce ne peut être que pour le dernier jour du trimestre civil, suivant l'expiration du délai de six mois ; qu'en l'espèce, le bail liant les parties consenti pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2004, prenait fin le 30 septembre 2013 ; que le congé n'ayant pas été délivré six mois avant le 30 septembre 2013, mais le 28 juin 2013, il ne pouvait être délivré en respectant un délai de six mois que pour le dernier jour du trimestre civil, suivant l'expiration de ce délai, soit pour le 31 décembre 2013 ; que congé dont s'agit a donc été régulièrement donné pour le 31 décembre 2013 et il n'y a pas lieu d'en différer les effets au 30 juin 2014 ; que délai pour agir en contestation du congé en application de l'article L145-60 du code de commerce a pris fin le 31 décembre 2015 ; que la société locataire n'ayant pas introduit dans ce délai d'action pour contester ce congé, c'est à juste titre que le premier juge a constaté que par l'effet de la prescription de deux ans, la société KAMELIA était déchue du droit à demander une indemnité d'éviction qui sera déclarée irrecevable et ordonné son expulsion » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il convient de rappeler que par acte sous seing privé non daté, la SCI [Localité 1] aux droits de laquelle vient la SCI Pardes Patrimoine a donné à bail à la société Eurodistribution aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés Echo Store et Kamelia, des locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] pour une durée de 9 ans à compter du 1er octobre 2004, moyennant un loyer de 54 900 euros par an en principal, à destination de tous commerces, notamment de montre, brique, gadget, à l'exclusion de toutes activités de restauration, traiteur, plats à emporter, activités réglementées ou illicites, acticités de sex-shop, peep show, activités pornographiques ou portant atteinte aux bonnes moeurs ; que par acte d'huissier du 28 juin 2013, la SCI Pardes Patrimoine a fait délivrer à la société Kamelia un congé avec refus de renouvellement du bail et paiement d'une indemnité d'éviction pour le 31 décembre 2013 ; que la société Kamelia soutient que le bail s'étant prolongé au-delà du 30 septembre 2013, le congé ne pouvait être délivré avant le 1er octobre 2013 conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 145-9 du code de commerce ; qu'ainsi, elle allègue que tout congé délivré à compter du 1er octobre 2013 produit effet au 30 juin 2014 compte tenu du délai de préavis de 6 mois pour le dernier jour du trimestre civil ; que la société Kamelia ne peut se prévaloir de l'alinéa 2 de l'article L. 145-9 du code de commerce précisant que :
" A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil" ;
qu'en effet, en l'espèce le congé a été délivré pendant la période contractuelle et non pendant une période de tacite prolongation ; qu'en conséquence, il convient de constater que la SCI Pardes Patrimoine a valablement donné congé en période contractuelle, moins de six mois avant l'échéance du bail, soit le 28 juin 2013 pour le dernier jour du trimestre civil, soit pour le 31 décembre 2013 de sorte qu'elle a respecté le délai de préavis de 6 mois précisé à l'article L. 145-9 du code de commerce ; que la société Kamelia n'a pas agi dans le délai de deux ans prévu au dernier alinéa de l'article L. 145-9 du code de commerce et rappelé aux termes du congé pour le contester ou solliciter une indemnité d'éviction de sorte que la prescription biennale est acquise et que la demande de paiement de l'indemnité d'éviction sera déclarée irrecevable » ;
1°) ALORS QUE selon l'alinéa 1er de l'article L. 145-9 du code de commerce, le bailleur peut donner congé jusqu'à six mois avant la date d'échéance contractuelle du bail pour faire cesser celui-ci à cette dernière date ; que selon l'alinéa 2 du même article, à défaut d'un tel congé ou d'une demande de renouvellement, le bail se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par les parties, et le bailleur ne retrouve la possibilité de donner congé qu'au cours de la tacite reconduction, ce congé devant alors être donné « au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil » ; qu'il résulte de la lecture combinée des deux premiers alinéas de l'article L 145-9 du code de commerce que le bailleur peut uniquement donner congé, soit jusqu'à six mois avant la date d'échéance contractuelle du bail, soit, à défaut, au cours de la tacite prolongation du bail, mais n'a, en revanche, aucune possibilité de donner congé au cours de la période de six mois précédant la date d'échéance contractuelle du bail ; qu'en retenant, au contraire, « qu'aucun texte n'interdit au bailleur de délivrer congé pendant les six derniers mois du bail, si bien que dans cette hypothèse, puisqu'il est impossible au bailleur de respecter un délai de six mois avant le terme du bail, le congé ne peut être délivré qu'avec une date d'effet au cours de la tacite prolongation du bail et dans ce cas faute de date contractuellement fixée ce ne peut être que pour le dernier jour du trimestre civil, suivant l'expiration du délai de six mois », pour en déduire que le congé délivré par la société Pardes Patrimoine le 28 juin 2013, soit moins de six mois avant l'échéance contractuelle du 30 septembre 2013, aurait été valablement donné pour le 31 décembre 2013 et qu'en conséquence, le délai de deux ans pour agir en contestation du congé aurait pris fin le 31 décembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 145-60 du même code ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'à défaut de congé donné par le bailleur au moins six mois avant le terme du bail commercial ou de demande de renouvellement faite par le locataire au cours de la période de six mois précédant le terme du bail, celui-ci se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par les parties ; qu'au cours de la tacite reconduction, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil ; que par suite, un congé qui serait donné moins de six mois avant la date de l'échéance ne peut, en toute hypothèse, faire obstacle à la tacite prolongation du bail et ne peut produire ses effets qu'à la première date utile pour laquelle le congé pourra être donné du bail reconduit par tacite prolongation ; qu'en retenant que le congé délivré par la société Pardes Patrimoine le 28 juin 2013, soit moins de six mois avant le terme du bail fixé au 30 septembre 2013, aurait été régulièrement donné pour le 31 décembre 2013, sans qu'il y ait lieu « d'en différer les effets au 30 juin 2014 », pour en déduire le délai de deux ans pour agir en contestation du congé aurait pris fin le 31 décembre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 145-60 du même code.