LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 septembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 669 FS-B
Pourvoi n° G 20-18.901
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 SEPTEMBRE 2021
La société Pharmacie 2000, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° G 20-18.901 contre l'arrêt rendu le 19 mars 2020 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à [N] [Q], ayant été domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [L] [E], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [P] [E], domicilié [Adresse 1],
4°/ à M. [J] [R], domicilié [Adresse 4],
5°/ à Mme [B] [K],
6°/ à M. [F] [T],
tous deux domiciliés [Adresse 2] et venant aux droits de [N] [Q],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Pharmacie 2000, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de MM. [R], [P] et [L] [E], Mme [K] et M. [T], ès-qualités et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, Jobert, conseillers, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mars 2020), le 26 mars 1979, M. et Mme [Q], aux droits desquels viennent MM. [J] [R], [P] [E], [L] [E] et [N] [Q] (les consorts [Q]), ont donné en location à Mme [M], aux droits de laquelle vient la société Pharmacie 2000, des locaux à usage de pharmacie situés dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.
2. Le bail porte notamment sur le lot n° 7 auquel est attachée la jouissance exclusive d'une cour, partie commune, située derrière le bâtiment.
3. Le 16 décembre 2013 a été installé un dispositif empêchant la société Pharmacie 2000 d'accéder à la cour en automobile.
4. Le 11 décembre 2014, la société Pharmacie 2000 a assigné les consorts [Q] aux fins de les voir condamner à lui remettre la clé du dispositif et à lui payer des dommages et intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
6. La société Pharmacie 2000 fait grief à l'arrêt de dire que la jouissance de la cour ne fait pas partie de l'assiette du bail, alors « qu'un lot de copropriété auquel est rattaché un droit de jouissance privative sur une partie commune ne peut être cédé ni loué sans ce droit ; qu'en considérant que le droit de jouissance privative forme une composante du lot de son titulaire mais peut en être dissocié et cédé et qu'il ressort des termes mêmes du bail souscrit par les parties que les bailleurs initiaux, aux droits desquels vient l'indivision [Q], n'ont pas entendu conférer à leur locataire ce droit d'usage privatif qu'ils détiennent sur la cour de l'immeuble, après pourtant avoir relevé qu'un droit de jouissance privative portant sur la cour de l'immeuble litigieux était rattaché au lot n° 7 donné en location à la SNC Pharmacie 2000, la cour d'appel a violé l'article 6-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »
Réponse de la Cour
7. Un copropriétaire peut donner à bail les parties privatives de son lot, indépendamment du droit de jouissance privative sur les parties communes attaché à ce lot.
8. La cour d'appel a retenu souverainement qu'il ressortait des termes mêmes du contrat de bail que les bailleurs n'avaient pas entendu conférer à leur locataire le droit de jouissance sur la cour de l'immeuble.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Pharmacie 2000 aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Pharmacie 2000 et la condamne à payer à MM. [R], [P] et [L] [E], Mme [K] et M. [T], ès-qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Pharmacie 2000
La SNC Pharmacie 2000 reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau et y ajoutant, d'avoir dit que la jouissance de la cour ne fait pas partie de l'assiette du bail souscrit entre les parties et de l'avoir débouté de toutes ses demandes ;
1/ Alors qu'un lot de copropriété auquel est rattaché un droit de jouissance privative sur une partie commune ne peut être cédé ni loué sans ce droit ; qu'en considérant que le droit de jouissance privative forme une composante du lot de son titulaire mais peut en être dissocié et cédé et qu'il ressort des termes mêmes du bail souscrit par les parties que les bailleurs initiaux, aux droits desquels vient l'indivision [Q], n'ont pas entendu conférer à leur locataire ce droit d'usage privatif qu'ils détiennent sur la cour de l'immeuble, après pourtant avoir relevé qu'un droit de jouissance privative portant sur la cour de l'immeuble litigieux était rattaché au lot n° 7 donné en location à la SNC Pharmacie 2000, la cour d'appel a violé l'article 6-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
2/ Alors, subsidiairement, que en affirmant que l'assiette du bail du 26 mars 1979 a été « clairement » définie dans toutes ses composantes et que celles-ci ne comprennent pas l'usage de la cour de l'immeuble litigieux, quand ledit bail énonce que les lieux décrits s'étendent et se poursuivent sans qu'il soit besoin d'en faire plus ample description (production n° 4, p. 2), la cour d'appel a dénaturé les termes du bail précité, en violation de l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3/ Alors que en retenant que les indivisaires [Q] précisaient, sans être démentis, ne percevoir aucun loyer au titre de la cour de l'immeuble, quand la SNC Pharmacie 2000 faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, « qu'aucun rappel de loyer n'est justifié. Dès lors que la cour fait partie de l'assiette du bail, il n'y a pas lieu, en effet, de facturer au locataire un loyer complémentaire, le loyer contractuellement fixé tenant en principe déjà compte de cette cour » (p. 13), la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la SNC Pharmacie 2000, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
4/ Alors que, lorsque les parties sont en relation d'affaires, le silence gardé par l'une d'entre elles peut valoir acceptation ; qu'en exigeant de la SNC Pharmacie 2000 la preuve d'un accord exprès ou écrit sur l'utilisation de la cour de l'immeuble, sans rechercher si, en laissant leur locataire jouir de la cour pendant plusieurs années, les bailleurs n'avaient pas tacitement donné à celui-ci leur accord pour utiliser cette cour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1108 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
5/ Alors que lorsque des livraisons sont envisagées en dehors des heures d'ouverture, l'officine est aménagée de façon à permettre l'isolement des médicaments et autres produits livrés ; qu'en retenant que la disposition in fine de l'article R. 5125-9 ancien du code de la santé publique n'a pas été reprise par le décret n° 2018-672 du 30 juillet 2018 et que, par conséquent, le moyen tiré de cette disposition est inopérant, quand la substance de cette disposition a bien été reprise par ce décret à l'article R. 5125-8 du code de la santé publique, la cour d'appel a violé l'article R. 5125-8 du code de la santé publique.