LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
COUR DE CASSATION
LM
______________________
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________
Audience publique du 7 octobre 2021
RENVOI
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1037 FS-D
Pourvoi n° N 21-13.251
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 OCTOBRE 2021
Par mémoire spécial présenté le 12 juillet 2021, M. [G] [O] et Mme [B] [O], domiciliés tous deux [Adresse 2], ont formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° N 21-13.251 qu'ils ont formé contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans une instance les opposant à la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF), compagnie d'assurances, dont le siège est [Adresse 1].
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. et Mme [O], de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, Mme Bouvier, M. Martin, conseillers, Mme Guého, M. Pradel, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. M. et Mme [O], propriétaires d'une maison assurée par la société Garantie mutuelle des fonctionnaires, se sont vu refuser par cette dernière la prise en charge d'un sinistre résultant de fissures affectant leur habitation, au motif que les désordres observés seraient intervenus en dehors de toute période concernée par un arrêté de catastrophe naturelle. L'action en paiement qu'ils ont engagée contre l'assureur a été déclarée irrecevable comme prescrite par un arrêt rendu le 12 janvier 2021.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
2. À l'occasion du pourvoi qu'ils ont formé contre cet arrêt, M. et Mme [O] ont, par mémoire distinct et motivé, reçu au greffe de la Cour de cassation le 12 juillet 2021, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
- « L'article L. 114-1 du code des assurances est-il contraire au principe d'égalité devant la justice déduit du principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et par l'article 2 de la Constitution de 1958 dès lors qu'il soumet les actions dérivant du contrat d'assurance engagées par des assurés non professionnels à l'encontre de leur assureur à un délai de prescription de deux ans alors que, dans les autres contrats, les actions introduites par les consommateurs à l'encontre des professionnels sont soumises au délai quinquennal de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil ? »
- « L'article L. 114-1 du code des assurances est-il contraire au principe d'égalité devant la justice déduit du principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le préambule de la Constitution de 1946 et par l'article 2 de la Constitution de 1958 et à la garantie des droits protégée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui implique, le droit au recours effectif, le droit au respect des droits de la défense et l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des justiciables et des parties à une même procédure dès lors qu'il soumet les actions dérivant du contrat d'assurance engagée par un assuré non professionnel au délai de prescription biennale ? ».
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
3. L'article L. 114-1 du code des assurances est applicable au litige, qui concerne la recevabilité de l'action engagée par M. et Mme [O] contre l'assureur, déclarée prescrite en application de ce texte.
4. La disposition contestée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
5. Les questions posées présentent un caractère sérieux en ce que l'article L. 114-1 du code des assurances soumet les actions dérivant du contrat d'assurance engagées par des assurés non professionnels à l'encontre de l'assureur à un délai de prescription de deux ans, alors que le délai de prescription de droit commun, prévu à l'article 2224 du code civil, est de cinq ans, en sorte qu'il pourrait être considéré que la disposition contestée, d'une part, porte atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, d'autre part, instaure une rupture d'égalité entre les justiciables. En effet, ces assurés, comme les autres consommateurs, se trouvent placés en position de faiblesse à l'égard de leurs cocontractants professionnels. Par ailleurs, la différence ainsi instaurée ne paraît pas justifiée par un motif d'intérêt général.
6. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt et un.