LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2021
Cassation partielle sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 726 F-D
Pourvoi n° T 20-19.117
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 juin 2020.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 OCTOBRE 2021
Mme [V] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-19.117 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [S] [Z],
2°/ à Mme [F] [D], épouse [Z],
domiciliés tous deux [Adresse 3],
3°/ à M. [N] [J], domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [Y], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [Z], après débats en l'audience publique du 14 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 juin 2019), par acte du 27 décembre 2007, Mme [Y] a vendu un terrain à bâtir à M. et Mme [Z] par l'entremise de M. [J], notaire.
2. Estimant que le prix payé par les acquéreurs était dérisoire, Mme [Y] a assigné M. et Mme [Z] et M. [J] en nullité de la vente et en indemnisation de ses préjudices.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [J] une somme à titre de dommages-intérêts, alors « que l'exercice d'une action en justice ne peut engager la responsabilité de son auteur, sauf à caractériser, à l'encontre de celui-ci, une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice ; que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute ; que pour condamner Mme [Y] à payer des dommages-intérêts à Me [J], la cour s'est bornée à affirmer que l'abus était caractérisé dès lors que Mme [Y] avait continué en appel de reprocher au notaire de l'avoir laissé accepter un prix dérisoire alors qu'elle avait eu connaissance du rapport d'expertise qui infirmait clairement cette assertion ; qu'en se déterminant par de tels motifs alors que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
5. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
6. Pour condamner Mme [Y] à des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient que celle-ci a continué en appel à reprocher au notaire de l'avoir laissée accepter un prix dérisoire, alors qu'elle avait eu connaissance du rapport d'expertise qui infirmait clairement cette assertion.
7. En statuant ainsi, alors que l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas en soit constitutive d'un abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme [Y] à des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 25 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne M. [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour Mme [Y].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
- Mme [V] [Y] FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir déboutée de sa demande principale tendant à voir prononcer la nullité de la vente du 27 décembre 2007 aux époux [Z] ;
1°)- ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p 5 et 6), Mme [V] [Y] avait fait valoir que d'après l'acte de vente seule l'une des parcelles vendues d'une surface de 495 m2 étaient constructibles, les autres parcelles ne l'étant pas alors pourtant que les acheteurs avaient fait construire leur maison sur l'une des parcelles qui n'était pas constructible, ce qui aurait dû conduire à un prix de vente plus important ; qu'en se bornant à énoncer que le prix convenu correspondait à celui fixé dans le compromis et en se référant à l'expertise judiciaire pour retenir que le prix de vente dérisoire n'était pas démontré au regard des caractéristiques du terrain sans répondre auxdites conclusions qui étaient de nature à influer sur la décision entreprise, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusion en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
- Mme [V] [Y] FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes d'indemnisation à l'encontre de Me [J], notaire.
1°)- ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation relatif à la nullité de la vente consentie aux époux [Z] entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen relatif aux fautes imputées au notaire instrumentaire.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
- Mme [V] [Y] FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Me [J] la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts.
1°)- ALORS QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le troisième moyen relatif au versement de dommages-intérêts pour procédure abusive au profit de Me [J].
2°)- ALORS QUE l'exercice d'une action en justice ne peut engager la responsabilité de son auteur, sauf à caractériser, à l'encontre de celui-ci, une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice ; que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute ; que pour condamner Mme [Y] à payer des dommages-intérêts à Me [J], la cour s'est bornée à affirmer que l'abus était caractérisé dès lors que Mme [Y] avait continué en appel de reprocher au notaire de l'avoir laissé accepter un prix dérisoire alors qu'elle avait eu connaissance du rapport d'expertise qui infirmait clairement cette assertion ; qu'en se déterminant par de tels motifs alors que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (devenu l'article 1240 du même code).