LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 novembre 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1010 F-B
Pourvoi n° W 20-11.875
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 NOVEMBRE 2021
Mme [B] [J] [F], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-11.875 contre l'arrêt rendu le 28 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société MJ et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée société [Y] [L], société civile professionnelle, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Aciéries du Val de Saône, dont le siège social est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [F], de la SCP Gaschignard, avocat de la société MJ et associés, prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Aciéries du Val de Saône, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 septembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2019), à la suite d'un commandement valant saisie immobilière, la SCP [Y] [L], devenue la Selarl MJ et associés, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aciéries du Val de Saône, a poursuivi la vente d'un bien immobilier appartenant à Mme [F] et a assigné cette dernière devant un juge de l'exécution aux fins d'ordonner la vente forcée du bien et fixer sa créance.
2. Un jugement d'orientation d'un juge de l'exécution a notamment débouté Mme [F], ordonné la vente forcée de l'immeuble et retenu la créance du liquidateur à la somme de 200 000 euros en principal.
3. Mme [F] a relevé appel de ce jugement.
4. Une ordonnance d'un premier président d'une cour d'appel a autorisé l'appelante à faire délivrer l'assignation pour l'audience du 6 novembre 2019.
Sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Mme [F] fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel en date du 3 mai 2019, alors « que, dans une procédure à jour fixe, seule l'absence de remise d'une copie de l'assignation au greffe de la cour d'appel par voie électronique avant la date fixée pour l'audience est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, l'irrégularité affectant le contenu de cette formalité ne constituant pas une cause de caducité ; qu'en jugeant pourtant caduque la déclaration d'appel de Mme [F] du 3 mai 2019 au seul motif que la copie de l'assignation qui lui avait été remise par Mme [F] par voie électronique avant la date de l'audience était incomplète, la cour d'appel a violé l'article 922 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 922 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, dans la procédure d'appel à jour fixe, la cour d'appel est saisie par la remise d'une copie de l'assignation au greffe, cette remise devant être faite avant la date fixée pour l'audience, faute de quoi la déclaration d'appel est caduque.
8. Pour constater la caducité de l'appel, l'arrêt retient que Mme [F] a remis au greffe avant la date de l'audience une copie incomplète de l'assignation à jour fixe délivrée le 29 mai 2019 en ce qu'elle ne comprend, outre la page mentionnant les modalités de sa signification à l'intimée, que les trois premières pages sur les sept que compte cet acte. Il ajoute que cette copie ne comprend notamment pas le dispositif de l'assignation. Il relève, en outre, que la copie remise au greffe de la cour d'appel étant incomplète, celle-ci n'est pas valablement saisie.
9. En statuant ainsi, alors que l'assignation remise au greffe était affectée d'un vice de forme susceptible d'entraîner sa nullité sur la démonstration d'un grief par l'intimée, la cour d'appel, qui ne pouvait ainsi prononcer la caducité de la déclaration d'appel sans constater, le cas échéant, au préalable, la nullité de cet acte, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société MJ et associés aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MJ et associés et la condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [F]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré caduque la déclaration d'appel de Mme [F] en date du 3 mai 2019 ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des dispositions des articles R. 322-19 du code des procédures civiles d'exécution, 122, 125, 922 et 930-1 du code de procédure civile que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé suivant la procédure à jour fixe à peine d'irrecevabilité relevée d'office et que la cour est saisie par la remise au greffe d'une copie de l'assignation avant la date fixée pour l'audience à peine de caducité de la déclaration d'appel, cette remise devant être faite par voie électronique ; qu'en l'espèce, Mme [F] a remis au greffe avant la date de l'audience une copie incomplète de l'assignation à jour fixe délivrée le 29 mai 2019 en ce qu'elle ne comprend, outre la page mentionnant les modalités de sa signification à l'intimée, que les trois premières pages sur les sept que compte cet acte ; que cette copie ne comprend notamment pas le dispositif de l'assignation ; que contrairement à ce que soutient Mme [F], il importe peu que l'appelante ait exposé ses demandes à l'appui de sa requête au premier président de cette cour dans le cadre de la procédure d'autorisation d'assigner à jour fixe, cette instance étant distincte de celle suivie au fond devant la cour ; qu'il n'importe pas davantage que l'assignation établisse que l'intimée a eu connaissance de l'intégralité de cet acte ; que la copie remise au greffe de la cour étant incomplète, celle-ci n'est pas valablement saisie ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, la sanction de la caducité de son assignation n'est pas disproportionnée, dès lors qu'elle est prévue par des dispositions législatives claires et précises, qu'elle poursuit un intérêt légitime consistant en la garantie d'une saisine complète de la juridiction d'appel dans le cadre d'une procédure d'urgence et qu'ainsi elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge prévu par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a donc lieu de déclarer caduque la déclaration d'appel de Mme [F] en date du 3 mai 2019 ;
1° ALORS QUE dans une procédure à jour fixe, seule l'absence de remise d'une copie de l'assignation au greffe de la cour d'appel par voie électronique avant la date fixée pour l'audience est sanctionnée par la caducité de la déclaration d'appel, l'irrégularité affectant le contenu de cette formalité ne constituant pas une cause de caducité ; qu'en jugeant pourtant caduque la déclaration d'appel de Mme [F] du 3 mai 2019 au seul motif que la copie de l'assignation qui lui avait été remise par Mme [F] par voie électronique avant la date de l'audience était incomplète, la cour d'appel a violé l'article 922 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, le juge fait preuve d'un formalisme excessif en déclarant un recours irrégulier en raison d'une irrégularité qui n'a pas été détectée par l'autorité publique chargée de la recevoir ; qu'en jugeant caduque la déclaration d'appel de Mme [F] du 3 mai 2019 sans rechercher si le greffe avait accusé réception de l'assignation sans signaler à aucun moment son caractère incomplet de sorte que Mme [F] pouvait légitimement penser que son acte, effectué dans les délais requis, avait correctement été effectué, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 922 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, le vice né de la remise d'une copie incomplète de l'assignation à la cour d'appel avant l'audience peut être régularisé par la remise d'une copie complète à l'audience ; qu'en jugeant caduque la déclaration d'appel de Mme [F] du 3 mai 2019 sans rechercher si la remise de l'assignation complète lors de l'audience n'avait pas régularisé la procédure, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 115 et 922 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.