LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 novembre 2021
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 783 FS-B
Pourvoi n° S 20-19.323
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 NOVEMBRE 2021
La société Les Brayonnades, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 20-19.323 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2020 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Maison et jardin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la société Les Brayonnades, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Maison et jardin, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, M. Laurent, conseillers, Mmes Djikpa, Brun, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-16.359), par contrat de construction de maison individuelle du 19 janvier 2011, la société civile immobilière Les Brayonnades (la SCI) a confié à la société Maison et jardin la construction de deux maisons.
2. La réception des ouvrages est intervenue le 14 juin 2012.
3. La SCI a assigné la société Maison et jardin aux fins d'indemnisation de malfaçons et de remboursement du prix de certains travaux dont elle s'était réservé l'exécution.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre dernières branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Maison et jardin au versement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice esthétique affectant le lot B et de rejeter sa demande tendant à la voir condamner à reprendre le désordre au titre de la « queue de billard », formulée pour le cas où sa demande indemnitaire à hauteur de 25 000 euros à ce titre ne serait pas accueillie, alors « que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts ; que pour rejeter la demande de la SCI Les Brayonnades aux fins de reprise de la « queue de billard » du carrelage, la cour retient que les travaux consistant à démolir le mur de la porte d'entrée, à piquer la dalle existante pour reconstruire un nouveau mur, à reprendre les chaînages verticaux et horizontaux, la façade, le doublage intérieur, le plafond de la pièce, et à procéder à la dépose et la pose d'un nouveau carrelage, avec toutes les conséquences immatérielles de ces travaux sur ce bien loué, étaient hors de proportion et dès lors injustifiés pour réparer l'atteinte esthétique mineure et que c'était en ce sens que l'expert avait relevé que ce défaut d'exécution était « irrattrapable », l'engagement de travaux de démolition et de reconstruction étant selon l'expert hors de proportion avec le préjudice ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte de telles constatations que l'exécution en nature du contrat était possible, cependant que peu importait son coût pour le débiteur, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
6. Appréciant souverainement les modalités de la réparation du préjudice, la cour d'appel a retenu que l'atteinte esthétique mineure subie par l'ouvrage était intégralement réparée par l'allocation d'une somme dont elle a déterminé le montant.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Maison et jardin au versement d'une somme de 10 223,31 euros au titre des travaux indispensables non chiffrés, alors « que le contrat de construction d'une maison individuelle visé par l'article L. 231-1 du code de la construction et de l'habitation doit comporter notamment le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et devant faire l'objet, de la part du maître de l'ouvrage, d'une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge ; qu'est annexée à ce contrat une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, et indiquant le coût desdits éléments dont le coût n'est pas compris dans le prix ; qu'à défaut pour le constructeur de respecter cette obligation, il doit assumer la charge de ces travaux ; qu'en déduisant des sommes sollicitées par la SCI Les Brayonnades, les chiffrages de la notice descriptive dont elle relevait qu'ils étaient sous-estimés, la cour a violé l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
9. La mention, dans la notice descriptive annexée au contrat de construction de maison individuelle, du coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, a pour but d'informer celui-ci du coût global de la construction et de lui éviter de s'engager dans une opération qu'il ne pourra mener à son terme. Il en résulte que le constructeur doit supporter le dépassement du prix des travaux qu'il n'a pas chiffrés de manière réaliste.
10. La cour d'appel, qui a retenu que des travaux réservés par le maître d'ouvrage étaient insuffisamment chiffrés dans la notice descriptive, en a exactement déduit que le constructeur devait prendre en charge leur coût, déduction faite de celui mentionné dans la notice.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
12. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 euros, alors « qu'en affirmant péremptoirement et par une clause de style, donnant au justiciable le sentiment de ne pas avoir été « effectivement entendu », qu'il n'était pas établi que la SCI Les Brayonnades avait subi un préjudice indépendant non réparé par l'allocation des sommes alloués au titre des travaux indispensables non chiffrés, quand la SCI Les Brayonnades se prévalait de façon circonstanciée de la tracasserie et des désagréments occasionnés par les carences du constructeur non pas à l'occasion de la conclusion des contrats mais lors de la réalisation des ouvrages, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
13. Appréciant souverainement l'existence des préjudices invoqués, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer spécialement sur les éléments qu'elle décidait d'écarter, a retenu qu'ils n'étaient pas établis.
14. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Les Brayonnades aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Les Brayonnades
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La SCI LES BRAYONNADES fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la SAS MAISON ET JARDIN au versement d'une somme de 3 000 € a` titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice esthétique affectant le lot B et d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner sous astreinte la SAS MAISON ET JARDIN à reprendre le désordre au titre de la « queue de billard », formulée pour le cas où sa demande indemnitaire à hauteur de 25 000 € à ce titre ne serait pas accueillie;
ALORS QUE la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts ; que pour rejeter la demande de la SCI LES BRAYONNADES aux fins de reprise de la « queue de billard » du carrelage, la Cour retient que les travaux consistant à démolir le mur de la porte d'entrée, à piquer la dalle existante pour reconstruire un nouveau mur, à reprendre les chaînages verticaux et horizontaux, la façade, le doublage intérieur, le plafond de la pièce, et à procéder à la dépose et la pose d'un nouveau carrelage, avec toutes les conséquences immatérielles de ces travaux sur ce bien loué, étaient hors de proportion et dès lors injustifiés pour réparer l'atteinte esthétique mineure et que c'était en ce sens que l'expert avait relevé que ce défaut d'exécution était « irrattrapable », l'engagement de travaux de démolition et de reconstruction étant selon l'expert hors de proportion avec le préjudice ; qu'en statuant ainsi, quand il résulte de telles constatations que l'exécution en nature du contrat était possible, cependant que peu importait son coût pour le débiteur, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
La SCI LES BRAYONNADES fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la SAS MAISON ET JARDIN au versement d'une somme de 10.223,31 € au titre des travaux indispensables non chiffrés;
1°) ALORS QUE le contrat de construction d'une maison individuelle visé par l'article L. 231-1 du Code de la construction et de l'habitation doit comporter notamment le coût des travaux dont le maître de l'ouvrage se réserve l'exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le constructeur et devant faire l'objet, de la part du maître de l'ouvrage, d'une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge ; qu'est annexée à ce contrat une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction et de l'habitation indiquant les caractéristiques techniques tant de l'immeuble lui-même que des travaux d'équipement intérieur ou extérieur qui sont indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble, et indiquant le coût desdits éléments dont le coût n'est pas compris dans le prix ; qu'à défaut pour le constructeur de respecter cette obligation, il doit assumer la charge de ces travaux ; qu'en déduisant des sommes sollicitées par la SCI LES BRAYONNADES, les chiffrages de la notice descriptive dont elle relevait qu'ils étaient sous-estimés, la Cour a violé l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation ;
2°) ALORS, en tous cas, QU'en déduisant le chiffrage d'un puisard et d'une grille d'évacuation des eaux pluviales (3 554 €) quand, s'interrogeant sur le chiffrage des branchements des ouvrages, elle relevait que la SCI LES BRAYONNADES justifiait avoir exposé une somme de 13 612,31 € à raison des frais de raccordement et de branchements « eau, tout a` l'égout, électricité, gaz, téléphone » et que les notices descriptives chiffraient pour les deux maisons le coût global des branchements à la somme de 6 200 €, la Cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la sous-évaluation des frais de raccordement et branchements des ouvrages était de 7 412,31 € (13 612,31 € - 6 200 €) et non pas 3 858,31 € (13 612,31 € - 6 200 € - 3 554 €), a derechef violé l'article L. 231-2 du Code de la construction et de l'habitation ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties et les revêtements des sols constituent des travaux d'équipement intérieur indispensables à l'utilisation de l'immeuble qui, lorsque le maître de l'ouvrage les a réservés, doivent être pris en charge par le constructeur s'il ne les a pas chiffrés; que la SCI LES BRAYONNADES prouvant avoir exposé des frais de pose de parquet flottant et de plinthes, il appartenait à la Cour, qui était tenue de trancher le litige dont elle était saisie et afférent à la prise en charge des travaux d'équipement indispensables à l'utilisation de l'immeuble, d'ordonner toute mesure d'instruction si elle s'estimait insuffisamment informée sur la destination de ces frais ; qu'en rejetant la demande de la SCI LES BRAYONNADES tendant à la prise en charge par le constructeur des frais de pose et de fourniture d'un parquet flottant et des plinthes, au motif que « la facture de pose de parquet flottant et de plinthes et les tickets d'achats des fournitures ne permettent pas d'établir que ces frais sont afférents aux constructions litigieuses », la Cour a violé l'article 4 du Code civil ;
4°) ALORS QUE le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties et il doit trancher la question de la charge des travaux réservés par le maître de l'ouvrage lorsqu'il en est saisi ; qu'en retenant que les « autres réclamations formées par la SCI LES BRAYONNADES ne sont justifiées par aucun élément probant », la Cour a derechef violé l'article 4 du Code civil ;
5°) ALORS, au surplus QUE le juge doit motiver sa décision ; qu'en retenant, par une clause de style ne procédant d'aucune analyse même succinte des éléments de la cause, que les « autres réclamations formées par LA SCI LES BRAYONNADES ne sont justifiées par aucun élément probant », la Cour violé l'article 455 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
La SCI LES BRAYONNADES fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté sa demande indemnitaire à hauteur de 10 000 € ;
ALORS QU'en affirmant péremptoirement et par une clause de style, donnant au justiciable le sentiment de ne pas avoir été « effectivement entendu », qu'il n'était pas établi que la SCI LES BRAYONNADES avait subi un préjudice indépendant non réparé par l'allocation des sommes alloués au titre des travaux indispensables non chiffrés, quand la SCI LES BRAYONNADES se prévalait de façon circonstanciée de la tracasserie et des désagréments occasionnés par les carences du constructeur non pas à l'occasion de la conclusion des contrats mais lors de la réalisation des ouvrages, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.