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16/02/2022 | FRANCE | N°21-12107

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 février 2022, 21-12107


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 158 FS-B

Pourvoi n° U 21-12.107

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La Collectivité européenne d'Alsace, venant aux droits du d

épartement du Haut-Rhin et du département du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° U 21-12.107 contre l'arrêt rendu le 1...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 158 FS-B

Pourvoi n° U 21-12.107

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

La Collectivité européenne d'Alsace, venant aux droits du département du Haut-Rhin et du département du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° U 21-12.107 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Services conseil expertises territoires (SCET), société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

2°/ à la Société de coordination et d'ordonnancement (SCO), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Vinci immobilier d'entreprise, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 9],

4°/ à la société Valette Aubrac, société à responsabilité limitée,

5°/ à la société Cobrac, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 5],

6°/ à la société P. Elysée, société à responsabilité limitée,

7°/ à la société VB [Adresse 14], société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 6],

8°/ à la société Le Salon [Adresse 11], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

9°/ à la société Wolford Paris, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 10],

10°/ à la société Citivia, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société d'économie mixte de Haute-Alsace (SEMHA),

défenderesses à la cassation.

La société Service conseil expertises territoires a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui se son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui se son recours, le moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la Collectivité européenne d'Alsace, venant aux droits du département du Haut-Rhin et du département du Bas-Rhin, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Vinci immobilier d'entreprise, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Services conseil expertises territoires, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des sociétés Valette Aubrac, Cobrac, P. Elysée, VB [Adresse 14] et Le Salon [Adresse 11], de la SCP Spinosi, avocat de la société Wolford Paris, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 11 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Boyer, Mmes Abgrall, Grandjean, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2020), les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin sont propriétaires d'un immeuble situé à [Adresse 12], dans lequel est située « La Maison de l'Alsace ».

2. Après obtention, le 21 juillet 2011, d'un permis de construire, ils ont confié la réalisation de travaux de réhabilitation à un groupement d'entreprises constitué notamment de la société d'économie mixte de Haute-Alsace, aux droits de laquelle vient la société d'économie mixte Citivia, de la société Service conseil expertises territoires (SCET) et de la société Coordination et ordonnancement.

3. Concomitamment à ces travaux, qui ont débuté en juillet 2012, des travaux de restructuration étaient entrepris par la société Vinci immobilier d'entreprise dans l'immeuble situé [Adresse 4].

4. Se plaignant des nuisances générées par ces deux chantiers, les sociétés Valette Aubrac, Cobrac, P. Elysée, VB [Adresse 14], Salon [Adresse 11] et Wolford Paris, exploitant des commerces situés [Adresse 14], ont, après expertise judiciaire, assigné en indemnisation les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, aux droits desquels vient la Collectivité européenne d'Alsace, et la société Vinci immobilier d'entreprise, sur le fondement de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, réunis

Enoncé du moyen

5. La Collectivité européenne d'Alsace et la SCET font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant rejeté l'exception d'incompétence et de déclarer le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître des demandes présentées contre elles, alors :

« 1°/ qu'un immeuble aménagé appartenant à une personne publique qui a été affecté à une activité d'intérêt général ou à une mission de service public constitue un ouvrage public et demeure un tel ouvrage, quand bien même son utilisation en fait serait devenue différente, en l'absence d'acte juridique d'affectation à une personne privée pour un usage purement privé ; qu'après avoir relevé que, premièrement, la Maison de l'Alsace avait été acquise par le département du Haut-Rhin à la suite de l'intervention d'une déclaration d'utilité publique fondée sur l'objectif de favoriser le développement culturel, social et économique du département du Haut-Rhin, deuxièmement, sa gestion avait fait l'objet d'une convention en 1982 avec une société ayant pour objet l'exposition, la représentation, la présentation de produits régionaux et la propagande touristique de l'Alsace, troisièmement, le restaurant situé au rez-de-chaussée servait notamment des plats alsaciens, l'espace des cinq étages supérieurs était géré par une entreprise alsacienne, les salons proposés à la location étaient en lien avec des grands noms ou marques alsaciennes, les petits-déjeuners étaient proposés avec des produits alsaciens, quatrièmement, le rapport de présentation de la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin évoquait l'accueil et la mise en réseau des entreprises ayant un ancrage alsacien, un rôle d'ambassadeur pour faire connaître le territoire alsacien et encourager le développement économique et touristique local, la représentation de l'Alsace dans la capitale et le but de faire de la Maison de l'Alsace une vitrine et un outil au services des entrepreneurs ou innovateurs alsaciens, cinquièmement, la promotion du club des 100, composé d'entreprises alsaciennes était assurée sur le site internet de la Maison de l'Alsace et le rapport d'activité de la société MDA Partners évoquait plusieurs manifestations liées à l'Alsace, ce dont il résultait que la Maison de l'Alsace, dont l'appartenance aux départements et l'aménagement n'étaient pas contestés, était affectée à l'intérêt général et constituait un ouvrage public, la cour d'appel, qui, pour exclure cette qualification, s'est prononcée par des considérations inopérantes relatives à l'usage de l'ouvrage, en fait, comme un restaurant et un centre d'affaires classiques et à l'absence de preuve du maintien de la convention de 1982 comme de l'insuffisance d'éléments de nature à caractériser le maintien actuel d'une mission de service public ou d'une activité d'intérêt général passée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ qu'il appartient à celui qui prétend qu'un ancien ouvrage public a perdu cette qualité pour être affecté à une activité privée menée par une personne privée de l'établir ; qu'en mettant à la charge des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin de prouver le maintien de l'exécution de la convention passée en 1982 pour la gestion de la maison de l'Alsace et le maintien de l'activité de service public ou d'intérêt général qui y était initialement menée, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil et l'article 9 du code de procédure civile ;

3°/ que les travaux portant sur un immeuble appartenant à une collectivité territoriale, réalisés pour le compte de celle-ci et ayant pour objet d'améliorer l'attractivité de cette collectivité, poursuivent un but d'intérêt général et sont des travaux publics ; que dès lors, en retenant, pour écarter la qualification de travaux publics, que les travaux litigieux réalisés sur l'immeuble « Maison de l'Alsace » n'étaient pas relatifs à une mission de service public et qu'ils avaient pour principale fin la restauration, la rénovation, la restructuration et la modernisation de l'immeuble dont l'adresse parisienne était prestigieuse, ce qui n'était pas incompatible avec un intérêt général, et après avoir pourtant constaté qu'il ressortait de l'annonce faite par la direction de l'architecture du conseil général du Haut-Rhin, dans l'avant programme de l'opération éditée au mois de janvier 2007, que les départements des Haut-Rhin et Bas-Rhin avaient « décidé de restructurer l'immeuble afin de dynamiser l'image de l'Alsace véhiculée par cette vitrine » et d'offrir « aux nombreux passants un espace d'exposition dédié à l'Alsace », ce qui caractérisait un lien suffisant avec l'intérêt général, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les travaux poursuivaient un but d'intérêt général de mise en valeur d'un immeuble destiné à promouvoir le tourisme et le développement économique des départements du Haut- Rhin et du Bas-Rhin et constituaient des travaux publics, violant ainsi l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

4°/ que ni le risque de contrariété de décisions ni la bonne administration de la justice n'autorise le juge judiciaire à porter atteinte au principe de séparation des juridictions judiciaires et administratives en statuant sur un litige relevant de la seule compétence du juge administratif ; qu'en considérant, pour retenir sa compétence, que le trouble causé par les travaux effectués pour le compte des deux départements alsaciens trouvait également sa source dans les travaux réalisés par la société Vinci Immobilier d'Entreprise, personne privée, au sein de l'immeuble sis au [Adresse 4], que les propriétaires pourraient être tenus in solidum à réparation et qu'il était donc dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que le partage de responsabilité soit examiné pour une seule et même juridiction afin d'éviter une contrariété de décision, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances inopérantes, a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

5°/ que les juridictions administratives sont seules compétentes pour apprécier l'existence d'un trouble anormal du voisinage causé par un ouvrage public ou des travaux public et réparer le préjudice qui en résulte ; que dès lors, en affirmant que les juridictions judiciaires étaient seules compétentes pour apprécier le caractère anormal d'un trouble de voisinage et les conséquences commerciales et financières de ces troubles sur l'activité commerciale, privée, des victimes des troubles, y compris lorsqu'il a été causé par un ouvrage public ou des travaux public, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, sont des ouvrages publics les biens immeubles résultant d'un aménagement qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public, ou qui, appartenant à une personne publique, sont affectés à un but d'intérêt général. La qualification d'ouvrage public s'apprécie à la date du fait générateur du dommage imputable à l'ouvrage.

7. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que, si l'acquisition de l'immeuble par les départements avait été déclarée d'utilité publique par arrêté préfectoral du 18 juillet 1969, cette déclaration était sans effet sur la qualification de l'activité exercée dans l'immeuble au jour du dommage qui lui était imputé.

8. Elle a relevé que, si une convention relative à la concession et à l'exploitation de La Maison de l'Alsace avait été conclue le 29 septembre 1982 entre les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la société Fermière de la Maison de l'Alsace à [Localité 13], les termes de cette convention, conclue plus de trente-huit ans auparavant et dont le caractère encore applicable n'était pas établi, ne permettaient pas de considérer comme acquise l'actuelle affectation de l'immeuble à la mission de service public de promotion de l'Alsace.

9. Elle a souverainement retenu que les simples extraits, produits aux débats, du contrat conclu entre les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et la société de droit privé à laquelle avait été confiée l'exploitation du restaurant situé au rez-de-chaussée de l'immeuble étaient dépourvus de valeur probante et constaté que ce restaurant proposait une carte qui, ressemblant à celles des autres grandes brasseries parisiennes, n'était pas caractérisée par la promotion de la gastronomie alsacienne.

10. Ayant constaté que les étages de l'immeuble étaient occupés par des bureaux, salons, salles de réunion et de réception et espaces événementiels gérés par une société de droit privé qui proposait des prestations purement commerciales, que le rapport d'activité de cette société, qui n'était versé aux débats que partiellement, confirmait la vocation commerciale du centre d'affaires et que, si le site internet de La Maison de l'Alsace promouvait le «Club des 100 » qui « compte parmi ses membres toutes les entreprises et institutions qui font bouger l'Alsace », il n'était pas démontré que La Maison de l'Alsace, dont toute entreprise, même non alsacienne, pouvait louer les locaux, contribuait au développement économique des entreprises alsaciennes, la cour d'appel en a souverainement déduit que les espaces des étages de l'immeuble n'étaient dédiés à aucune activité propre de promotion de l'Alsace, exercée directement ou concédée.

11. Ayant, ainsi, relevé que, si l'activité purement commerciale de La Maison de l'Alsace était en lien avec l'Alsace et les Alsaciens, il n'était pas établi qu'elle remplissait une fonction de promotion de l'Alsace, d'intérêt général, la cour d'appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que l'immeuble ne pouvait être qualifié d'ouvrage public.

12. En second lieu, ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ceux-ci.

13. Ayant constaté, d'une part, que, si l'avant-programme de l'opération de restructuration édité au mois de janvier 2007 par la direction de l'architecture du conseil général du Haut-Rhin mentionnait que la restructuration avait pour but de dynamiser l'image de l'Alsace, les termes mêmes de ce document révélaient que les travaux avaient pour fin principale la restauration, la rénovation, la restructuration et la modernisation de l'immeuble, dont l'adresse était prestigieuse, et non un objectif d'intérêt général et, d'autre part, qu'aucun élément ne démontrait qu'un espace d'exposition spécifiquement dédié à l'Alsace avait été effectivement construit, distinct du restaurant et du centre d'affaires, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il n'était pas établi que les travaux avaient été effectués dans un but d'intérêt général, en a exactement déduit qu'ils ne présentaient pas le caractère de travaux publics.

14. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les quatrième et cinquième branches, que, en l'absence de dommage causé par un ouvrage public ou par des travaux publics, le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Collectivité européenne d'Alsace aux dépens du pourvoi principal et la société Service conseil expertises territoires à ceux du pourvoi incident ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la Collectivité européenne d'Alsace et la société Service conseil expertises territoires et les condamne, ensemble, à payer aux sociétés Valette Aubrac, Cobrac, P. Elysée, VB [Adresse 14] et Salon [Adresse 11] la somme globale de 3 000 euros, à la société Vinci immobilier d'entreprise la somme de 3 000 euros et à la société Wolford Paris la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la Collectivité européenne d'Alsace, venant aux droits du département du Haut-Rhin et du département du Bas-Rhin

La Collectivité européenne d'Alsace fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance ayant rejeté l'exception d'incompétence et déclaré le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître des demandes présentées contre elle par les sociétés requérantes ;

1°) ALORS QU'un immeuble aménagé appartenant à une personne publique qui a été affecté à une activité d'intérêt général ou à une mission de service public constitue un ouvrage public et demeure un tel ouvrage, quand bien même son utilisation en fait serait devenue différente, en l'absence d'acte juridique d'affectation à une personne privée pour un usage purement privé ; qu'après avoir relevé que, premièrement, la Maison de l'Alsace avait été acquise par le département du Haut-Rhin à la suite de l'intervention d'une déclaration d'utilité publique fondée sur l'objectif de favoriser le développement culturel, social et économique du département du Haut-Rhin, deuxièmement, sa gestion avait fait l'objet d'une convention en 1982 avec une société ayant pour objet l'exposition, la représentation, la présentation de produits régionaux et la propagande touristique de l'Alsace, troisièmement, le restaurant situé au rez-de-chaussée servait notamment des plats alsaciens, l'espace des cinq étages supérieurs était géré par une entreprise alsacienne, les salons proposés à la location étaient en lien avec des grands noms ou marques alsaciennes, les petits-déjeuners étaient proposés avec des produits alsaciens, quatrièmement, le rapport de présentation de la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin évoquait l'accueil et la mise en réseau des entreprises ayant un ancrage alsacien, un rôle d'ambassadeur pour faire connaître le territoire alsacien et encourager le développement économique et touristique local, la représentation de l'Alsace dans la capitale et le but de faire de la Maison de l'Alsace une vitrine et un outil au services des entrepreneurs ou innovateurs alsaciens, cinquièmement, la promotion du club des 100, composé d'entreprises alsaciennes était assurée sur le site internet de la Maison de l'Alsace et le rapport d'activité de la société MDA Partners évoquait plusieurs manifestations liées à l'Alsace, ce dont il résultait que la Maison de l'Alsace, dont l'appartenance aux départements et l'aménagement n'étaient pas contestés, était affectée à l'intérêt général et constituait un ouvrage public, la cour d'appel, qui, pour exclure cette qualification, s'est prononcée par des considérations inopérantes relatives à l'usage de l'ouvrage, en fait, comme un restaurant et un centre d'affaires classiques et à l'absence de preuve du maintien de la convention de 1982 comme de l'insuffisance d'éléments de nature à caractériser le maintien actuel d'une mission de service public ou d'une activité d'intérêt général passée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

2°) ALORS QU'il appartient à celui qui prétend qu'un ancien ouvrage public a perdu cette qualité pour être affecté à une activité privée menée par une personne privée de l'établir ; qu'en mettant à la charge des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin de prouver le maintien de l'exécution de la convention passée en 1982 pour la gestion de la maison de l'Alsace et le maintien de l'activité de service public ou d'intérêt général qui y était initialement menée, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil et l'article 9 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les travaux portant sur un immeuble appartenant à une collectivité territoriale, réalisés pour le compte de celle-ci et ayant pour objet d'améliorer l'attractivité de cette collectivité, poursuivent un but d'intérêt général et sont des travaux publics ; que dès lors, en retenant, pour écarter la qualification de travaux publics, que les travaux litigieux réalisés sur l'immeuble « Maison de l'Alsace » n'étaient pas relatifs à une mission de service public et qu'ils avaient pour principale fin la restauration, la rénovation, la restructuration et la modernisation de l'immeuble dont l'adresse parisienne était prestigieuse, ce qui n'était pas incompatible avec un intérêt général, et après avoir pourtant constaté qu'il ressortait de l'annonce faite par la direction de l'architecture du conseil général du Haut-Rhin, dans l'avant programme de l'opération éditée au mois de janvier 2007, que les départements des Haut-Rhin et Bas-Rhin avaient « décidé de restructurer l'immeuble afin de dynamiser l'image de l'Alsace véhiculée par cette vitrine » et d'offrir « aux nombreux passants un espace d'exposition dédié à l'Alsace », ce qui caractérisait un lien suffisant avec l'intérêt général, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les travaux poursuivaient un but d'intérêt général de mise en valeur d'un immeuble destiné à promouvoir le tourisme et le développement économique des départements du Haut Rhin et du Bas Rhin et constituaient des travaux publics, violant ainsi l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

4°) ALORS QUE ni le risque de contrariété de décisions ni la bonne administration de la justice n'autorise le juge judiciaire à porter atteinte au principe de séparation des juridictions judiciaires et administratives en statuant sur un litige relevant de la seule compétence du juge administratif ; qu'en considérant, pour retenir sa compétence, que le trouble causé par les travaux effectués pour le compte des deux départements alsaciens trouvait également sa source dans les travaux réalisés par la société Vinci Immobilier d'Entreprise, personne privée, au sein de l'immeuble sis au [Adresse 4], que les propriétaires pourraient être tenus in solidum à réparation et qu'il était donc dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que le partage de responsabilité soit examiné pour une seule et même juridiction afin d'éviter une contrariété de décision, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances inopérantes, a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

5°) ALORS QUE les juridictions administratives sont seules compétentes pour apprécier l'existence d'un trouble anormal du voisinage causé par un ouvrage public ou des travaux public et réparer le préjudice qui en résulte ; que dès lors, en affirmant que les juridictions judiciaires étaient seules compétentes pour apprécier le caractère anormal d'un trouble de voisinage et les conséquences commerciales et financières de ces troubles sur l'activité commerciale, privée, des victimes des troubles, y compris lorsqu'il a été causé par un ouvrage public ou des travaux public, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Services conseil expertises territoires

La société Services Conseil Expertises Territoires (SCET) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance ayant rejeté l'exception d'incompétence et déclaré le tribunal judiciaire de PARIS compétent pour connaître des demandes présentées contre elle par les sociétés requérantes,

1°) ALORS QU'un immeuble aménagé appartenant à une personne publique qui a été affecté à une activité d'intérêt général ou à une mission de service public constitue un ouvrage public et demeure un tel ouvrage, quand bien même son utilisation en fait serait devenue différente, en l'absence d'acte juridique d'affectation à une personne privée pour un usage purement privé ; qu'après avoir relevé que, premièrement, la Maison de l'Alsace avait été acquise par le département du Haut-Rhin à la suite de l'intervention d'une déclaration d'utilité publique fondée sur l'objectif de favoriser le développement culturel, social et économique du département du Haut-Rhin, deuxièmement, sa gestion avait fait l'objet d'une convention en 1982 avec une société ayant pour objet l'exposition, la représentation, la présentation de produits régionaux et la propagande touristique de l'Alsace, troisièmement, le restaurant situé au rez-de-chaussée servait notamment des plats alsaciens, l'espace des cinq étages supérieurs était géré par une entreprise alsacienne, les salons proposés à la location étaient en lien avec des grands noms ou marques alsaciennes, les petits-déjeuners étaient proposés avec des produits alsaciens, quatrièmement, le rapport de présentation de la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin évoquait l'accueil et la mise en réseau des entreprises ayant un ancrage alsacien, un rôle d'ambassadeur pour faire connaître le territoire alsacien et encourager le développement économique et touristique local, la représentation de l'Alsace dans la capitale et le but de faire de la Maison de l'Alsace une vitrine et un outil au services des entrepreneurs ou innovateurs alsaciens, cinquièmement, la promotion du club des 100, composé d'entreprises alsaciennes était assurée sur le site internet de la Maison de l'Alsace et le rapport d'activité de la société MDA Partners évoquait plusieurs manifestations liées à l'Alsace, ce dont il résultait que la Maison de l'Alsace, dont l'appartenance aux départements et l'aménagement n'étaient pas contestés, était affectée à l'intérêt général et constituait un ouvrage public, la cour d'appel, qui, pour exclure cette qualification, s'est prononcée par des considérations inopérantes relatives à l'usage de l'ouvrage, en fait, comme un restaurant et un centre d'affaires classiques et à l'absence de preuve du maintien de la convention de 1982 comme de l'insuffisance d'éléments de nature à caractériser le maintien actuel d'une mission de service public ou d'une activité d'intérêt général passée, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

2°) ALORS QU'il appartient à celui qui prétend qu'un ancien ouvrage public a perdu cette qualité pour être affecté à une activité privée menée par une personne privée de l'établir ; qu'en mettant à la charge des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin de prouver le maintien de l'exécution de la convention passée en 1982 pour la gestion de la maison de l'Alsace et le maintien de l'activité de service public ou d'intérêt général qui y était initialement menée, la cour d'appel, inversant la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil et l'article 9 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les travaux portant sur un immeuble appartenant à une collectivité territoriale, réalisés pour le compte de celle-ci et ayant pour objet d'améliorer l'attractivité de cette collectivité, poursuivent un but d'intérêt général et sont des travaux publics ; que dès lors, en retenant, pour écarter la qualification de travaux publics, que les travaux litigieux réalisés sur l'immeuble « Maison de l'Alsace » n'étaient pas relatifs à une mission de service public et qu'ils avaient pour principale fin la restauration, la rénovation, la restructuration et la modernisation de l'immeuble dont l'adresse parisienne était prestigieuse, ce qui n'était pas incompatible avec un intérêt général, et après avoir pourtant constaté qu'il ressortait de l'annonce faite par la direction de l'architecture du conseil général du Haut-Rhin, dans l'avant programme de l'opération éditée au mois de janvier 2007, que les départements des Haut-Rhin et Bas-Rhin avaient « décidé de restructurer l'immeuble afin de dynamiser l'image de l'Alsace véhiculée par cette vitrine» et d'offrir « aux nombreux passants un espace d'exposition dédié à l'Alsace », ce qui caractérisait un lien suffisant avec l'intérêt général, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les travaux poursuivaient un but d'intérêt général de mise en valeur d'un immeuble destiné à promouvoir le tourisme et le développement économique des départements du Haut Rhin et du Bas Rhin et constituaient des travaux publics, violant ainsi l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

4°) ALORS QUE ni le risque de contrariété de décisions ni la bonne administration de la justice n'autorise le juge judiciaire à porter atteinte au principe de séparation des juridictions judiciaires et administratives en statuant sur un litige relevant de la seule compétence du juge administratif ; qu'en considérant, pour retenir sa compétence, que le trouble causé par les travaux effectués pour le compte des deux départements alsaciens trouvait également sa source dans les travaux réalisés par la société Vinci Immobilier d'Entreprise, personne privée, au sein de l'immeuble sis au [Adresse 4], que les propriétaires pourraient être tenus in solidum à réparation et qu'il était donc dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice que le partage de responsabilité soit examiné pour une seule et même juridiction afin d'éviter une contrariété de décision, la cour d'appel qui s'est fondée sur des circonstances inopérantes, a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

5°) ALORS, ENFIN, QUE les juridictions administratives sont seules compétentes pour apprécier l'existence d'un trouble anormal du voisinage causé par un ouvrage public ou des travaux public et réparer le préjudice qui en résulte ; que dès lors, en affirmant que les juridictions judiciaires étaient seules compétentes pour apprécier le caractère anormal d'un trouble de voisinage et les conséquences commerciales et financières de ces troubles sur l'activité commerciale, privée, des victimes des troubles, y compris lorsqu'il a été causé par un ouvrage public ou des travaux public, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-12107
Date de la décision : 16/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif à un ouvrage public - Qualification - Activité exercée dans l'immeuble - But d'intérêt général - Défaut - Cas

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige relatif à des travaux publics - Qualification - But d'intérêt général - Appréciation souveraine

En l'absence de dommage causé par un ouvrage public ou par des travaux publics, le litige relève de la compétence de la juridiction judiciaire. D'une part, sont des ouvrages publics les biens immeubles résultant d'un aménagement qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public, ou qui, appartenant à une personne publique, sont affectés à un but d'intérêt général. La qualification d'ouvrage public s'apprécie à la date du fait générateur du dommage imputable à l'ouvrage. Une cour d'appel a donc retenu, à bon droit, que, si l'acquisition de l'immeuble par des personnes publiques avait été déclarée d'utilité publique, cette déclaration était sans effet sur la qualification de l'activité exercée dans l'immeuble au jour du dommage qui lui était imputé et, ayant relevé qu'il n'était pas établi que l'activité purement commerciale qui y était exercée à cette date remplissait une fonction d'intérêt général, elle en a exactement déduit que l'immeuble ne pouvait être qualifié d'ouvrage public. D'autre part, ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ceux-ci. Ainsi, ayant souverainement retenu qu'il n'était pas établi que les travaux avaient été effectués dans un but d'intérêt général, une cour d'appel en a exactement déduit qu'ils ne présentaient pas le caractère de travaux publics


Références :

Article 13 de la loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 fév. 2022, pourvoi n°21-12107, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.12107
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