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03/03/2022 | FRANCE | N°19-26314

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 mars 2022, 19-26314


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 237 F-D

Pourvoi n° V 19-26.314

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

M. [E] [T] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-26

.314 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la Société générale, so...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2022

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 237 F-D

Pourvoi n° V 19-26.314

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

M. [E] [T] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 19-26.314 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [T] [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 octobre 2019), la Société générale (la banque) a fait pratiquer, sur le fondement d'un acte authentique de prêt en date du 26 juin 2007, deux saisies-attributions à l'encontre de M. [T] [K] qui a saisi un juge de l'exécution d'une contestation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. [T] [K] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses contestations et demandes, de dire que les saisies-attributions pratiquées les 4 février 2015 entre les mains du Crédit mutuel du Mantois et le 14 décembre 2016 entre les mains de la SCP [V], Declety, [M], [V] et [B] à son préjudice et à la requête de la banque produiraient leur plein et entier effet, et de le débouter de sa demande indemnitaire, alors « que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour débouter Monsieur [T] [K] de sa demande tendant à voir déclarer nulles et de nul effet les mesures d'exécution litigieuses, la cour d'appel énonce qu'à défaut de preuve de l'affectation par le débiteur de son paiement à l'une des dettes contractées à l'égard de la banque, cette dernière devait procéder à son affectation conformément à la loi, en privilégiant le prêt du 14 avril 2006 qui était échu ; qu'en statuant ainsi, sans examiner le relevé de compte établi le 27 novembre 2014 par le notaire, à l'issue de la vente du bien de Mantes-la-Jolie acquis au moyen du prêt souscrit le 26 juin 2007, qui mentionnait expressément le remboursement à la banque de la somme de 150.689,79 € au titre du solde du prêt souscrit pour l'acquisition de ce bien, ainsi que les frais de mainlevée d'hypothèque consécutifs au paiement, et dont Monsieur [T] [K] se prévalait dans ses conclusions, pour établir l'affectation de ce paiement au remboursement du bien acquis au moyen du prêt du 26 juin 2007, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

3. Selon ce texte, le jugement doit être motivé.

4. Pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève d'abord que, le 14 avril 2006, la banque a consenti à M. [T] [K] et Mme [Z], un prêt dit « relais », d'un montant de 150 000 euros, dans l'attente de la vente d'une maison située [Adresse 2], afin de faire l'acquisition d'un bien situé dans un autre département, ce prêt stipulant au bénéfice du prêteur une garantie hypothécaire dont il n'est toutefois pas indiqué qu'elle aurait fait l'objet d'une inscription et que, le 26 juin 2007, la banque a consenti à M. [T] [K] un second emprunt, à son unique bénéfice, pour financer l'acquisition et les travaux d'un appartement situé [Adresse 4], garanti par un privilège du prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle complémentaire sur le bien acquis.

5. L'arrêt retient, ensuite, que l'affectation d'un paiement, par le débiteur de plusieurs dettes, doit se faire de manière expresse ou à défaut, non équivoque, que la lettre-chèque adressée par le notaire, mandataire de M. [T] [K], le 28 novembre 2007 ne comporte aucune autre mention que « remboursement de prêt » et ne peut dès lors constituer une affectation expresse au sens du texte et que les éléments antérieurs comportent par eux-mêmes trop de contradictions pour permettre de qualifier de « non équivoque » la volonté exprimée par le débiteur à l'égard de son créancier.

6. En se déterminant ainsi, sans analyser, même de façon sommaire, le relevé de compte établi, le 27 novembre 2014, par le notaire et produit par M. [T] [K], la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. M. [T] [K] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, pour débouter Monsieur [T] [K] de ses demandes, la cour d'appel énonce qu'à défaut de preuve de l'affectation par le débiteur de son paiement à l'une des dettes contractées à l'égard de la banque, cette dernière devait procéder à son affectation conformément à la loi, en privilégiant le prêt du 14 avril 2006 qui était échu ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le prêt de 2006 aurait été échu à la date du paiement litigieux, pour en déduire que le paiement effectué par Monsieur [T] [K] devait être imputé en priorité au remboursement de ce prêt, sans inviter les parties à présenter leurs observations préalables sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

9. Pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt retient qu'à défaut de preuve de l'affectation par le débiteur de son paiement à l'une des dettes contractées à l'égard de la banque, cette dernière devait procéder à son affectation conformément à la loi, qu'à la date du paiement, seul le prêt relais consenti le 14 avril 2006 pouvait être qualifié, de par sa nature, comme échu, le second emprunt étant en cours d'exécution et les échéances étant régulièrement versées et qu'en conséquence, c'est légitimement que la banque a procédé à l'affectation du paiement au solde du prêt consenti à M. [T] [K] et Mme [Z], celui-ci ne pouvant se prévaloir de l'extinction de sa dette à l'égard de la banque fondée sur l'acte authentique régularisé le 26 juin 2007.

10. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office et tiré de l'article 1276 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt confirmant le jugement entrepris entraîne la cassation du chef de dispositif déboutant M. [T] [K] de sa demande indemnitaire qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la Société générale aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société générale et la condamne à payer à M. [T] [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [T] [K]

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [T] [K] de l'ensemble de ses contestations et demandes, d'AVOIR dit que les saisies-attributions pratiquées les 4 février 2015 entre les mains du CRÉDIT MUTUEL DU MANTOIS et le 14 décembre 2016 entre les mains de la SCP [V] DECLETY [M] [V] et GOUT GENET au préjudice de Monsieur [T] [K] et à la requête de la SOCIETE GENERALE produiraient leur plein et entier effet, et d'AVOIR débouté Monsieur [T] [K] de sa demande indemnitaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur l'exception de nullité soulevée par Monsieur [T] [K] ; l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que « Le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution » ; pour soutenir que les actes d'exécution mis en oeuvre par la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE seraient nuls et de nul effet, Monsieur [T] [K] fait valoir que la créance que cette dernière prétend détenir à son encontre a été intégralement soldée le 28 novembre 2007, ce que le créancier conteste, indiquant que les fonds versés ont été affectés au paiement d'un autre emprunt ; l'article 1253 du code civil, devenu 1342-10, dispose que le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter ; il ressort des pièces versées que Monsieur [T] [K] était propriétaire d'une maison située [Adresse 2] ; le 14 avril 2006, la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE lui consent, ainsi qu'à Mme [Z], un prêt dit « relais » d'un montant de 150.000 €, dans l'attente de la vente de cette maison, afin de faire l'acquisition d'un bien situé dans un autre département (à [Localité 5], département de l'HÉRAULT), ce prêt, numéroté 806001503991, stipulait au bénéfice du préteur une garantie hypothécaire dont il n'est toutefois pas indiqué qu'elle aurait fait l'objet d'une inscription ; puis le 26 juin 2007 la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE lui consent un second emprunt, à son unique bénéfice, pour financer l'acquisition et les travaux d'un appartement situé [Adresse 4], garanti par un privilège du préteur de deniers et une hypothèque conventionnelle complémentaire sur le bien acquis ; le 16 novembre 2007 Me [O], notaire de Monsieur [T] [K] ayant suivi l'intégralité des transactions immobilières, écrit à la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, en ces termes : « M. [K] [T] m 'a chargé de le représenter dans le cadre de la vente citée en référence ([T] [K]/[Localité 6]).
Les biens vendus sont affectés à la sûreté et garantie du remboursement du prêt que vous leur avez consenti et dont les références sont les suivantes : 806001503991. Je vous remercie de bien vouloir me faire parvenir un arrêté de compte en principal et intérêt faisant ressortir les sommes que j'aurai à vous adresser sur le produit de la vente pour obtenir, de votre part, mainlevée entière et définitive de vos inscriptions » ; le 19 novembre 2007 la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE indiquait que les sommes dues au titre du prêt s'élevaient à 150.000 € en capital, outre les intérêts impayés cumulés au 7 novembre, soit 150.689,79 € ; elle recevait par la suite paiement de cette somme par lettre chèque adressée le 28 novembre 2007, mentionnant uniquement « remboursement de prêt » ; le 4 mars 2008, la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et Monsieur [T] [K] régularisaient un avenant au contrat de prêt authentique signé le 16 novembre 2007 portant substitution des garanties affectées en raison de la vente du bien grevé sis [Adresse 4], sans que ce dernier ne soit manifestement suivi de publication ; le 23 septembre 2009 la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE écrivait au notaire que le prêt de 150.000 € consenti « à MM. [T] [K]/[Z] a été intégralement remboursé le 20/11/2007. Nous vous donnons notre accord pour procéder à la radiation de l'inscription nous concernant » ; le courrier précise que la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'était « pas » en possession des pièces exécutoires et ne contient aucune précision quant aux inscriptions concernées ; le 25 novembre 2011, la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a prononcé la déchéance du terme de l'emprunt souscrit le 26 juin 2007, réclamant paiement de la somme de 205.195,38 € ; Monsieur [T] [K] soutient que le paiement intervenu le 28 novembre 2007 a soldé le prêt du 26 juin 2007 dès lors qu'il ressortait clairement des termes du courrier du notaire que c'était bien le prêt garanti par des sûretés immobilières dont le remboursement anticipé était envisagé, afin justement de permettre leur radiation et donc la vente du bien ; il considère que la seule erreur du notaire, qui a visé le mauvais numéro de contrat de prêt, ne peut modifier le sens de la demande adressée au créancier, ni la réponse apportée ; il ajoute que le montant réclamé par la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE était tout à fait cohérent avec le second emprunt, dès lors que seule la première partie du prêt avait été décaissée (à l'exclusion de celle relative au financement de travaux), contestant sur ce point les affirmations contraires de l'intimée ; se fondant sur les dispositions des articles 1253 et suivants du code civil, Monsieur [T] [K] argue de ce qu'il était en droit d'affecter les paiements adressés à son créancier, ce qu'il a fait par l'intermédiaire de son mandataire sans ambiguïté selon lui dès lors qu'il procédait à un paiement en contrepartie de la mainlevée des sûretés assortissant exclusivement le second emprunt, mainlevée que la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a par ailleurs confirmée ; en réponse la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait valoir que le notaire l'a interrogée expressément sur un autre prêt en visant uniquement un numéro, à l'exclusion de tout autre élément d'identification ; elle ajoute que le prêt du 26 juin 2007 portait sur une somme totale de 250.000 €, intégralement décaissée au jour de la signature de l'acte authentique conformément aux stipulations contractuelles et en déduit que Monsieur [T] [K] aurait nécessairement dû comprendre qu'il ne remboursait pas ce second prêt en versant la somme de 150.000 € ; la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en déduit que seul le prêt relais consenti le 14 avril 2006, qui avait vocation à être remboursé rapidement, pouvait être concerné par les échanges de 2007, légitimant ainsi l'affectation du paiement qu'elle a réalisé ; elle soutient encore que les correspondances suivantes permettent de confirmer que les parties comme le notaire avaient admis que le paiement était imputé sur le prêt relais et cherchaient une solution pour substituer les garanties, la signature de l'avenant par Monsieur [T] [K] le 12 février 2008 emportant reconnaissance de ce chef ; il résulte des textes susvisés que l'affectation d'un paiement, par le débiteur de plusieurs dettes, doit se faire de manière expresse ou à défaut, non équivoque ; la lettre-chèque adressée par le notaire, mandataire de Monsieur [T] [K], ne comporte aucune autre mention que « remboursement de prêt » et ne peut dès lors constituer une affectation expresse au sens du texte ; les éléments antérieurs comportent par eux-mêmes trop de contradictions pour permettre de qualifier de « non équivoque » la volonté exprimée par le débiteur à l'égard de son créancier ; en effet, si le premier courrier du notaire informe de la vente de biens « affectés à la sûreté et la garantie du remboursement du prêt », ce qui aurait dû conduire à écarter le prêt relais, il porte à l'inverse mention du numéro de ce prêt relais, outre la formule « que vous leur avez consenti », étant rappelé que Monsieur [T] [K] n'était pas seul débiteur du prêt relais, contrairement à l'emprunt classique ; dans ces conditions, à défaut de preuve de l'affectation par le débiteur de son paiement à l'une des dettes contractées à l'égard de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, cette dernière devait procéder à son affectation conformément à la loi ; à la date du paiement, seul le prêt relais consenti le 14 avril 2006 pouvait être qualifié, de par sa nature, comme échu, le second emprunt étant en cours d'exécution et les échéances étant régulièrement versées ; en conséquence c'est légitimement que la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a procédé à l'affectation du paiement au solde du prêt consenti à Monsieur [T] [K] et Madame [Z] et l'appelant ne peut se prévaloir de l'extinction de sa dette à l'égard de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fondée sur l'acte authentique régularisé le 26 juin 2007 ; le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [T] [K] tendant à voir déclarer nul et de nul effet les mesures d'exécution engagées par la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à son encontre ; par ailleurs, Monsieur [T] [K] ne sollicitant pas, à titre subsidiaire, la mainlevée partielle des saisies pratiquées, il convient de dire que les saisies produiront plein et entier effet à hauteur des sommes pour lesquelles elles ont été pratiquées ; Sur la demande indemnitaire présentée par Monsieur [T] [K] ; se fondant en premier lieu sur les dispositions de l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur d'ordonnance du 10 février 2016, devenu 1302-1, Monsieur [T] [K] sollicite la condamnation de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à lui restituer 6.828,90 € qu'elle a perçu à titre « d'acompte » sur la date contestée ; néanmoins, comme le souligne justement l'intimée, il résulte de ce qui précède que la dette contractée par Monsieur [T] [K] à l'égard de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, fondée sur l'acte authentique du 26 juin 2007, n'est pas soldée, de sorte que la demande formée au titre d'une éventuelle répétition de l'indu ne peut qu'être rejetée ; en second lieu Monsieur [T] [K] sollicite la condamnation de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à lui verser des dommages-intérêts pour engagement abusif de poursuite ; néanmoins, à nouveau, il découle de ce qui précède qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'intimée, créancière d'une somme liquide et exigible, la demande devant être rejetée » (arrêt pp. 4 à 8) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « il résulte de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution que seul un créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir paiement, pratiquer une saisie-attribution ; aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d‘exécution donne au juge de l'exécution le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie ; en l'espèce, les deux saisies-attributions successives visent un même titre exécutoire, un acte authentique notarié du 27 juin 2007, étant précisé que la première saisie-attribution entre les mains du CREDIT MUTUEL s‘est avérée vaine ; il ressort des pièces versées aux débats, outre l'acte authentique précité contenant prêt au profit Monsieur [T] [K], des documents contractuels produits par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ainsi que les courriers échangés avec le notaire, que contrairement aux affirmations de Monsieur [E] [T] [K], le remboursement qu'il invoque concerne non pas le prêt objet de l'acte authentique du 27 juin 2007 mais un autre prêt, un prêt-relais, pour le financement d'un autre bien immobilier, étant observé au surplus que Monsieur [E] [T] [K] est bien incapable de produire une quelconque preuve du remboursement de l'autre prêt ; dès lors, et sans rentrer dans le détail de l'argumentation des parties, il y a lieu de rejeter les demandes du requérant et de valider les saisies opérées par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ; eu égard à la solution donnée au litige, il y a lieu de rejeter également les demandes de remboursement des sommes prétendument versées indûment et de dommages et intérêts » (jugement, pp. 3 et 4) ;

ALORS QUE 1°), les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que, pour débouter Monsieur [T] [K] de sa demande tendant à voir déclarer nulles et de nul effet les mesures d'exécution litigieuses, la cour d'appel énonce qu'à défaut de preuve de l'affectation par le débiteur de son paiement à l'une des dettes contractées à l'égard de la banque, cette dernière devait procéder à son affectation conformément à la loi, en privilégiant le prêt du 14 avril 2006 qui était échu ; qu'en statuant ainsi, sans examiner le relevé de compte établi le 27 novembre 2014 par le notaire, à l'issue de la vente du bien de MANTES-LA-JOLIE acquis au moyen du prêt souscrit le 26 juin 2007 (pièce produite en appel, n° 8), qui mentionnait expressément le remboursement à la banque de la somme de 150.689,79 € au titre du solde du prêt souscrit pour l'acquisition de ce bien, ainsi que les frais de mainlevée d'hypothèque consécutifs au paiement, et dont Monsieur [T] [K] se prévalait dans ses conclusions (p. 6), pour établir l'affectation de ce paiement au remboursement du bien acquis au moyen du prêt du 26 juin 2007, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE 2°), le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter ; que Monsieur [T] [K] faisait valoir, dans ses conclusions (pp. 2 à 5), que c'était pour permettre la revente du bien acquis à [Localité 6] le 26 juin 2007, sur lequel étaient inscrites les garanties bénéficiant à la banque au titre du prêt souscrit à cette même date, que le notaire avait demandé à la banque, le 16 novembre 2007, de lui fournir un arrêté de compte lui permettant de solder ce prêt et d'obtenir la mainlevée des garanties inscrites sur ce bien ; que Monsieur [T] [K] en déduisait que, cette demande ne pouvant, en aucun cas, avoir pour objet de solder le prêt antérieurement souscrit le 14 avril 2006 pour l'acquisition du bien de [Localité 5], puisque ce remboursement n'aurait, par définition, permis aucune mainlevée des garanties affectant le bien de [Localité 6] proposé à la revente, le paiement du solde du prêt intervenu le 20 novembre 2007 n'avait, à l'évidence, été imputé qu'au remboursement du prêt du 26 juin 2007 ; qu'en se bornant à affirmer que la lettre-chèque adressée par le notaire ne comportait aucune autre mention que « remboursement de prêt », et que les éléments antérieurs comportaient trop de contradictions pour permettre de qualifier de « non équivoque » la volonté exprimée par le débiteur à l'égard de son créancier concernant l'affectation du paiement ainsi intervenu à l'un ou l'autre prêt de 2006 et 2007, sans rechercher, comme l'y invitait Monsieur [T] [K], si compte tenu de la chronologie des évènements, du projet de revente du bien de MANTES-LA-JOLIE pour lequel le notaire était intervenu auprès de la banque, et de la nécessité corrélative d'obtenir la mainlevée des garanties inscrites sur ce bien au moyen du prêt de 2007, il était exclu que le paiement libératoire ait pu être affecté au remboursement du prêt antérieur de 2006 qui n'aurait, en toute hypothèse, pas permis d'obtenir la mainlevée des garanties affectant le bien de MANTES-LA-JOLIE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1253 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE 3°), le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, pour débouter Monsieur [T] [K] de ses demandes, la cour d'appel énonce qu'à défaut de preuve de l'affectation par le débiteur de son paiement à l'une des dettes contractées à l'égard de la banque, cette dernière devait procéder à son affectation conformément à la loi, en privilégiant le prêt du 14 avril 2006 qui était échu ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le prêt de 2006 aurait été échu à la date du paiement litigieux, pour en déduire que le paiement effectué par Monsieur [T] [K] devait être imputé en priorité au remboursement de ce prêt, sans inviter les parties à présenter leurs observations préalables sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS, TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE 4°), il est interdit au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en affirmant qu'à la date du paiement litigieux, soit le 20 novembre 2007, seul le prêt relais consenti le 14 avril 2006 « pouvait être qualifié, de par sa nature, comme échu », quand le contrat de prêt relais consenti le 14 avril 2006 stipulait une « durée du prêt » de 24 mois, de sorte qu'au 20 novembre 2007, ce prêt ne pouvait être considéré comme échu, la cour d'appel a dénaturé le contrat de prêt susvisé, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-26314
Date de la décision : 03/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 24 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 mar. 2022, pourvoi n°19-26314


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.26314
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