LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 juin 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 625 F-D
Pourvoi n° G 20-11.748
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022
1°/ la société Service location et transport, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en liquidation judiciaire par jugement du 16 juillet 2020 du tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône,
2°/ la société Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service location et transport,
3°/ la société AJ partenaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Service location et transport,
ont formé le pourvoi n° G 20-11.748 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant à M. [N] [T], domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Service location et transport, en liquidation judiciaire, la société Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service location et transport, et la société AJ partenaires, en qualité de mandataire judiciaire de la société Service location et transport, de Me Balat, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la SCP Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service location et transport, de la reprise de l'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 17 décembre 2019), le 5 février 2014, la société Service location et transport (la société SLT) a engagé M. [T], qui a démissionné le 5 décembre 2014.
3. M. [T] a saisi en référé un conseil de prud'hommes en vue d'obtenir la remise des documents de fin de contrat.
4. Par une ordonnance de référé du 8 septembre 2015, confirmée par un arrêt d'une cour d'appel du 11 février 2016, la société SLT a été condamnée à remettre à M. [T] certains documents, sous astreinte provisoire de 150 euros par document et par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l'ordonnance.
5. Le 23 mars 2015, M. [T] a saisi au fond un conseil de prud'hommes, lequel a, par un jugement du 16 novembre 2016, notamment débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.
6. M. [T] a interjeté appel de ce jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SCP Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, ès qualités, fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [T] la somme de 8 870 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire assortissant l'obligation mise à la charge de la société SLT par l'ordonnance de référé du 8 septembre 2015 rendue par le conseil de prud'hommes de Châlon-sur-Saône et d'assortir cette même obligation d'une astreinte définitive de 20 euros par jour de retard courant à compter du 10e jour suivant la signification de l'arrêt et pour une durée de deux mois, alors « que la décision de référé qui n'a pas, au principal, l'autorité de chose jugée, devient caduque lorsque le juge du fond a statué sur une demande ayant le même objet, quels que soient les motifs de cette décision ; que l'ordonnance de référé en date du 8 septembre 2015 avait ordonné à la société SLT sous astreinte, de remettre à M. [T] notamment une attestation pour la caisse de congés payés ; que M. [T] avait ensuite demandé, au fond, la condamnation sous astreinte, de l'employeur à lui remettre la même pièce, et avait été débouté de cette demande par un jugement rendu le 16 novembre 2016 ; que les deux instances ayant ainsi le même objet, la décision du juge du fond, quels qu'en soient les motifs, se substituait à la décision de référé, de sorte que l'astreinte prononcée par celle-ci était caduque et ne pouvait être liquidée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 488 du code de procédure civile et 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt relève que l'ordonnance de référé du 8 septembre 2015, confirmée le 11 février 2016, a ordonné à la société SLT de remettre à M. [T] un certificat pour la caisse de congés payés, et que le jugement du 16 novembre 2016, qui lui est postérieur, a débouté M. [T] de sa demande en réparation du préjudice résultant du défaut de remise des documents légaux au motif que la société SLT avait, conformément à l'ordonnance de référé et à l'arrêt rendu, rempli ses obligations en adressant à M. [T] les documents de fin de contrat.
9. De ces constatations, faisant ressortir que le juge du fond n'avait pas statué sur la même demande que celle présentée au juge des référés, la cour d'appel a exactement déduit que l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du 16 novembre 2016 ne faisait pas obstacle à la demande de liquidation de l'astreinte.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service location et transport, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service location et transport, et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Service location et transport (SLT), en liquidation judiciaire, la société Bécheret Thierry Sénéchal Gorrias, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service location et transport, et la société AJ partenaires, en qualité de mandataire judiciaire de la société Service location et transport
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SLT à payer à M. [T] la somme de 8 870 € au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire assortissant l'obligation mise à la charge de la société SLT par l'ordonnance de référé rendue le 8 septembre 2015 par le conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, et d'avoir en outre assorti cette même obligation d'une astreinte définitive de 20 € par jour de retard courant à compter du 10ème jour suivant la signification de l'arrêt et pour une durée de deux mois ;
AUX MOTIFS QUE si, en application de l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de chose jugée, elle est toutefois exécutoire à titre provisoire à compter de sa signification ; QU'en l'espèce, l'ordonnance de référé rendue le 8 septembre 2015 et confirmée le 11 février 2016 par la cour de céans, qui a ordonné à la société Service location et transport de remettre à M. [T] un certificat pour la caisse de congés payés, et qui est devenue exécutoire le 10 septembre 2010, n'a pas été contredite par le jugement rendu au fond qui lui est postérieur et qui a débouté M. [T] de sa demande en réparation du préjudice résultant du défaut de remise des documents légaux au motif que la société Service location et transport avait, conformément à l'ordonnance de référé et à l'arrêt rendu, parfaitement rempli ses obligations en adressant à M. [T] les documents de fin de contrat ; QUE c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du 16 novembre 2016 ne faisait pas obstacle à la demande de liquidation d'astreinte ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE, QUE la décision du conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône en date du 16 novembre 2016, a débouté M. [T] de l'intégralité de ses demandes ; QUE les conseillers, dans ce jugement et après avoir précisément dans l'exposé de prétentions repris les demandes, comprenant celle de la remise de documents par l'employeur, à savoir le certificat pour la caisse des congés payés, outre quatre autres types de documents, se sont attachés, dans les motifs développés au sujet de la demande de dommages-intérêts pour non remise des documents légaux, à relever que la défenderesse a respecté les termes de l'ordonnance de référé et l'arrêt confirmatif, tous deux précités, et retenu que l'employeur a produit l'ensemble des documents de fin de contrat ; QUE les parties n'ont pas discuté la régularité de la notification de ce dernier jugement et le directeur de greffe de la cour d'appel de Dijon a certifié le 26 janvier 2017 que cette décision n'a pas fait l'objet d'appel ; QU'il résulte de ce qui précède que dernier jugement sur le fond ne vient donc pas contredire les deux décisions précitées en disant la production d'un certificat au profit de la caisse de congés payés litigieuse infondée ;
ALORS QUE la décision de référé qui n'a pas, au principal, l'autorité de chose jugée, devient caduque lorsque le juge du fond a statué sur une demande ayant le même objet, quels que soient les motifs de cette décision ; que l'ordonnance de référé en date du 8 septembre 2015 avait ordonné à la société SLT sous astreinte, de remettre à M. [T] notamment une attestation pour la caisse de congés payés ; que M. [T] avait ensuite demandé, au fond, la condamnation sous astreinte, de l'employeur à lui remettre la même pièce, et avait été débouté de cette demande par un jugement rendu le 16 novembre 2016 ; que les deux instances ayant ainsi le même objet, la décision du juge du fond, quels qu'en soient les motifs, se substituait à la décision de référé, de sorte que l'astreinte prononcée par celle-ci était caduque et ne pouvait être liquidée ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 488 du code de procédure civile et 1355 du code civil.