LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 juin 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 548 F-B
Pourvoi n° M 21-10.720
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2022
M. [O] [E], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° M 21-10.720 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [C], domicilié [Adresse 5],
2°/ à la société In Extenso Périgord, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société MMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Laurence Diot-Dudreuilh et Anne-Elisabeth Rey, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [E], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C], de la société In Extenso Périgord, de la société MMA, de la société Laurence Diot-Dudreuilh et Anne Elisabeth Rey, après débats en l'audience publique du 24 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 30 novembre 2020), M. [D], expert-comptable exerçant au sein de la société In Extenso Périgord (la société), assurée auprès de la société Covea Risk, devenue la société MMA, a proposé à M. [E], qui exploitait en son nom propre un fonds de commerce, un montage juridique lui permettant de céder ce fonds sans être imposé au titre des plus-values.
2. Par acte du 3 avril 2001 reçu par M. [C] (le notaire), notaire associé de la société civile professionnelle Laurence Diot-Dudreuilh et Anne-Elisabeth Rey (la SCP), M. [E] a donné son fonds de commerce en location gérance à la société Xantis, dont il était gérant et associé majoritaire.
3. Le 29 août 2007, l'administration fiscale lui a notifié un redressement d'un montant de 66 960 euros au titre de l'imposition des plus-values. Par arrêt confirmatif du 7 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la demande de M. [E] tendant à faire reconnaître son droit à l'exonération.
4. Les 14 et 23 mars 2016, M. [E] a assigné le notaire, la SCP, la société et son assureur en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. M. [E] fait grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable comme prescrite, alors « que le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d'agir ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action contre l'expert-comptable et le notaire à la date où M. [E] avait eu connaissance du redressement fiscal dont il faisait l'objet, après avoir relevé, d'une part, que celui-ci avait contesté cette dette fiscale en introduisant un recours contentieux dont le sort n'avait été définitivement connu que le 7 janvier 2014, date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant ce recours, et, d'autre part, que l'action avait été introduite dans le courant du mois de mars 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil :
6. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
7. Pour déclarer l'action de M. [E] prescrite, l'arrêt retient que le délai de prescription a couru à compter de la lettre de redressement reçue le 29 août 2007 par laquelle l'administration fiscale l'a informé que la cession devait faire l'objet d'une imposition au titre des plus-values.
8. En statuant ainsi, alors que le dommage de M. [E] ne s'était réalisé que le 7 janvier 2014, date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant rejeté son recours et constituant le point de départ du délai de prescription quinquennal, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne la société In Extenso Périgord, la société MMA, M. [C] et la société civile professionnelle Laurence Diot-Dudreuilh et Anne-Elisabeth Rey aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. [E] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [E]
M. [E] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR constaté la prescription de l'action qu'il a engagée ;
ALORS QUE le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d'agir ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription de l'action contre l'expert-comptable et le notaire à la date où M. [E] avait eu connaissance du redressement fiscal dont il faisait l'objet, après avoir relevé, d'une part, que celui-ci avait contesté cette dette fiscale en introduisant un recours contentieux dont le sort n'avait été définitivement connu que le 7 janvier 2014, date de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant ce recours, et, d'autre part, que l'action avait été introduite dans le courant du mois de mars 2016, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2224 du code civil.