LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 juillet 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 590 F-D
Pourvoi n° E 21-19.799
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022
La société Ravet et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-19.799 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Parella, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Ravet et associés, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Parella, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 20 mai 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.782), la société Parella Partners, qui a pour activité, notamment, le conseil opérationnel en immobilier d'entreprise, a été contactée par la société d'avocats Ravet et associés qui souhaitait changer de locaux.
2. Le 14 juillet 2010, elle lui a transmis un projet de bail négocié portant sur un immeuble que la société Ravet et associés a pris à bail commercial, la date d'entrée dans les lieux étant fixée au 1er septembre 2010.
3. La société Parella Partners a vainement réclamé à la société Ravet et associés le paiement d'honoraires, puis l'a assignée en paiement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société Ravet et associés fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Parella Partners une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que nul ne peut obtenir la réparation d'un préjudice consistant en la perte de revenus tirés d'une activité illicite ; qu'en l'espèce, l'exposante avait soutenu que la société Parella ne disposait pas d'une carte professionnelle lui permettant d'exercer une activité soumise à la loi n° 70-9 du 7 janvier 1970, dite loi Hoguet ; que la société Parella n'a pas contesté ce point, qui était donc acquis au débats ; que la cour d'appel a indemnisé la société Parella d'un préjudice constitué par la perte de la rémunération à laquelle elle prétendait au titre d'une activité qu'elle avait exercée en contrariété avec les dispositions précitées ; qu'en réparant ainsi un préjudice illicite, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce ;
2°/ que la faute de la victime qui participe à la survenance de son préjudice produit à l'égard du responsable un effet exonératoire ; qu'en indemnisant intégralement la société Parella de son préjudice sans avoir eu égard à la faute commise par elle ayant concouru à la réalisation du préjudice dont elle demandait réparation en négligeant à se faire délivrer la carte professionnelle nécessaire avant d'exercer l'activité d'intermédiaire immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et de l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, la société Ravet et associés n'a pas contesté, en cause d'appel, au motif de l'impossibilité d'obtenir la réparation d'un préjudice consistant en la perte de revenus tirés d'une activité illicite, la motivation du jugement qui avait alloué des dommages-intérêts à la société Parella Partners sur le fondement de l'abus de droit qu'elle avait commis.
6. En second lieu, la société Ravet et associés n'ayant pas soutenu que la faute de la victime, qui participe à la survenance de son préjudice, produit à l'égard du responsable un effet exonératoire, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.
7. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ravet et associés aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Ravet et associés
La société Ravet et associés fait grief à la décision attaquée de l'avoir condamnée à payer à la société Parella la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts.
alors 1°/ que nul ne peut obtenir la réparation d'un préjudice consistant en la perte de revenus tirés d'une activité illicite ; qu'en l'espèce, l'exposante avait soutenu que la société Parella ne disposait pas d'une carte professionnelle lui permettant d'exercer une activité soumise à la loi n° 70-9 du 7 janvier 1970, dite loi Hoguet (conclusions p. 8 § 1 à 3) ; que la société Parella n'a pas contesté ce point, qui était donc acquis au débats ; que la cour d'appel a indemnisé la société Parella d'un préjudice constitué par la perte de la rémunération à laquelle elle prétendait au titre d'une activité qu'elle avait exercée en contrariété avec les dispositions précitées ; qu'en réparant ainsi un préjudice illicite, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce ;
Alors 2° / que la faute de la victime qui participe à la survenance de son préjudice produit à l'égard du responsable un effet exonératoire ; qu'en indemnisant intégralement la société Parella de son préjudice sans avoir eu égard à la faute commise par elle ayant concouru à la réalisation du préjudice dont elle demandait réparation en négligeant à se faire délivrer la carte professionnelle nécessaire avant d'exercer l'activité d'intermédiaire immobilier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et de l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970.