LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 novembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1171 F-D
Pourvoi n° N 20-20.791
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2022
La société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-20.791 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2020 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à M. [M] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, de Me Balat, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 juillet 2020), la Caisse d'épargne de Picardie, désormais dénommée Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France (la banque), a sollicité la saisie des rémunérations de M. [J] en vertu d'un acte notarié contenant prêt.
2. Par jugement du 15 février 2019, un tribunal d'instance a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la banque.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite et de ce fait sa demande de saisie des rémunérations de M. [M] [J] irrecevable, alors :
« 1°/ que la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu'il engage ; que sont dès lors atteintes par la caducité les conclusions prises par les parties dans le cadre de ladite procédure de saisie immobilière, de sorte qu'il ne saurait en être tiré aucune conséquence quant à la volonté du débiteur de contester la créance du créancier ; qu'en l'espèce, par un jugement du 15 décembre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Amiens a constaté la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à M. [J] le 27 janvier 2012 ; que la caducité du commandement avait donc atteint tous les actes de procédure subséquents en ce compris les conclusions de M. [J] du 18 mars 2013 et du 21 octobre 2014 prises dans le cadre de la procédure de saisie immobilière et aux termes desquelles celui-ci avait soulevé la prescription de la créance de la banque ; qu'en affirmant, par motifs propres et adoptés, et en se fondant expressément sur lesdites conclusions de M. [J], que les règlements intervenus les 14 mars 2013 et 17 mai 2013 étaient intervenus sous la menace de la vente forcée de l'immeuble et ne pouvaient caractériser une reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit du créancier, quand l'ensemble des actes de procédure s'inscrivaient dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière atteinte de caducité et étaient donc rétroactivement privés de tout effet, la cour d'appel a violé les articles 2240 du code civil et R. 322-27 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ;
2°/ que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que cette reconnaissance du droit du créancier résulte de l'émission et de la remise d'un chèque par le débiteur au profit du créancier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. [M] [J] avait, le 14 février 2013, émis un chèque d'un montant de 700 € établi à l'ordre de la CARPA ; qu'en considérant que l'émission du chèque le 14 février 2013 n'avait pas interrompu le délai de prescription de la créance de la banque, aux motifs inopérants que la date valant paiement libératoire n'était pas celle de l'émission mais celle de l'encaissement du chèque, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil, ensemble l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
4. Ayant estimé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le règlement du 14 mars 2013, tout comme celui du 17 mai 2013, étaient intervenus sous la menace de la vente forcée de l'immeuble du débiteur, la cour d'appel a pu retenir que ces éléments ne pouvaient caractériser la reconnaissance non équivoque par ce dernier du droit du créancier.
5. Ayant souverainement constaté l'absence de tout autre acte interruptif de prescription, elle en a exactement déduit que la prescription était acquise pour l'ensemble de la créance au 28 mars 2013.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France
La Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts de France fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré son action prescrite et de ce fait sa demande de saisie des rémunérations de M. [M] [J] irrecevable ;
alors 1°/ que la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière le prive rétroactivement de tous ses effets et atteint tous les actes de la procédure de saisie qu'il engage ; que sont dès lors atteintes par la caducité les conclusions prises par les parties dans le cadre de ladite procédure de saisie immobilière, de sorte qu'il ne saurait en être tiré aucune conséquence quant à la volonté du débiteur de contester la créance du créancier ; qu'en l'espèce, par un jugement du 15 décembre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Amiens a constaté la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière délivré à M. [J] le 27 janvier 2012 ; que la caducité du commandement avait donc atteint tous les actes de procédure subséquents en ce compris les conclusions de M. [J] du 18 mars 2013 et du 21 octobre 2014 prises dans le cadre de la procédure de saisie immobilière et aux termes desquelles celui-ci avait soulevé la prescription de la créance de la banque ; qu'en affirmant, par motifs propres et adoptés, et en se fondant expressément sur lesdites conclusions de M. [J], que les règlements intervenus les 14 mars 2013 et 17 mai 2013 étaient intervenus sous la menace de la vente forcée de l'immeuble et ne pouvaient caractériser une reconnaissance non équivoque par le débiteur du droit du créancier, quand l'ensemble des actes de procédure s'inscrivaient dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière atteinte de caducité et étaient donc rétroactivement privés de tout effet, la cour d'appel a violé les articles 2240 du code civil et R. 322-27 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ;
alors 2°/ que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ; que cette reconnaissance du droit du créancier résulte de l'émission et de la remise d'un chèque par le débiteur au profit du créancier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. [M] [J] avait, le 14 février 2013, émis un chèque d'un montant de 700 € établi à l'ordre de la CARPA ; qu'en considérant que l'émission du chèque le 14 février 2013 n'avait pas interrompu le délai de prescription de la créance de la banque, aux motifs inopérants que la date valant paiement libératoire n'était pas celle de l'émission mais celle de l'encaissement du chèque, la cour d'appel a violé l'article 2240 du code civil, ensemble l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation.