LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 novembre 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 819 F-D
Pourvoi n° M 21-12.721
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022
Mme [V] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-12.721 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2020 par la cour d'appel de Nîmes (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Le Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [P], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés Crédit logement et Le Crédit lyonnais, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 novembre 2020), la société Le Crédit lyonnais (la banque) a consenti à Mme [P] (l'emprunteur) un prêt immobilier, dont la société Crédit logement (la caution) s'est portée caution solidaire le 2 octobre 2010.
2. L'emprunteur s'étant montré défaillant, la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt.
3. Ayant désintéressé le créancier, la caution a agi en paiement contre l'emprunteur, qui a assigné la banque.
4. Les instances ont été jointes.
Examen du moyen
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de dommages-intérêts de l'emprunteur
Enoncé du moyen
5. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors « que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que revêt un caractère abusif la clause qui permet à l'établissement prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, en cas de non-paiement d'une seule échéance et sans tenir compte de régularisations postérieures, en dispensant le prêteur de procéder préalablement à une mise en demeure et de saisir le juge ; que pour écarter le moyen opposé par l'emprunteur à la caution dans le cadre de son recours, pris de l'absence de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d'appel a énoncé que « faisant application des dispositions de l'article 5 [des conditions générales] qui prévoit que les sommes dues sont exigibles de plein droit, sans mise en demeure préalable de manière expresse et non équivoque dans l'hypothèse du non-paiement d'une échéance, le prêteur a pu à juste titre prononcer la déchéance du terme et par ailleurs encaisser les sommes versées postérieurement (la date des courriers et chèques est le 31 octobre 2015) à cette déchéance du terme venant en déduction des sommes restant dues » ; qu'en statuant ainsi, pour en déduire que le débiteur, qui avait pourtant régularisé sa situation à l'égard du prêteur, ne pouvait opposer à la caution l'absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, sans rechercher d'office si la clause prévue par l'article 5 des conditions générales du prêt, qui dispensait l'établissement prêteur de toute mise en demeure et d'une saisine du juge avant de prononcer unilatéralement la déchéance du terme dès la première échéance impayée et sans que soit prise en compte une régularisation postérieure, ne créait pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu'elle revêtait un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
6. Les motifs critiqués par le moyen n'étant pas le soutien du chef de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts de l'emprunteur, ce moyen est inopérant.
Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'emprunteur à payer à la caution une certaine somme au titre du prêt
Enoncé du moyen
7. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la caution une certaine somme au titre du prêt, alors « que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que revêt un caractère abusif la clause qui permet à l'établissement prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, en cas de non-paiement d'une seule échéance et sans tenir compte de régularisations postérieures, en dispensant le prêteur de procéder préalablement à une mise en demeure et de saisir le juge ; que pour écarter le moyen opposé par l'emprunteur à la caution dans le cadre de son recours, pris de l'absence de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d'appel a énoncé que « faisant application des dispositions de l'article 5 [des conditions générales] qui prévoit que les sommes dues sont exigibles de plein droit, sans mise en demeure préalable de manière expresse et non équivoque dans l'hypothèse du non-paiement d'une échéance, le prêteur a pu à juste titre prononcer la déchéance du terme et par ailleurs encaisser les sommes versées postérieurement (la date des courriers et chèques est le 31 octobre 2015) à cette déchéance du terme venant en déduction des sommes restant dues » ; qu'en statuant ainsi, pour en déduire que le débiteur, qui avait pourtant régularisé sa situation à l'égard du prêteur, ne pouvait opposer à la caution l'absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, sans rechercher d'office si la clause prévue par l'article 5 des conditions générales du prêt, qui dispensait l'établissement prêteur de toute mise en demeure et d'une saisine du juge avant de prononcer unilatéralement la déchéance du terme dès la première échéance impayée et sans que soit prise en compte une régularisation postérieure, ne créait pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu'elle revêtait un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
8. Si, en application de l'article 2308, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, un débiteur peut faire valoir auprès de sa caution les moyens qu'il aurait eus pour faire déclarer sa dette éteinte avant que celle-ci paye le créancier en ses lieu et place, il ne peut toutefois pas se prévaloir de l'irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations.
9. La cour d'appel a constaté que, pour faire échec au recours de la caution, l'emprunteur invoquait l'irrégularité de la déchéance du terme du prêt.
10. Il en résulte que la demande en paiement de la caution au titre du prêt ne pouvait qu'être accueillie.
11. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
12. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des articles 3, § 1, et 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soumise par l'emprunteur.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour Mme [P].
Mme [P] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à la société Crédit Logement la somme de 108.428,62 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2016 et de l'avoir déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
ALORS QUE le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que revêt un caractère abusif la clause qui permet à l'établissement prêteur de prononcer la déchéance du terme, rendant immédiatement exigibles les sommes dues, en cas de non-paiement d'une seule échéance et sans tenir compte de régularisations postérieures, en dispensant le prêteur de procéder préalablement à une mise en demeure et de saisir le juge ; que pour écarter le moyen opposé par Mme [P] à la caution dans le cadre de son recours, pris de l'absence de mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme, la cour d'appel a énoncé que « faisant application des dispositions de l'article 5 [des conditions générales] qui prévoit que les sommes dues sont exigibles de plein droit, sans mise en demeure préalable de manière expresse et non équivoque dans l'hypothèse du non-paiement d'une échéance, le prêteur a pu à juste titre prononcer la déchéance du terme et par ailleurs encaisser les sommes versées postérieurement (la date des courriers et chèques est le 31 octobre 2015) à cette déchéance du terme venant en déduction des sommes restant dues » ; qu'en statuant ainsi, pour en déduire que le débiteur, qui avait pourtant régularisé sa situation à l'égard du prêteur, ne pouvait opposer à la caution l'absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, sans rechercher d'office si la clause prévue par l'article 5 des conditions générales du prêt, qui dispensait l'établissement prêteur de toute mise en demeure et d'une saisine du juge avant de prononcer unilatéralement la déchéance du terme dès la première échéance impayée et sans que soit prise en compte une régularisation postérieure, ne créait pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu'elle revêtait un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 ancien (devenu L. 212-1 nouveau) du code de la consommation.