LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er décembre 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1251 F-B
Pourvoi n° Z 21-11.997
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2022
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-11.997 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Rhône-Alpes, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, premier président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 décembre 2020), l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a décerné une contrainte le 21 avril 2017 à la société [3] (la société), pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard afférentes à l'année 2015 et aux 2e, 3e et 4e trimestres 2016.
2. La société a formé opposition devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles L. 622-7 et L. 631-14 du code de commerce, 131, VII, de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, et 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004, dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, applicable au litige :
4. Selon les deux premiers de ces textes, le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
5. Selon le troisième, le droit à l'exonération des cotisations sociales prévue par le I du même texte pour les jeunes entreprises innovantes est subordonné à la condition que l'entreprise ait rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
6. Selon le dernier, lorsque l'entreprise est à nouveau à jour du paiement de ses cotisations et contributions sociales, l'exonération peut être appliquée aux gains et rémunérations versés à compter du premier jour du mois suivant.
7. Il résulte de ces textes que la jeune entreprise innovante, à laquelle il est interdit de payer les cotisations et contributions sociales afférentes à la période antérieure au jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, est, à cette date, réputée, au sens de l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 susvisé, avoir rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
8. Pour rejeter le recours formé par la société cotisante, l'arrêt relève qu'elle a continué à appliquer l'exonération liée au statut de jeune entreprise innovante pendant la période d'observation consécutive à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire le 14 décembre 2014. Il retient qu'elle ne pourra être considérée comme étant à jour de ses cotisations sociales que sous réserve d'avoir respecté, jusqu'à son terme fixé en 2026, le plan d'apurement qui a été validé par jugement du tribunal de commerce le 14 juin 2016.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'opposition formée par la société [3] à l'encontre de la contrainte délivrée par l'URSSAF de Rhône-Alpes le 21 avril 2017, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.
Condamne l'URSSAF de Rhône-Alpes aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Rhône-Alpes et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société [3]
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté une entreprise (la société [3], l'exposante) de son opposition à une contrainte délivrée par l'organisme de recouvrement (l'URSSAF Rhône-Alpes) pour un montant de 20 993 euros au titre des cotisations et majorations de retard de l'année 2015 et des 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2016, et d'avoir en conséquence validé ladite contrainte pour son entier montant ;
ALORS QUE l'entreprise titulaire du statut de Jeune Entreprise Innovante (JEI) bénéficie rétroactivement des exonérations attachées à son statut dès qu'elle est à jour de ses cotisations non comprises dans le cadre d'un éventuel plan d'apurement souscrit par ailleurs ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que l'entreprise « justifiait (?) avoir réglé » intégralement les cotisations visées par la contrainte du 21 avril 2017 et non intégrées au plan d'apurement par ailleurs souscrit au titre « des années 2012 et 2014 », de sorte qu'en validant ladite contrainte pour la raison que, concernant la période afférente aux cotisations litigieuses, l'entreprise ne pouvait « bénéficier de manière rétroactive » de l'exonération liée à son statut de JEI « jusqu'(au) terme » dudit plan, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 6 du décret n° 2004-581 du 21 juin 2004 modifié par l'article 1er du décret n° 2014-1179 du 13 octobre 2014, complété par la lettre circulaire ACOSS n° 2015-0000048 du 10 octobre 2015.