LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1263 F-D
Pourvoi n° Z 21-16.413
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 DÉCEMBRE 2022
La société European Homes France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-16.413 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2021 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à la société Oteis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Ginger BEFS,
3°/ à la société Abeille IARD et santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], anciennement dénommée Aviva assurances,
4°/ à la société Alayrac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
5°/ à la société Acte IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
6°/ à la société PM Gomes, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],
7°/ à la société Jacc, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
8°/ à la société SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],
9°/ à la société International Construction Est, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société European Homes France, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Abeille IARD et santé, anciennement dénommée Aviva assurances, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat des sociétés Alayrac et Acte IARD, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 mars 2021) et les productions, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires d'une résidence construite par la société European Homes France, se plaignant de désordres, ont assigné en référé le constructeur, un sous-traitant et des assureurs, aux fins d'expertise.
2. Les opérations d'expertise judiciaire ont été étendues par plusieurs ordonnances de référé à d'autres opérateurs à l'acte de construction et à leurs assureurs.
3. En septembre 2019, la société European Homes France a cité devant le juge des référés des parties déjà attraites à l'expertise, mais pas par elle, ainsi que des personnes morales non encore mises en cause, à fin de leur rendre communes les opérations d'expertise.
4. Le juge des référé a étendu les opérations d'expertise aux parties non encore en cause devant l'expert.
5. La société European Homes France a interjeté appel de l'ordonnance en ce qu'elle a dit que la procédure était sans objet à l'égard des autres parties défenderesses et l'a déboutée de sa demande de donner acte concernant l'interruption de la prescription.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. La société European Homes France fait grief à l'arrêt de décider que la procédure de référé expertise était sans objet à l'égard d'intervenants à un projet de construction (les sociétés Generali, Oteis, Aviva Assurances, Alayrac, Acte Iard, Pm Gomes, Jacc et Sma) et de la débouter de sa demande tendant à voir déclarer communes à leur encontre les opérations d'expertise, alors « que la citation en justice n'interrompt le délai de prescription que si elle est adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire ; que l'exposante faisait valoir qu'elle avait un intérêt légitime à demander l'extension des opérations d'expertise aux intimés en vue d'interrompre la prescription à son profit dans la perspective d'une action au fond probable à leur encontre ; qu'elle précisait que la circonstance que les intimés eussent été déjà dans la cause ne constituait pas un obstacle à sa demande dès lors qu'ils avaient été assignés par d'autres parties, de telle sorte que l'interruption de la prescription ne pouvait lui profiter ; qu'en retenant néanmoins que le constructeur ne justifiait pas d'un intérêt légitime pour la raison que l'article 145 du code de procédure civile ne se concevait qu'en prévision d'un possible litige et n'exigeait donc pas que le fondement et les limites d'une action, par hypothèse incertaine, soient fixés, sans compter que les parties contre lesquelles il formulait ses demandes étaient déjà dans la cause, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 2239 et 2241 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. Ayant relevé, dune part, que la mise en oeuvre de l'article 145 du code de procédure civile ne se concevait qu'en prévision d'un possible litige et n'exigeait pas que le fondement et les limites d'une action par hypothèse incertaine, fussent déjà fixées, et, d'autre part, que les parties contre lesquelles étaient formulées ces demandes étaient déjà dans la cause et intervenaient déjà à la mesure d'expertise, et qu'au demeurant, le débat sur l'application dans un procès futur au fond des articles 2239 et 2241 du code civil sur la suspension et/ou l'interruption de la prescription ne relevait pas des pouvoirs du juge des référés, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans encourir le grief du moyen, que la cour d'appel a retenu que la société European Homes France ne justifiait pas d'un intérêt légitime nécessitant de déclarer l'exception commune aux autres sociétés. Elle en a exactement déduit que la procédure de référé expertise était sans objet à l'égard de certains des intervenants au projet de construction et que la société European Homes France devait être déboutée de sa demande tendant à voir déclarer communes à leur encontre les opérations d'expertise.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société European Homes France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société European Homes France et la condamne à payer à la société Acte IARD et à la société Alayrac la somme globale de 3 000 euros, et à la société Abeille IARD et Santé et à la société Generali IARD, chacune, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société European Homes France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la procédure de référé expertise était sans objet à l'égard d'intervenants à un projet de construction (les sociétés Generali, Oteis, Aviva Assurances, Alayrac, Acte Iard, Pm Gomes, Jacc et Sma) et d'avoir débouté un constructeur (la société European Homes France, l'exposante) de sa demande tendant à voir déclarer communes à leur encontre les opérations d'expertise ;
ALORS QUE la citation en justice n'interrompt le délai de prescription que si elle est adressée à celui que l'on veut empêcher de prescrire ; que l'exposante faisait valoir (v. ses concl. récap., n° 2, p. 12) qu'elle avait un intérêt légitime à demander l'extension des opérations d'expertise aux intimés en vue d'interrompre la prescription à son profit dans la perspective d'une action au fond probable à leur encontre ; qu'elle précisait que la circonstance que les intimés eussent été déjà dans la cause ne constituait pas un obstacle à sa demande dès lors qu'ils avaient été assignés par d'autres parties, de telle sorte que l'interruption de la prescription ne pouvait lui profiter ; qu'en retenant néanmoins que le constructeur ne justifiait pas d'un intérêt légitime pour la raison que l'article 145 du code de procédure civile ne se concevait qu'en prévision d'un possible litige et n'exigeait donc pas que le fondement et les limites d'une action, par hypothèse incertaine, soient fixés, sans compter que les parties contre lesquelles il formulait ses demandes étaient déjà dans la cause, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 2239 et 2241 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté un constructeur (la société European Homes France, l'exposante) de sa demande de donner acte concernant l'interruption de la prescription ;
ALORS QUE, l'objet du litige étant déterminé par les prétentions respectives des parties, l'exposante soutenait (v. ses concl. récap., n° 2, p. 16) qu'elle ne sollicitait pas du juge des référés qu'il lui soit donné acte de l'interruption de la prescription et de la forclusion, ce pouvoir revenant au juge du principal, mais qu'il constate que son assignation avait pour objectif d'interrompre la prescription et la forclusion au visa de l'article 2241 du code civil ; qu'en retenant, pour rejeter cette demande, que le débat sur l'application dans un procès futur au fond des articles 2239 et 2241 du code civil sur la suspension et/ou l'interruption de la prescription ne relevait pas des pouvoirs du juge des référés, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code du procédure civile.