LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 887 FS-D
Pourvoi n° D 21-23.386
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
Mme [N] [M], divorcée [G], domiciliée [Adresse 9], a formé le pourvoi n° D 21-23.386 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [T] [W], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société Crédit industriel et commercial (CIC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ à la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
4°/ à M. [X] [O], domicilié [Adresse 1], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société groupe Richard,
5°/ à M. [B] [F], domicilié [Adresse 7],
6°/ à la société Aurore développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],
7°/ à la société Groupama d'OC, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
8°/ à la société Guérin et associées, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Aurore développement,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farrenq-Nési, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [M], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [W] et de la société MMA IARD, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Maunand doyen, MM. Jacques, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [M] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Crédit industriel et commercial et contre M. [F].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 1er avril 2021), démarchée par la société Aurore développement, commercialisateur de programmes immobiliers bénéficiant d'une défiscalisation, ayant pour représentant agréé M. [F], Mme [M] a conclu le 5 novembre 2007 avec la société Groupe Richard (le Groupe Richard), un contrat de réservation pour un appartement dans une résidence en construction.
3. L'acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement a été établi le 31 mars 2008 par M. [W], notaire, assuré par la société Mutuelles du Mans assurances IARD (les MMA), la livraison du bien étant fixée au 30 septembre 2009.
4. Pour financer son acquisition Mme [M] a contracté un emprunt auprès du Crédit industriel et commercial (le CIC).
5. L'appartement n'a pas été livré en raison de la cessation des travaux et de la mise en redressement, puis en liquidation judiciaire du Groupe Richard les 18 février et 1er avril 2010.
6. Mme [M] a assigné M. [W] et son assureur, la société Aurore développement, M. [F], M. [O], pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation du Groupe Richard, et le CIC afin d'obtenir l'annulation de la vente en l'état futur d'achèvement et du prêt, la restitution des fonds versés, ainsi que des dommages et intérêts.
7. La société Aurore développement a appelé en intervention forcée son assureur, la société Groupama d'Oc (le Groupama d'Oc).
8. A la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société Aurore développement le 26 septembre 2016, Mme [M] a appelé en cause la société Guérin associés, prise en sa qualité de mandataire liquidateur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. Mme [M] fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 38 351,92 euros la condamnation in solidum de M. [W], des MMA et du Groupama d'Oc, tenus in solidum avec le Groupe Richard et la société Aurore développement, à lui payer des dommages et intérêts, et de fixer à cette même somme sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Aurore développement, alors :
« 1°/ que si la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, le tiers fautif peut être condamné à en garantir le paiement en cas d'insolvabilité du vendeur ; que la liquidation judiciaire du vendeur tenu à restitution suffit à caractériser l'insolvabilité, permettant à l'acquéreur d'exercer un recours contre le tiers fautif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Groupe Richard a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er avril 2010 ; que la cour d'appel a cependant jugé, « sur la réparation due par [T] [W] et la société Aurore développement, responsables avec la société Groupe Richard de l'annulation du contrat de vente, que les restitutions consécutives à l'anéantissement d'un contrat ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable, de sorte que le tiers responsable de cette annulation ne saurait être tenu, serait-ce in solidum avec le contractant, de ces restitutions » et que « [N] [M] ne produit pas un certificat d'irrécouvrabilité de sa créance de restitution, de sorte qu'elle n'est pas fondée à demander que [T] [W] et la société Aurore développement et leurs assureurs, soient condamnés à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 71 797,80 € correspondant à la somme totale cumulée des appels de fonds au 21 janvier 2009 dont elle a obtenu la restitution » ; qu'en statuant ainsi, tandis que l‘insolvabilité du débiteur en liquidation judiciaire ne nécessite pas la production d'un certificat d'irrécouvrabilité mais s'évince du prononcé même de cette liquidation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que, subsidiairement, si la restitution du prix, par suite de l'annulation du
contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, le tiers fautif peut être condamné à en garantir le paiement en cas d'insolvabilité du vendeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Groupe Richard a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er avril 2010 ; qu'en jugeant que « [N] [M] ne produit pas un certificat d'irrécouvrabilité de sa créance de restitution, de sorte qu'elle n'est pas fondée à demander que [T] [W] et la société Aurore développement et leurs assureurs, soient condamnés à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 71 797,80 € correspondant à la somme totale cumulée des appels de fonds au 21 janvier 2009 dont elle a obtenu la restitution », sans rechercher si la liquidation judiciaire du promoteur immobilier assurant la commercialisation aux fins de défiscalisation de biens immobiliers vendus en l'état futur d'achèvement impliquait l'impossibilité pour ce promoteur de financer l'achèvement de la construction et dès lors, de restituer les appels de fonds destinés à ce financement consécutivement à l'annulation de la vente, ce dont résultait l'insolvabilité de ce promoteur, permettant à l'acquéreur d'exercer un recours contre le tiers fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
10. C'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur les conséquences financières de la liquidation judiciaire du Groupe Richard qui n'était pas demandée, a retenu que Mme [M], par la seule existence de cette procédure collective, ne rapportait pas la preuve, à sa charge, de l'irrecouvrabilité de sa créance de restitution auprès du vendeur.
11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [M]
Mme [M] fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point, d'avoir condamné in solidum M. [W], la société MMA, la société Groupama d'OC, cette dernière dans la limite de la franchise contractuelle, tenus in solidum avec la société Groupe Richard et la société Aurore Développement, à payer la seule somme de 39.351,92 € à Mme [M] à titre de dommages et intérêts et d'avoir fixé la créance de dommages et intérêts de Mme [M] sur la société Aurore Développement, tenue in solidum avec la société Groupe Richard, M. [W], la société MMA et la société Groupama d'OC, au passif de la liquidation judiciaire de la société Aurore Développement à la seule somme totale de 38.351,92 € ;
1°) Alors que si la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, le tiers fautif peut être condamné à en garantir le paiement en cas d'insolvabilité du vendeur ; que la liquidation judiciaire du vendeur tenu à restitution suffit à caractériser l'insolvabilité, permettant à l'acquéreur d'exercer un recours contre le tiers fautif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Groupe Richard a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er avril 2010 (arrêt, p. 3 § 5, p. 28 § 2) ; que la cour d'appel a cependant jugé, « sur la réparation due par [T] [W] et la société Aurore Développement, responsables avec la société Groupe Richard de l'annulation du contrat de vente, que les restitutions consécutives à l'anéantissement d'un contrat ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable, de sorte que le tiers responsable de cette annulation ne saurait être tenu, serait-ce in solidum avec le contractant, de ces restitutions » et que « [N] [M] ne produit pas un certificat d'irrécouvrabilité de sa créance de restitution, de sorte qu'elle n'est pas fondée à demander que [T] [W] et la société Aurore Développement et leurs assureurs, soient condamnés à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 71.797,80 € correspondant à la somme totale cumulée des appels de fonds au 21 janvier 2009 dont elle a obtenu la restitution » (arrêt, p. 28 § 2) ; qu'en statuant ainsi, tandis que l‘insolvabilité du débiteur en liquidation judiciaire ne nécessite pas la production d'un certificat d'irrécouvrabilité mais s'évince du prononcé même de cette liquidation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) Alors que, subsidiairement, si la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, le tiers fautif peut être condamné à en garantir le paiement en cas d'insolvabilité du vendeur ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Groupe Richard a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er avril 2010 (arrêt, p. 3 § 5, p. 28 § 2) ; qu'en jugeant que « [N] [M] ne produit pas un certificat d'irrécouvrabilité de sa créance de restitution, de sorte qu'elle n'est pas fondée à demander que [T] [W] et la société Aurore Développement et leurs assureurs, soient condamnés à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 71.797,80 € correspondant à la somme totale cumulée des appels de fonds au 21 janvier 2009 dont elle a obtenu la restitution » (arrêt, p. 28 § 2), sans rechercher si la liquidation judiciaire du promoteur immobilier assurant la commercialisation aux fins de défiscalisation de biens immobiliers vendus en l'état futur d'achèvement impliquait l'impossibilité pour ce promoteur de financer l'achèvement de la construction et dès lors, de restituer les appels de fonds destinés à ce financement consécutivement à l'annulation de la vente, ce dont résultait l'insolvabilité de ce promoteur, permettant à l'acquéreur d'exercer un recours contre le tiers fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.