LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 décembre 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1310 F-D
Pourvoi n° Z 21-15.424
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2022
1°/ M. [G] [Y], domicilié [Adresse 4],
2°/ Mme [K] [Y], domiciliée [Adresse 1],
3°/ Mme [T] [A], veuve [L], domiciliée [Adresse 8],
4°/ M. [J] [Y], domicilié [Adresse 4], pris en qualité d'ayant droit de [X] [Y],
ont formé le pourvoi n° Z 21-15.424 contre l'arrêt rendu le 7 janvier 2021 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [S] [A], domicilié [Adresse 9],
2°/ à Mme [V] [A], épouse [M], domiciliée [Adresse 10],
3°/ à Mme [B] [A], domiciliée [Adresse 6],
4°/ à Mme [G] [I], domiciliée [Adresse 2],
5°/ à M. [U] [I], domicilié [Adresse 5],
6°/ à M. [P] [I], domicilié [Adresse 3],
7°/ à Mme [O] [I], domiciliée [Adresse 7],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [G] et [J] [Y], de Mme [K] [Y] et de Mme [T] [A], veuve [L], de M. [Y], de Me Soltner, avocat de M. [S] [A] et de Mmes [V] et [B] [A], de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mmes [G] et [O] [I] et de MM. [U] et [P] [I], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 janvier 2021), le 13 octobre 2008, à la suite du décès de leur mère [V] [A], Mme [T] [A], [X] [Y] [A], aux droits de laquelle viennent ses trois héritiers M. [G] [Y], Mme [K] [Y], M. [J] [Y] (les consorts [Y]), Mme [D] [I], aux droits de laquelle viennent ses quatre héritiers, Mme [G] [I], M. [U] [I], M. [P] [I] et Mme [O] [I] (les consorts [I]), Mme [V] [A], Mme [B] [A] et M. [S] [A] (les consorts [A]) sont devenus propriétaires indivis d'un immeuble qui faisait l'objet d'un bail mixte au profit de M. [H] à usage commercial pour le rez-de chaussée et à usage d'habitation pour le 1er étage, dont la gestion était confiée au cabinet Lamy, devenu Nexity.
2. Par acte authentique du 28 février 2011, les locaux ont fait l'objet d'un renouvellement de bail. Aux termes de cet acte les bailleurs se sont engagés à procéder à la « réfection intégrale de l'appartement ». Par acte notarié du 5 avril 2011, M. [H] a cédé son fonds de commerce à la société Khadim, laquelle a sollicité des indivisaires que les travaux de réfection intégrale de l'appartement soient entrepris.
3. Par ordonnance du 1er décembre 2011, un juge des référés a condamné solidairement les co-indivisaires à faire effectuer les travaux de réfection intégrale de l'appartement pour une certaine somme et enjoint sous astreinte à [X] [Y] [A] et Mme [T] [A] de mandater le cabinet Lamy pour faire effectuer ces travaux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision.
4. Par actes des 24 et 28 avril, 5 et 27 mai 2014, la société Khadim a assigné les co-indivisaires devant un tribunal de grande instance aux fins de les condamner solidairement à procéder à la réfection intégrale de l'appartement, ainsi qu'à la réparation d'un préjudice de jouissance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Les consorts [Y] et Mme [T] [A] font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à garantir Mme [D] [I], aux droits de laquelle viennent les consorts [I], M. [S] [A], Mme [B] [A] et Mme [V] [M] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre alors « que ne constitue pas une faute le fait, pour un indivisaire condamné solidairement avec ses co-indivisaires à faire exécuter des travaux sur un immeuble indivis et que la juridiction a enjoint de mandater à ce titre une agence immobilière, de donner à cette dernière un tel mandat de faire exécuter ces travaux et non un mandat de gestion ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, Mme [T] [L] et [X] [Y] avaient été condamnées, par une ordonnance du 1er décembre 2011, solidairement avec les autres co-indivisaires, à faire effectuer les travaux de réfection intégrale de l'appartement indivis pour la somme de 17 218,12 euros, valeur avril 2010, à actualiser à la date de réalisation des travaux, et enjointes à cette fin de mandater le cabinet Lamy dans le délai d'un mois suivant la signification de cette ordonnance ; en retenant qu'était injustifié le refus persistant de [X] [Y] et de Mme [T] [L] de donner au cabinet Lamy un mandat de gestion relativement à l'immeuble indivis, afin que ce dernier puisse faire réaliser les travaux de réfection intégrale auxquels elles avaient été condamnées avec les autres co-indivisiaires, quand elle constatait qu'elles lui avaient donné, conformément à l'injonction prononcée par l'ordonnance du 1er décembre 2011 qui était revêtue de l'autorité de chose jugée, un mandat de faire effectuer de tels travaux de réfection intégrale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
6. L'ordonnance de référé n'ayant pas, quant au fond du litige, l'autorité de chose jugée, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a retenu que Mme [T] [A] veuve [L] et Mme [X] [Y] [A] avaient commis une faute en refusant de donner mandat de gestion au cabinet Lamy afin qu'il puisse faire réaliser les travaux sur l'immeuble indivis et que cette faute avait causé un préjudice aux co-indivisaires.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Les consorts [Y] et Mme [T] [A] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse, que seul le préjudice qui présente un lien de causalité direct et certain avec une faute, engage la responsabilité de l'auteur de cette faute ; qu'en l'espèce, en condamnant [X] [Y], aux droits de laquelle viennent aujourd'hui les consorts [Y], et Mme [T] [A] à garantir les consorts [I], M. [S] [A], Mme [B] [A] et Mme [V] [M] de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre de procéder à la réfection intégrale de l'appartement dans les six mois à compter de la dernière signification de la décision, et, en cas de non-réalisation de ces travaux à l'expiration de ce délai, à payer à la société Khadim la somme de 47 654 euros TTC, valeur avril 2011, à réactualiser à la date de la réalisation des travaux, quand de telles condamnations étaient sans lien avec l'abstention de [X] [Y] et de Mme [T] [A] de confier au cabinet Lamy un mandat de gestion de l'appartement, alors qu'elles résultaient de la seule obligation de procéder à la réfection intégrale de l'appartement contractée par l'ensemble de l'indivision dans l'acte du 28 février 2011 valant renouvellement du bail, la cour d'appel a encore violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
9. Il ne ressort ni de l'arrêt ni des conclusions de Mme [T] [A] veuve [L] et des consorts [Y] que ceux-ci aient soutenu devant la cour d'appel que la condamnation à procéder à la réfection intégrale de l'appartement pour un montant de 47 654 euros et la condamnation, à défaut, à verser une telle somme à la société Khadim, trouvaient leur cause dans la seule obligation des co-indivisaires à procéder à la réfection intégrale de l'appartement contractée par acte du 28 février 2011 valant renouvellement du bail.
10. Le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est, dès lors, irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [G] [Y], Mme [K] [Y], M. [J] [Y] et Mme [T] [A], veuve [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] [Y], Mme [K] [Y], M. [J] [Y] et Mme [T] [A] veuve [L] et les condamne à payer à Mme [V] [A] Veuve [M], Mme [B] [A] et M. [S] [A] la somme globale de 1 500 euros et in solidum à Mme [G] [I], M. [U] [I], M. [P] [I] et Mme [O] [I] la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour
Les consorts [Y] et Mme [T] [A] veuve [L] FONT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué de les AVOIR condamnés solidairement à garantir [D] [I], aux droits de laquelle viennent aujourd'hui les consorts [I], M. [S] [A], Mme [B] [A] et Mme [V] [M] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;
1) ALORS QUE ne constitue pas une faute le fait, pour un indivisaire condamné solidairement avec ses co-indivisaires à faire exécuter des travaux sur un immeuble indivis et que la juridiction a enjoint de mandater à ce titre une agence immobilière, de donner à cette dernière un tel mandat de faire exécuter ces travaux et non un mandat de gestion ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, Mme [T] [L] et [X] [Y] avaient été condamnées, par une ordonnance du 1er décembre 2011, solidairement avec les autres co indivisaires, à faire effectuer les travaux de réfection intégrale de l'appartement indivis pour la somme de 17 218,12 euros, valeur avril 2010, à actualiser à la date de réalisation des travaux, et enjointes à cette fin de mandater le cabinet Lamy dans le délai d'un mois suivant la signification de cette ordonnance ; en retenant qu'était injustifié le refus persistant de [X] [Y] et de Mme [T] [L] de donner au cabinet Lamy un mandat de gestion relativement à l'immeuble indivis, afin que ce dernier puisse faire réaliser les travaux de réfection intégrale auxquels elles avaient été con damnées avec les autres co-indivisiaires, quand elle constatait qu'elles lui avaient donné, conformément à l'injonction prononcée par l'ordonnance du 1er décembre 2011, qui était revêtue de l'autorité de chose jugée, un mandat de faire effectuer de tels travaux de réfection intégrale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil ;
2 ) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE seul le préjudice qui présente un lien de causalité direct et certain avec une faute, engage la responsabilité de l'auteur de cette faute ; qu'en l'espèce, en condamnant [X] [Y], aux droits de laquelle viennent aujourd'hui les consorts [Y], et Mme [T] [A] à garantir les consorts [I], M. [S] [A], Mme [B] [A] et Mme [V] [M] de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre de procéder à la réfection intégrale de l'appartement dans les six mois à compter de l a dernière signification de la décision, et, en cas de non réalisation de ces travaux à l'expiration de ce délai, à payer à la société Khadim la somme de 47 654 euros TTC, valeur avril 2011, à réactualiser à la date de la réalisation des travaux, quand de telles condamnations étaient sans lien avec l'abstention de [X] [Y] et de Mme [T] [A] de confier au cabinet Lamy un mandat de gestion de l'appartement, alors qu'elles résultaient de l a seule obligation de procéder à la réfection intégrale de l'appartement contractée par l'ensemble de l'indivision dans l' acte du 28 février 2011 valant renouvellement du bail, la cour d'appel a encore violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil.