LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 janvier 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 21 F-D
Pourvoi n° K 21-21.000
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 JANVIER 2023
1°/ Mme [M] [H], épouse [F], domiciliée [Adresse 5],
2°/ Mme [X] [F], domiciliée [Adresse 3],
3°/ M. [Y] [F], domicilié [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° K 21-21.000 contre l'arrêt rendu le 23 avril 2021 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige les opposant à la société caisse de Crédit mutuel de Roscoff, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de Mmes [H] et [F] et de M. [F], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société caisse de Crédit mutuel de Roscoff, et l'avis de Mme Cazaux-Charles , avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 avril 2021), suivant acte du 28 décembre 2004, la caisse de Crédit mutuel de Roscoff (la banque) a consenti un prêt immobilier à [N] [F], qui est décédé le [Date décès 2] 2013, en laissant en qualité d'héritiers son épouse, Mme [F], et ses deux enfants, [X] et [Y] (les consorts [F]).
2. La banque, après avoir déclaré sa créance auprès du notaire chargé de la succession, a assigné les consorts [F] en paiement.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les consorts [F] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir condamner la banque à leur payer la somme de 97 429,92 euros, outre les intérêts de 5,60 % sur la somme de 84 000 euros à compter du 20 février 2015, à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil et d'ordonner la compensation entre cette somme et la créance de la banque, alors :
« 1°/ que l'établissement financier qui consent un prêt à un particulier est tenu, au titre de son devoir d'information et de conseil, de lui proposer de souscrire un contrat d'assurance garantissant le remboursement du prêt en cas de décès, d'invalidité ou d'incapacité, en l'informant des risques liés à un défaut d'assurance ; qu'en se bornant à relever, pour décider que le Crédit mutuel n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil envers M. [F], qu'il était mentionné dans l'offre de prêt que l'emprunteur reconnaissait avoir été informé de l'intérêt de souscrire des assurances et qu'il dégageait la banque de sa responsabilité en cas de non-souscription, sans constater que le Crédit mutuel avait adressé à M. [F] une étude personnalisée lui permettant de décider, en toute connaissance de cause, de ne pas adhérer au contrat d'assurance de groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°/ que le devoir d'information du prêteur en matière d'assurance bénéficie à tous les emprunteurs, fussent-ils avertis ; qu'en décidant néanmoins qu'il ne pouvait être reproché au Crédit mutuel d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil envers M. [F], motif pris qu'il devait être considéré comme un emprunteur averti, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que [N] [F] avait fait le choix de ne pas adhérer à l'assurance de groupe, qui n'était que facultative, et qu'il avait indiqué expressément dans le contrat de prêt, en première page et en caractères gras, qu'il était informé de l'intérêt de souscrire des assurances et dégageait la banque de toute responsabilité du fait de cette décision, la cour d'appel a pu en déduire, nonobstant le motif erroné, mais surabondant, tiré de la qualité d'emprunteur averti de [N] [F], que la banque n'avait pas manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de son client.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts [F] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mmes [H] et [F] et M. [Y] [F].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Madame [M] [H] veuve [F], Madame [X] [F] et Monsieur [Y] [F] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés leurs demandes tendant à voir condamner la Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE ROSCOFF à leur payer la somme de 97.429,92 euros, outre les intérêts de 5,60 % sur la somme de 84.000 euros à compter du 20 février 2015, à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information et de conseil et d'ordonner la compensation entre cette somme et la créance de la banque ;
1°) ALORS QUE l'établissement financier qui consent un prêt à un particulier est tenu, au titre de son devoir d'information et de conseil, de lui proposer de souscrire un contrat d'assurance garantissant le remboursement du prêt en cas de décès, d'invalidité ou d'incapacité, en l'informant des risques liés à un défaut d'assurance ; qu'en se bornant à relever, pour décider que le CREDIT MUTUEL n'avait pas manqué à son obligation d'information et de conseil envers Monsieur [F], qu'il était mentionné dans l'offre de prêt que l'emprunteur reconnaissait avoir été informé de l'intérêt de souscrire des assurances et qu'il dégageait la banque de sa responsabilité en cas de non-souscription, sans constater que le CREDIT MUTUEL avait adressé à Monsieur [F] une étude personnalisée lui permettant de décider, en toute connaissance de cause, de ne pas adhérer au contrat d'assurance de groupe, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE le devoir d'information du prêteur en matière d'assurance bénéficie à tous les emprunteurs, fussent-ils avertis ; qu'en décidant néanmoins qu'il ne pouvait être reproché au CREDIT MUTUEL d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil envers Monsieur [F], motif pris qu'il devait être considéré comme un emprunteur averti, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Madame [M] [H] veuve [F], Madame [X] [F] et Monsieur [Y] [F] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de rejeté leurs demandes, tendant à voir enjoindre la Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE ROSCOFF à leur communiquer, dans un délai d'un mois à compter du prononcé de la décision et sous peine d'astreinte comminatoire de 1.000 euros par jour de retard, un décompte certifié et détaillé de sa créance par commissaire aux comptes, la copie de tous les contrats d'assurance ou de prévoyance qu'elle a distribué à Monsieur [F], dont les deux contrats d'assurance-vie SURAVENIR, n° 0769291 30086 80 01 et n° 0769291 30086 76 01, avec leur historique détaillé, ainsi qu'à justifier du sort et de l'affectation du nantissement inscrit à concurrence de 40.000 euros sur l'un des contrats d'assurance-vie, puis d'avoir fixé au passif de la succession de Monsieur [N] [F] la somme de 91.056 euros au titre du capital restant dû et des intérêts impayés du prêt du 23 décembre 2004, avec intérêts au taux de 5,60 % sur la somme de 84.000 euros à compter du 21 février 2015 ;
1°) ALORS QUE, au soutien de leur demande tendant à voir enjoindre le CREDIT MUTUEL à produire tous les documents relatifs aux nantissements qui avaient été souscrits par Monsieur [F] à son profit, les consorts [F] faisaient valoir que la souscription de deux contrats d'assurance-vie distincts, ayant chacun fait l'objet d'un nantissement afin de garantir le remboursement d'une créance de remboursement d'emprunt pour l'un et d'une créance de découvert de compte de dépôt pour l'autre, résultait de ce que le contrat de prêt mentionnait le nantissement d'un contrat d'assurance-vie numéro 0769291 30086 80 01, tandis que le contrat d'assurance-vie dont la banque avait appréhendé le montant afin de recouvrer sa créance en compte de dépôt portait le numéro 0769291 30086 76 01 ; qu'il en résultait que le CREDIT MUTUEL avait bénéficié, pour le remboursement de l'emprunt, du nantissement du contrat d'assurance-vie mentionné dans le contrat de prêt, qu'elle n'avait pas pris en compte dans le calcul de sa créance ; qu'en s'abstenant cependant de répondre à ces conclusions, qui était de nature à établir un remboursement partiel de l'emprunt non pris en compte par le CREDIT MUTUEL dans le calcul de sa créance, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, les sommes perçues par un créancier en raison de la réalisation d'un contrat de nantissement s'imputent exclusivement sur le montant de la créance garantie par le nantissement ; qu'en retenant cependant que le CREDIT MUTUEL était en droit d'imputer le produit du contrat d'assurance-vie sur sa créance en compte de dépôt, quand bien même ce contrat aurait eu pour objet de garantir le remboursement de l'emprunt immobilier, la Cour d'appel a violé l'article 2073 du Code civil, applicable antérieurement à l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 ;
3°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, les sommes perçues par un créancier, en raison de réalisation d'un nantissement garantissant plusieurs dettes échues, s'imputent en priorité, à défaut d'indication du débiteur, sur les dettes que celui-ci avait le plus d'intérêt d'acquitter ; qu'en retenant cependant que le CREDIT MUTUEL était en droit d'imputer le produit du contrat d'assurance-vie de 15.478,80 euros au découvert du compte de dépôt plutôt qu'au remboursement de l'emprunt, sans rechercher quelle dette les consorts [F] avaient le plus intérêt à acquitter, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1256 du Code civil, applicable antérieurement à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
4°) ALORS QUE, toujours à titre subsidiaire, les sommes perçues par un créancier, en raison de réalisation d'un nantissement garantissant plusieurs dettes échues, s'imputent en priorité, à défaut d'indication du débiteur, sur les dettes que celui-ci avait le plus d'intérêt à acquitter ; qu'en retenant cependant que le CREDIT MUTUEL était en droit d'imputer le produit du contrat d'assurance-vie de 15.478,80 euros au découvert du compte de dépôt plutôt qu'au remboursement de l'emprunt, au motif inopérant que les consorts [F] ne subissaient pas de préjudice du fait de l'affectation par celle-ci de la somme, dès lors qu'elle venait de toute façon diminuer le passif de la succession, la Cour d'appel a violé l'article 1256 du Code civil, applicable antérieurement à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.