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25/01/2023 | FRANCE | N°21-14202

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 25 janvier 2023, 21-14202


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 83 F-D

Pourvoi n° W 21-14.202

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 août 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS> _________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023

Mme [I] [V] [E], domiciliée [Adresse 2], a ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 janvier 2023

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 83 F-D

Pourvoi n° W 21-14.202

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 août 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 JANVIER 2023

Mme [I] [V] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-14.202 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige l'opposant à Mme [F] [H], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [E], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de Mme [H], après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 janvier 2021), les 28 septembre 2017 et 8 mars 2018, Mme [E] (la bailleresse), propriétaire de parcelles données à bail à ferme verbal à Mme [H] (la preneuse), lui a délivré deux commandements de payer les fermages dus, respectivement, au titre de l'année 2016 puis de l'année 2017.

2. Le 15 mars 2018, la bailleresse a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages, alors :

« 1°/ que le bailleur peut demander résiliation du bail rural s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ; qu'aucune disposition légale n'impose que la mise en demeure fasse apparaître le mode de calcul des fermages réclamés ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les commandements de payer n'apparaissent pas avoir été assortis d'un document faisant apparaître clairement le mode de calcul des fermages réclamés et qu'il ne peut ainsi être reproché au preneur de n'y avoir pas déféré, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

2°/ que le paiement du fermage au terme convenu constitue une obligation essentielle du preneur dont il ne peut unilatéralement s'affranchir ; que si le défaut de paiement réitéré de fermages ne peut pas être invoqué par le bailleur en cas de raisons sérieuses et légitimes, encore faut-il que le preneur ait, à tout le moins, invoqué l'existence de telles raisons avant l'instance en résiliation justifiant qu'il se soit soustrait au paiement des fermages ; qu'il s'ensuit que la seule contestation du montant du fermage lors de l'instance en résiliation ne saurait constituer une raison sérieuse et légitime justifiant le non-paiement du fermage ; qu'en l'espèce, Mme [E] faisait valoir que Mme [H] était de mauvaise foi, qu'elle aurait pu se libérer de ses obligations dans le délai de trois mois imparti ou saisir le tribunal d'une action en contestation du prix du bail mais qu'elle avait préféré garder le silence et ne pas s'exécuter justifiant ainsi la procédure en résiliation du bail ; qu'en se bornant à relever, pour justifier le rejet de la demande en résiliation du bail pour défaut de paiement du fermage, que les commandements de payer n'apparaissent pas avoir été assortis d'un document faisant apparaître clairement le mode de calcul des fermages réclamés sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Mme [H] avait invoqué, avant l'instance en résiliation, une raison sérieuse et légitime de se soustraire au paiement du fermage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

3°/ que si le défaut de paiement réitéré de fermages ne peut pas être invoqué par le bailleur en cas de raisons sérieuses et légitimes, encore faut-il que le preneur ait établi l'existence de telles raisons justifiant qu'il se soit soustrait au paiement des fermages ; qu'il appartient ainsi au preneur qui conteste le montant du fermage réclamé d'établir qu'il est erroné ou de justifier d'une raison de douter de son montant ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme [H] ne contestait pas l'absence de paiement des fermages et que, pour s'opposer à leur paiement, elle s'était bornée, lors de l'instance, à arguer de ce que la bailleresse n'apportait aucunement la preuve de leur calcul ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que Mme [H] ne contestait pas les modalités de calcul proposées dans le cadre des conclusions de la bailleresse et des pièces qui y sont annexées et l'a condamnée au paiement des fermages réclamés au titre des années 2016 à 2019 ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les commandements de payer n'apparaissent pas avoir été assortis d'un document faisant apparaître clairement le mode de calcul des fermages réclamés et qu'il ne peut ainsi être reproché au preneur de n'y avoir pas déféré, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

4. Par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté, d'abord, qu'aucune quittance mentionnant le montant du fermage, qui n'avait pas été fixé dans un bail écrit, n'avait été délivrée à la preneuse, ensuite, qu'aucune facture appelant le paiement ne lui avait été transmise, enfin, que les commandements de payer ne détaillaient pas le mode de calcul du fermage.

5. La cour d'appel, qui, se plaçant à la date de la demande de résiliation, en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante sur leur invocation par la preneuse antérieurement à l'instance en résiliation, l'existence de raisons sérieuses et légitimes de non-paiement des fermages, a légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La bailleresse fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résiliation du bail pour agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, alors « que s'il incombe en principe au bailleur sollicitant la résiliation du bail d'établir que le preneur a commis des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, il appartient au preneur qui a procédé au retournement de parcelles de terres en herbe sans l'autorisation du bailleur d'établir que ces agissements n'ont pas été de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dispositions de l'article L. 411-29 du code rural et la pêche maritime imposant au preneur, avant de procéder à une opération de retournement de parcelles de terres en herbe de faire connaître au bailleur, à défaut d'obtenir l'accord de celui-ci, dans le mois qui précède l'opération de retournement, une description détaillée des travaux par lettre recommandée avec avis de réception, ont été méconnues ; qu'en retenant, pour débouter Mme [E] de sa demande de résiliation du bail, qu'il n'est pas démontré qu'il résultait de ces travaux que la bonne exploitation du fonds soit compromise quand il appartenait au preneur, qui n'avait pas sollicité l'autorisation du bailleur avant d'effectuer les travaux, d'établir que ces travaux n'ont pas compromis la bonne exploitation du fonds, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 411-29, L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a, par motifs adoptés, exactement énoncé que le bailleur, qui demande la résiliation du bail au motif que le preneur a procédé à un retournement de parcelles de terres en herbe en méconnaissance des dispositions de l'article L. 411-29 du code rural et de la pêche maritime, doit prouver que ce manquement est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds au sens de l'article L. 411-31, I, 2°, du même code.

8. Ayant, sans inverser la charge de la preuve, souverainement retenu que la bailleresse ne démontrait pas que le retournement des parcelles était de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] et la condamne à payer à la société civile professionnelle Gadiou-Chevallier la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [E]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [I] [E] de sa demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages ;

1) ALORS QUE le bailleur peut demander résiliation du bail rural s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance ; qu'aucune disposition légale n'impose que la mise en demeure fasse apparaître le mode de calcul des fermages réclamés ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les commandements de payer n'apparaissent pas avoir été assortis d'un document faisant apparaître clairement le mode de calcul des fermages réclamés et qu'il ne peut ainsi être reproché au preneur de n'y avoir pas déféré, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE le paiement du fermage au terme convenu constitue une obligation essentielle du preneur dont il ne peut unilatéralement s'affranchir ; que si le défaut de paiement réitéré de fermages ne peut pas être invoqué par le bailleur en cas de raisons sérieuses et légitimes, encore faut-il que le preneur ait, à tout le moins, invoqué l'existence de telles raisons avant l'instance en résiliation justifiant qu'il se soit soustrait au paiement des fermages ; qu'il s'ensuit que la seule contestation du montant du fermage lors de l'instance en résiliation ne saurait constituer une raison sérieuse et légitime justifiant le non-paiement du fermage ; qu'en l'espèce, Mme [E] faisait valoir que Mme [H] était de mauvaise foi, qu'elle aurait pu se libérer de ses obligations dans le délai de trois mois imparti ou saisir le tribunal d'une action en contestation du prix du bail mais qu'elle avait préféré garder le silence et ne pas s'exécuter justifiant ainsi la procédure en résiliation du bail (conclusions d'appel, p.4, al.7 à 10) ; qu'en se bornant à relever, pour justifier le rejet de la demande en résiliation du bail pour défaut de paiement du fermage, que les commandements de payer n'apparaissent pas avoir été assortis d'un document faisant apparaître clairement le mode de calcul des fermages réclamés sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si Mme [H] avait invoqué, avant l'instance en résiliation, une raison sérieuse et légitime de se soustraire au paiement du fermage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE si le défaut de paiement réitéré de fermages ne peut pas être invoqué par le bailleur en cas de raisons sérieuses et légitimes, encore faut-il que le preneur ait établi l'existence de telles raisons justifiant qu'il se soit soustrait au paiement des fermages ; qu'il appartient ainsi au preneur qui conteste le montant du fermage réclamé d'établir qu'il est erroné ou de justifier d'une raison de douter de son montant ; qu'en l'espèce, il était constant que Mme [H] ne contestait pas l'absence de paiement des fermages et que, pour s'opposer à leur paiement, elle s'était bornée, lors de l'instance, à arguer de ce que la bailleresse n'apportait aucunement la preuve de leur calcul (jugement, p.5, §6) ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que Mme [H] ne contestait pas les modalités de calcul proposées dans le cadre des conclusions de la bailleresse et des pièces qui y sont annexées et l'a condamnée au paiement des fermages réclamés au titre des années 2016 à 2019 (arrêt, p.3, pén. al) ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les commandements de payer n'apparaissent pas avoir été assortis d'un document faisant apparaître clairement le mode de calcul des fermages réclamés et qu'il ne peut ainsi être reproché au preneur de n'y avoir pas déféré, la cour d'appel a violé l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme [I] [E] de sa demande de résiliation du bail pour agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ;

ALORS QUE s'il incombe en principe au bailleur sollicitant la résiliation du bail d'établir que le preneur a commis des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, il appartient au preneur qui a procédé au retournement de parcelles de terres en herbe sans l'autorisation du bailleur d'établir que ces agissements n'ont pas été de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les dispositions de l'article L. 411-29 du code rural et la pêche maritime imposant au preneur, avant de procéder à une opération de retournement de parcelles de terres en herbe de faire connaître au bailleur, à défaut d'obtenir l'accord de celui-ci, dans le mois qui précède l'opération de retournement, une description détaillée des travaux par lettre recommandée avec avis de réception, ont été méconnues ; qu'en retenant, pour débouter Mme [E] de sa demande de résiliation du bail, qu'il n'est pas démontré qu'il résultait de ces travaux que la bonne exploitation du fonds soit compromise quand il appartenait au preneur, qui n'avait pas sollicité l'autorisation du bailleur avant d'effectuer les travaux, d'établir que ces travaux n'ont pas compromis la bonne exploitation du fonds, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles L. 411-29, L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ensemble l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-14202
Date de la décision : 25/01/2023
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 janvier 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 25 jan. 2023, pourvoi n°21-14202


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:21.14202
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