LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er février 2023
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 77 F-D
Pourvoi n° J 21-13.133
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2023
La société Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage, société civile professionnelle, anciennement dénommée Postillon, Ouaknine, Domenge, Pujol, Thuret, Alpini, Bucceri, [H] et Sauvage société titulaire d'un office notarial, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 21-13.133 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société MJS Partners, société d'exercice libéral par actions simplifiée, anciennement dénommée Soinne, dont le siège est [Adresse 5], mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises, prise en qualité de mandataire liquidateur de Mme [D] [J],
2°/ à Mme [D] [J], domiciliée [Adresse 6],
3°/ à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Caisse d'épargne et prévoyance Nord France Europe,
4°/ à la société B-Patrimoine Investment management, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par son liquidateur, la société [V]-Daude, prise en la personne de M. [B] [V],
5°/ à la société [V]-Daude, société civile professionnelle de mandataires liquidateurs, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur de la société B-Patrimoine Investment management,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage, de Me Bertrand, avocat de la société MJS Partners, ès qualités, et de Mme [J], et l'avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mme [J] et à la société MJS Partners, en sa qualité de mandataire liquidateur de celle-ci, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse d'épargne et de prévoyance Hauts-de-France, venant aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe, la société B-Patrimoine et la SCP [V]-Daude, ès qualités.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-21.268), suivant acte authentique reçu le 6 juillet 2011 par M. [B] [H], notaire associé au sein de la SCP Postillon, Domenge, Pujol, Thuret, Alpini, Bucceri, [H], Sauvage, devenue la SCP Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage (la SCP), Mme [J] (l'acquéreur), après avoir conclu, le 15 novembre 2010, un contrat de réservation d'un logement meublé en l'état futur d'achèvement, a acquis cet immeuble de la SAS Foncière Beaulieu patrimoine (le vendeur), au prix de 187 733 euros, partiellement financé par un prêt d'un montant de 179 437 euros souscrit auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Nord France Europe (le prêteur).
3. Exposant que les travaux n'étaient pas achevés, l'acquéreur a assigné le vendeur en nullité de l'acte de vente, le prêteur en nullité du prêt et la SCP en responsabilité et indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [J] et la société MJS Partners, ès qualités, font grief à l'arrêt de condamner la SCP à payer à la première la somme de 173 075 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 au titre de la restitution du prix de vente, et la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que l'obligation de soumettre une cession au régime impératif des ventes en l'état futur d'achèvement dépend de la nature des obligations engendrées par cet acte et non de celles qu'a pu faire naître un contrat de réservation antérieurement conclu ; qu'en retenant que la vente litigieuse devait être soumise au régime de la vente en l'état futur d'achèvement, qui imposait au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, au motif que le régime applicable dépendait de la situation de l'immeuble au jour du contrat de réservation, bien que seules les obligations engendrées par la vente aient dû être prises en compte et qu'elle ait constaté que le notaire avait valablement établi son acte, le 6 juillet 2011, au regard d'une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux depuis le 30 décembre 2010, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était pas applicable, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
2°/ que la vente en l'état futur d'achèvement est celle par laquelle le vendeur s'oblige, dans un délai déterminé par le contrat, à édifier un immeuble qui n'est pas achevé au jour de la vente et dans laquelle le paiement du prix est échelonné à mesure de l'exécution par le vendeur de son obligation de construire après la conclusion de la vente ; qu'en affirmant que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement s'imposait en l'espèce, et faisait en conséquence obligation au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, car l'immeuble devait faire l'objet d'une rénovation lourde par le vendeur au moment du contrat de réservation, quand un tel contrat de réservation ne constituait pas une vente dès lors que l'acheteur n'est pas encore obligé d'acquérir, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était applicable que si l'immeuble n'était pas achevé au jour de la vente ultérieurement reçue par le notaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
5. Ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'acte de vente du 6 juillet 2011 plaçait expressément le contrat sous le régime de la vente en l'état futur d'achèvement par la référence aux articles L. 261-2 et R. 262-1 du code de la construction et de l'habitation, que le projet correspondait à la définition de la reconstruction donnée par ce dernier texte, et que, si le vendeur avait fait croire à Mme [J] que les travaux étaient terminés le 6 juillet 2011, date de la signature de la vente, ils n'avaient été en réalité achevés qu'en février 2014, la cour d'appel a pu en déduire que la vente était soumise au régime de la vente en l'état futur d'achèvement.
6. Le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première.
7. Il ne peut donc être accueilli.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage et la condamne à payer à Mme [J] et à la société MJS Partners, ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage
La SCP de notaires Carol Domenge, Franco Bucceri, [B] [H], Vincent Sauvage fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [J] la somme de 173 075 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2011 au titre de la restitution du prix de vente, et la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
1° ALORS QUE l'obligation de soumettre une cession au régime impératif des ventes en l'état futur d'achèvement dépend de la nature des obligations engendrées par cet acte et non de celles qu'a pu faire naître un contrat de réservation antérieurement conclu ; qu'en retenant que la vente litigieuse devait être soumise au régime de la vente en l'état futur d'achèvement, qui imposait au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, au motif que le régime applicable dépendait de la situation de l'immeuble au jour du contrat de réservation, bien que seules les obligations engendrées par la vente aient dû être prises en compte et qu'elle ait constaté que le notaire avait valablement établi son acte, le 6 juillet 2011, au regard d'une déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux depuis le 30 décembre 2010, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était pas applicable, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
2° ALORS QUE la vente en l'état futur d'achèvement est celle par laquelle le vendeur s'oblige, dans un délai déterminé par le contrat, à édifier un immeuble qui n'est pas achevé au jour de la vente et dans laquelle le paiement du prix est échelonné à mesure de l'exécution par le vendeur de son obligation de construire après la conclusion de la vente ; qu'en affirmant que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement s'imposait en l'espèce, et faisait en conséquence obligation au notaire de s'assurer de l'existence de garanties d'achèvement, car l'immeuble devait faire l'objet d'une rénovation lourde par le vendeur au moment du contrat de réservation, quand un tel contrat de réservation ne constituait pas une vente dès lors que l'acheteur n'est pas encore obligé d'acquérir, de sorte que le régime de la vente en l'état futur d'achèvement n'était applicable que si l'immeuble n'était pas achevé au jour de la vente ultérieurement reçue par le notaire, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 1601-1 et 1601-3 du code civil, ensemble les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.