LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 115 F-D
Pourvoi n° Q 21-16.473
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 FÉVRIER 2023
1°/ Mme [S] [M], épouse [B],
2°/ M. [G] [B],
domiciliés tous deux lieudit [Adresse 5],
3°/ Mme [L] [U], divorcée [X], domiciliée [Adresse 2],
4°/ M. [O] [U], domicilié lieudit [Adresse 5],
5°/ M. [T] [U], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° Q 21-16.473 contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant à M. [E] [Y], domicilié [Adresse 1], exerçant sous l'enseigne Prim'Info, défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de Me Balat, avocat de Mme [S] [B], M. [G] [B], Mme [L] [U], M. [O] [U] et M. [T] [U], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 4 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 janvier 2021), rendu en référé, à la suite de la destruction du chalet où elle résidait avec son second époux, Mme [B], agissant en qualité de représentante de l'indivision composée également de Mme [L] [U] et de MM. [O] et [T] [U], ses enfants issus de sa première union, a conclu un contrat de maîtrise d'oeuvre avec M. [Y].
2. Un arrêt du 19 mars 2019 a condamné Mme [L] [U] et MM. [O] et [T] [U] à payer une certaine somme à M. [Y] au titre de ses honoraires.
3. Une ordonnance de référé du 10 octobre 2019 a rejeté la demande de M. et Mme [B], Mme [L] [U], MM. [O] et [T] [U] (les consorts [B]-[U]) aux fins d'expertise destinée à constater la non-conformité de l'implantation de leur nouvelle maison aux lieu et place du chalet existant.
4. Par ordonnance du 12 février 2020, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel formée contre cette ordonnance.
5. Le 17 février 2020, les consorts [B]-[U] ont assigné, en référé, M. [Y] aux fins de solliciter une expertise destinée à constater la non-conformité de l'implantation de la nouvelle maison aux lieu et place du chalet existant.
Examen des moyens
Sur le premier moyen Enoncé du moyen
6. Les consorts [B]-[U] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'expertise et de les condamner à payer une amende civile et à M. [Y] une certaine somme provisionnelle à titre de dommages et intérêts, alors « qu'une ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en cas de circonstances nouvelles ; que les courriers du maire de [Localité 4] des 19 décembre 2019 et 11 février 2020, annonçant aux consorts [B]-[U] que la commune envisageait de poursuivre la démolition de l'ouvrage construit par M. [Y] en raison du non-respect par celui-ci des prescriptions du permis de construire, constituaient une circonstance nouvelle dès lors que la menace de démolition qu'ils contenaient renforçait le caractère manifestement nécessaire de l'organisation de la mesure d'expertise qui avait été refusée par la première ordonnance de référé du 10 octobre 2019 ; qu'en décidant que, s'agissant de la production d'un simple élément de preuve, la demande d'expertise était irrecevable à défaut de circonstances nouvelles, cependant qu'une circonstance nouvelle se trouvait caractérisée par la menace émise par la commune de poursuivre la démolition de l'immeuble mal implanté, la cour d'appel a violé les articles 145 et 488 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a rappelé, d'une part, que, si l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elle bénéficie de l'autorité de la chose jugée au provisoire et ne peut être modifiée ou rapportée qu'en cas de circonstances nouvelles et, d'autre part, que la production de nouveaux moyens de preuve ne constitue pas une circonstance nouvelle qui s'entend d'un fait juridique nouveau.
8. Ayant ensuite relevé, par motifs propres et adoptés, que le non-respect des prescriptions du permis de construire allégué dans la lettre du maire du 19 décembre 2019, dont se prévalaient les consorts [B]-[U] à l'appui de leur nouvelle demande d'expertise, avait déjà été évoqué lors de la précédente instance devant le juge des référés et que le constat d'huissier de justice du 13 juin 2019, sur lequel se fondait le maire pour justifier le défaut d'implantation de la maison, avait été établi avant que le juge ne rende l'ordonnance du 10 octobre 2019, elle en a exactement déduit qu'en l'absence de circonstances nouvelles, la demande d'expertise devait être déclarée irrecevable.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen Enoncé du moyen
10. Les consorts [B]-[U] font grief à l'arrêt de les condamner à payer une amende civile et à M. [Y] une certaine somme provisionnelle à titre de dommages et intérêts, alors « qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus de droit ; qu'en condamnant les consorts [B]-[U], au titre d'un abus du droit d'agir en justice, à payer une somme de 3 000 euros à titre d'amende civile et une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [Y], au motif qu'ils avaient, dans le cadre d'autres procédures, contesté le montant des honoraires dus à M. [Y] et relevé appel de la première ordonnance de référé, pourtant « parfaitement motivée », la cour d'appel qui n'a pas ce faisant caractérisé l'abus de droit a violé les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que moins d'un an après l'arrêt du 19 mars 2019 les condamnant à payer des honoraires à M. [Y] et ayant écarté le moyen portant sur leurs doléances relatives à l'implantation de la nouvelle construction en remplacement du chalet, les consorts [B]-[U] avaient saisi le juge des référés aux fins de solliciter une expertise judiciaire destinée à constater cette erreur d'implantation.
12. Elle a également constaté que, malgré cet arrêt et le rejet de cette demande d'expertise par ordonnance du 10 octobre 2019, contre laquelle ils avaient interjeté appel mais n'avaient pas conclu dans le délai requis, les consorts [B]-[U] avaient saisi le juge des référés de la même demande quelques mois plus tard.
13. La cour d'appel, qui a déduit, par ces seuls motifs, que les consorts [B]-[U] avaient saisi, à nouveau, le juge des référés dans le but manifeste de différer l'exécution des décisions irrévocables rendues au profit de M. [Y], a caractérisé l'abus du droit d'agir en justice.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [S] [B], M. [G] [B], Mme [L] [U], M. [O] [U] et M. [T] [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [S] [B], M. [G] [B], Mme [L] [U], M. [O] [U] et M. [T] [U] et les condamne in solidum à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme [S] [B], M. [G] [B], Mme [L] [U], MM. [O] et [T] [U]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [B]/[U] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande d'expertise et de les avoir condamnés à payer à M. [Y] la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et à payer une amende civile de 3 000 euros ;
ALORS QU' une ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en cas de circonstances nouvelles ; que les courriers du maire de [Localité 4] des 19 décembre 2019 et 11 février 2020, annonçant aux consorts [B]/[U] que la commune envisageait de poursuivre la démolition de l'ouvrage construit par M. [Y] en raison du non-respect par celui-ci des prescriptions du permis de construire, constituaient une circonstance nouvelle dès lors que la menace de démolition qu'ils contenaient renforçait le caractère manifestement nécessaire de l'organisation de la mesure d'expertise qui avait été refusée par la première ordonnance de référé du 10 octobre 2019 ; qu'en décidant que, s'agissant de la production d'un simple élément de preuve, la demande d'expertise était irrecevable à défaut de circonstances nouvelles, cependant qu'une circonstance nouvelle se trouvait caractérisée par la menace émise par la commune de poursuivre la démolition de l'immeuble mal implanté, la cour d'appel a violé les articles 145 et 488 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Les consorts [B]/[U] reprochent à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à payer à M. [Y] la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et une amende civile de 3 000 euros ;
ALORS QU' une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, dégénérer en abus de droit ; qu'en condamnant les consorts [B]/[U], au titre d'un abus du droit d'agir en justice, à payer une somme de 3 000 euros à titre d'amende civile et une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [Y], au motif qu'ils avaient, dans le cadre d'autres procédures, contesté le montant des honoraires dus à M. [Y] et relevé appel de la première ordonnance de référé, pourtant « parfaitement motivée » (arrêt attaqué, p. 4, alinéas 9 à 13), la cour d'appel qui n'a pas ce
faisant caractérisé l'abus de droit qu'elle a imputé aux exposants a violé les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil.