LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 février 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 136 F-D
Pourvoi n° Z 21-20.829
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 FÉVRIER 2023
La société La Musaie, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-20.829 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2021 par la cour d'appel de Caen (2e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. [X] [H], domicilié [Adresse 6], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société civile immobilière La Musaie, de Me Balat, avocat de M. [H], après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 3 juin 2021), propriétaire d'une parcelle cadastrée G n° [Cadastre 5], M. [H] a assigné la société civile immobilière La Musaie (la SCI), propriétaire des parcelles contiguës G n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], en étêtage de plantations de plus de deux mètres de hauteur situées entre un demi-mètre et deux mètres de la limite séparative des fonds.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors :
« 1°/ qu'il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par des règlements particuliers ou par des usages constants et reconnus, et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que la cour d'appel constate qu'il existe dans l'Orne un usage selon lequel tout propriétaire qui veut clore son héritage par un fossé, une haie ou un talus, doit, dans toute la longueur de la propriété voisine et du côté de cette propriété, laisser une bande de terrain de 0,50m de largeur ; qu'en faisant néanmoins application des règles supplétives de l'article 671 du code civil relatives aux plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, aux motifs qu'il n'apparaît pas que des usages constants et reconnus réglementant la hauteur des arbres dépassant deux mètres trouvent à s'appliquer, après avoir pourtant elle-même constaté que l'usage précité concernait toute haie sans distinction, ce dont il devait se déduire que cet usage était également applicable aux plantations de plus de deux mètres de hauteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 671 du code civil ;
2°/ que le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant qu'il n'était pas contesté que la haie plantée par la SCI La Musaie était à une distance moyenne de 1,45m de la clôture mitoyenne, cependant que la SCI La Musaie soutenait qu'il n'était pas démontré que la haie litigieuse soit située à moins de deux mètres de la limite séparative des deux fonds, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la SCI La Musaie, en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
3. Ayant constaté que la haie, située à une distance moyenne de un mètre quarante-cinq de la limite séparative des fonds, comprenait des arbres de plus de deux mètres de hauteur en se fondant sur un rapport d'expertise amiable et un constat d'huissier de justice, la cour d'appel, sans contradiction, a souverainement retenu que, si les usages locaux de l'Orne prévoyaient que tout propriétaire qui veut clore son héritage par un fossé, une haie ou un talus, doit, dans toute la longueur de la propriété voisine et du côté de cette propriété, laisser une bande de terrain de cinquante centimètres de largeur, il n'existait pas d'usage constant et reconnu réglementant la hauteur des arbres de plus de deux mètres.
4. Elle en a exactement déduit que les dispositions de l'article 671 du code civil, n'autorisant les plantations de plus de deux mètres de hauteur qu'à une distance de deux mètres de la limite séparative des fonds, étaient applicables.
5. Inopérant en sa seconde branche, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière La Musaie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière La Musaie et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière La Musaie
La SCI La Musaie reproche à l'arrêt attaqué de lui avoir enjoint de réduire la hauteur à deux mètres la partie ou les parties de la haie plantées entre un demi-mètre et moins de deux mètres de la ligne séparative entre la parcelle cadastrée G n°[Cadastre 5] appartenant à M. [H] et les parcelles cadastrées G n°[Cadastre 4], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] appartenant à la SCI La Musaie, sous astreinte,
Alors que 1°), il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par des règlements particuliers ou par des usages constants et reconnus, et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations ; que la cour d'appel constate qu'il existe dans l'Orne un usage selon lequel « tout propriétaire qui veut clore son héritage par un fossé, une haie ou un talus, doit, dans toute la longueur de la propriété voisine et du côté de cette propriété, laisser une bande de terrain de 0,50m de largeur » (arrêt, pp. 5 et 6) ; qu'en faisant néanmoins application des règles supplétives de l'article 671 du code civil relatives aux plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, aux motifs qu'« il n'apparaît pas que des usages constants et reconnus réglementant la hauteur des arbres dépassant deux mètres trouvent à s'appliquer » (arrêt, p. 6), après avoir pourtant elle-même constaté que l'usage précité concernait toute « haie » sans distinction, ce dont il devait se déduire que cet usage était également applicable aux plantations de plus de deux mètres de hauteur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a ainsi violé l'article 671 du code civil,
Alors, subsidiairement, que 2°), le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en jugeant qu'il n'était pas contesté que la haie plantée par la SCI La Musaie était à une distance moyenne de 1,45m de la clôture mitoyenne (arrêt, p. 6, § 5), cependant que la SCI La Musaie soutenait qu'il n'était pas démontré que la haie litigieuse soit située à moins de deux mètres de la limite séparative des deux fonds (conclusions, pp. 27 à 29), la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la SCI La Musaie, en violation du principe susvisé.