LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 mars 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 196 F-D
Pourvoi n° R 18-24.581
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2023
M. [J] [S], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° R 18-24.581 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [B] [M], épouse [T], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à M. [Y] [E] [G], domicilié [Adresse 7],
3°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 6],
4°/ au syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 4], représenté par son syndic la société Organigram, dont le siège est [Adresse 2],
5°/ à la société Gan assurances IARD, dont le siège est [Adresse 5],
6°/ à la société Etanchéité insulaire, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [S], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Gan assurances IARD, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 31 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Etanchéité insulaire.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 19 septembre 2018), M. [S] a confié des travaux de réhabilitation de combles, situés au troisième étage d'un immeuble en copropriété, à M. [E] [G], assuré auprès de la société Gan assurances, sous la maîtrise d'oeuvre de la société BEEC, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).
3. Invoquant notamment le risque d'effondrement du plancher séparant les deuxième et troisième niveaux du bâtiment, Mme [M], propriétaire d'un appartement situé au deuxième étage, a, après expertise, assigné M. [S], le syndicat des copropriétaires [Adresse 3], les constructeurs et leurs assureurs en réparation sur le fondement, notamment, du trouble anormal du voisinage.
4. M. [S] a sollicité la complète garantie des locateurs d'ouvrage et de leurs assureurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. M. [S] fait grief à l'arrêt de fixer, sur son recours à l'encontre des locateurs d'ouvrage au titre du préjudice matériel, un partage laissant 20 % de responsabilité à sa charge, soit la somme de 39 320 euros, alors « que seule l'immixtion fautive du maître de l'ouvrage notoirement compétent est susceptible d'exonérer le constructeur de sa garantie décennale ; qu'en jugeant que M. [S] avait contribué à son propre dommage à hauteur de 20% des préjudices matériels sans caractériser une immixtion fautive de sa part ni rechercher s'il était compétent en matière de construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a relevé que M. [S], avait, bien que n'y ayant pas été autorisé par une assemblée générale, fait procéder à la surélévation de la toiture et modifier les combles pour en faire un logement en accroissant la charge sur un plancher très ancien par changement de destination, après avoir refusé un devis du maître d'oeuvre préconisant une réhabilitation complète qu'il se refusait toujours à entreprendre, y privilégiant un simple confortement, en dépit des conclusions et préconisations du rapport de l'expert.
8. Ayant pu déduire de ces constatations la prise délibérée de risques que M. [S] ne pouvait ignorer, tant au regard de l'ancienneté du bâtiment que de son refus persistant d'une réhabilitation complète et conforme aux règles de l'art, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur l'immixtion fautive du maître de l'ouvrage, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [S]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. [S] à payer à Mme [M] 1 584 euros au titre des travaux de raccordement du WC de l'appartement de M. [S] ;
AUX MOTIFS QUE M. [S] reconnaît avoir fait passer l'évacuation des eaux usées de l'appartement créé au troisième niveau de l'immeuble par l'appartement vendu à Mme [M] ; que contrairement à ce qu'il allègue, il ne résulte pas des pièces qu'il produit que la canalisation préexistait à la vente alors que Mme [M] verse aux débats des photographies prises par elle antérieurement à l'achat et qui montrent l'absence de canalisation de ce type dans son appartement, ce que confirme le procès-verbal d'huissier en date du 6 février 2004 ; qu'en outre, le procès-verbal d'assemblée générale du 29 octobre 2004 ne concerne manifestement pas la colonne traversant les parties privatives mais une évacuation par les parties communes ; qu'enfin, les pièces versées aux débats démontrent parfaitement le caractère sauvage et sans droit ni titre de l'installation de cette évacuation, la plus directe et la plus commode pour M. [S] au détriment de Mme [M], évacuation installée, au vu des procès-verbaux d'huissiers des 6 février et 29 octobre 2005 ainsi que du 4 mars 2005, postérieurement à la vente ; que la responsabilité de M. [S] est donc engagée sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil ; que toutefois, M. [S] produit le procès-verbal d'assemblée générale du 22 août 2011, dont il n'est pas allégué qu'il ne soit pas définitif, dont il résulte que (résolution 10) Mme [M] a autorisé "le passage de la canalisation des eaux usées à la condition que M. [S] fasse réparer définitivement la fuite provenant vraisemblablement de sa salle de bain" ; que cet accord, uniquement conditionné à la réparation de la fuite, n'est pas provisoire ; qu'en conséquence, l'appelante n'est pas fondée à demander la condamnation de M. [S] au dépôt des travaux de raccordement ; qu'en revanche, il ne résulte pas de cet accord qu'elle devait prendre en charge les travaux nécessaires à cet effet, et M. [S] sera, en conséquence condamné à rembourser à Mme [M] les sommes qu'elle a payé[es] à ce titre, ce raccordement étant en outre à son seul bénéfice ; qu'en l'état des pièces produites, ces sommes sont justifiées à hauteur de 1 584 euros ;
ALORS QUE M. [S] soutenait dans ses écritures d'appel que « la canalisation d'eaux usées est une partie commune qui dessert chaque étage » (conclusions, p. 9, § 14) et en déduisait que seul le syndicat de copropriété pouvait être tenue de rembourser les sommes engagées pour réaliser le raccordement à Mme [M] (conclusions, p. 10, §3) ; qu'en jugeant que M. [S] était tenu de rembourser les sommes payées par Mme [M] au titre du raccordement sans répondre au moyen soulevé par M. [S], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé dans leurs rapports entre eux le partage de responsabilité entre M. [S], M. [E] [G] et la Sarl BEEC au titre du préjudice matériel ainsi que suit : 20% à la charge de M. [S], 60 % à la charge de M. [E] [G], 20% à la charge de la Sarl BEEC, et d'AVOIR en conséquence dit que M. [S] conserverait à sa charge 20% du préjudice matériel, soit 39 320 euros, avec indexation sur l'indice du bâtiment depuis le jour du dépôt d'expertise jusqu'à parfait paiement ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que [M. [S]] s'est adressé à des professionnels pour restructurer son bien, sans toutefois souscrire d'assurance dommage ouvrages ; qu'il a fait intervenir des entreprises sur des parties communes, a fait le choix de l'entreprise de M Nunez [G] sous la direction et le contrôle de la Sarl BEEC et refusé une réhabilitation complète, ce qu'il refuse toujours en cherchant, devant la cour, à privilégier un simple confortement ; qu'il a donc contribué à son propre dommage ; [?] que compte tenu de cette analyse, les responsabilités seront partagées entre M. [S], M Nunez [G] et la Sarl BEEC ; que celle de M. [S] est retenue pour 20% et M. [E] [G] et la Sarl BEEC pour les 80% restant, à hauteur de 60% pour M. [E] [G] et de 20 % pour la Sarl BEEC ;
1o) ALORS QUE le défaut de souscription de l'assurance obligatoire dommages-ouvrage par le maître de l'ouvrage n'est pas une cause exonératoire de la responsabilité de plein droit du constructeur ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a derechef violé l'article 1792 du code civil ;
2o) ALORS QUE seule l'immixtion fautive du maître de l'ouvrage notoirement compétent est susceptible d'exonérer le constructeur de sa garantie décennale ; qu'en jugeant que M. [S] avait contribué à son propre dommage à hauteur de 20% des préjudices matériels sans caractériser une immixtion fautive de sa part ni rechercher s'il était compétent en matière de construction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.