LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 278 F-D
Pourvoi n° N 22-10.863
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2023
La société Teautaraa, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-10.863 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à la Polynésie française, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Teautaraa, de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la Polynésie française, après débats en l'audience publique du 7 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 28 octobre 2021), reprochant à la Polynésie française d'avoir commis une voie de fait en faisant réaliser sans titre, en 1990, 2005 et 2008, des travaux de creusement d'un canal et d'aménagement d'une voie de passage réduisant la superficie de sa propriété, la société civile immobilière Teautaraa (la SCI) l'a, le 11 février 2014, assignée en indemnisation de ses préjudices.
2. Par jugement du 12 août 2016, le tribunal de première instance de Papeete a dit que la Polynésie française était responsable des dommages causés par les travaux constitutifs d'une voie de fait et a ordonné une mesure d'instruction.
3. Par arrêt du 12 octobre 2017, la cour d'appel de Papeete a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions et condamné la Polynésie française au paiement d'une provision.
4. L'expert a déposé son rapport le 25 janvier 2019.
5. Par jugement du 20 novembre 2019, le tribunal de première instance de Papeete s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction administrative.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La SCI fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement, alors « que par un arrêt définitif du 12 octobre 2017, la cour d'appel de Papeete a confirmé le jugement du 12 août 2016, du Tribunal civil de première instance de Papeete qui avait dans son dispositif déclaré la Polynésie Française responsable des dommages causés par les travaux exécutés en 1990, 2005 et 2008 sur la terre Teautaraa constitutifs de voies de fait et avait dit que la Polynésie devra indemniser la SCI Teautaraa ; qu'ainsi, la compétence du juge judiciaire et le principe d'une indemnisation du préjudice subi par la SCI Teautaraa étaient revêtus de l'autorité de la chose jugée ; qu'en déboutant la SCI Teautaraa de ses demandes d'indemnisation et en déclarant le juge judiciaire incompétent au profit de la juridiction administrative, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par ces décisions rendues dans la même instance en violation des articles 284 du code de procédure civile de la Polynésie française et 1351 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. La Polynésie française conteste la recevabilité du moyen en soutenant que la SCI n'a pas invoqué l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 12 octobre 2017.
8. Cependant, le moyen n'est pas nouveau dès lors que, dans sa requête d'appel, la SCI invoquait l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions antérieures rendues dans la même instance, dont l'arrêt du 12 octobre 2017.
9. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 284 du code de procédure civile de la Polynésie française :
10. Aux termes du premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.
11. Selon le second, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
12. Pour dire la juridiction judiciaire incompétente, l'arrêt retient que la réalisation des travaux ne constitue pas une voie de fait en l'absence d'extinction du droit de propriété.
13. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 12 octobre 2017 avait confirmé le jugement du 12 août 2016 ayant, dans son dispositif, constaté que les travaux étaient constitutifs d'une voie de fait et reconnu la responsabilité de la Polynésie française pour les dommages en découlant, la cour d'appel, qui a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Polynésie française, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne la Polynésie française aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Polynésie française et la condamne à payer à la société civile immobilière Teautaraa la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.