LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 20 avril 2023
Rejet
Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 422 F-D
Pourvoi n° Z 21-22.462
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2023
M. [U] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 21-22.462 contre la décision du bâtonnier rendue le 14 janvier 2019 par le conseil de l'ordre des avocats du tribunal de grande instance de Paris, dans le litige l'opposant à Mme [M] [Y], prise tant en son nom personnel qu'en qualité de liquidatrice de l'AARPI [G] et [Y], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [P], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon la décision rectificative attaquée (bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris, 14 janvier 2019), en 2007, M. [P] a confié au cabinet d'avocats CMS Francis Lefebvre, la défense de ses intérêts dans une procédure administrative à la suite d'un redressement fiscal et d'une procédure pénale pour fraude fiscale. Au sein de ce cabinet, Mme [Y] a travaillé aux côtés de [I] [G] aux fins d'assurer la défense de M. [P].
2. En 2011, Mme [Y] et [I] [G] ont quitté le cabinet CMS Francis Lefebvre et ont créé une association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle l'AARPI, [G] et [Y] (l'AARPI).
3. Le 24 mai 2012, Mme [Y], [I] [G] et M. [P] ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une requête conjointe aux fins de fixation du montant des honoraires dus par ce dernier.
4. Par décision du 25 septembre 2012, le bâtonnier a constaté l'accord de [I] [G] et de M. [P] pour fixer à 395 736,60 euros le montant total des honoraires dus à [I] [G] par M. [P] et dit que faute de règlement, M. [P] devrait verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision.
5. A la suite du décès de [I] [G], le 5 novembre 2012, Mme [Y], agissant en qualité de liquidatrice de l'AARPI, a fait délivrer à M. [P], le 13 décembre 2017, un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour recouvrer les honoraires majorés d'intérêts.
6. Par un jugement du 28 mai 2018, un juge de l'exécution, saisi par M. [P], a annulé ce commandement au motif que l'AARPI était dépourvue de la personnalité morale.
7. Par une décision du 14 janvier 2019, le bâtonnier, faisant droit à la demande de Mme [Y] de rectification d'erreur matérielle de la décision rendue le 25 septembre 2012, a dit que M. [P] devra verser à [I] [G] et conjointement à Mme [Y] la somme de 395 736,50 euros et que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision.
8. M. [P] a formé un pourvoi contre cette décision rectificative.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
9. M. [P] fait grief à la décision de constater l'accord des parties pour fixer à 395 736,50 euros le montant total des honoraires dus conjointement à [I] [G] et Mme [Y] par M. [P], que la TVA n'est pas sollicitée et qu'aucun règlement même partiel n'est intervenu et de dire en conséquence que M. [P] devra verser à [I] [G] et conjointement à Mme [Y] cette somme alors :
« 1°/ que le bâtonnier ne doit pas, sous couvert de la rectification d'une erreur matérielle, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par une précédente décision ; que, dans la décision rectifiée du 25 septembre 2012, après avoir identifié que les parties étaient [I] [G] et M. [P] et relevé qu'il avait été saisi par [I] [G] d'une demande en fixation des honoraires sollicités auprès de son client M. [P] et que les deux parties avaient comparu, le bâtonnier a constaté que les parties s'accordaient pour fixer à 395 736,60 euros le montant total des honoraires dus à [I] [G] par M. [P] tel que cela ressortait d'une note d'honoraires et auquel M. [P] a acquiescé lors de l'audience ; que, pour rectifier le dispositif de cette décision et étendre la condamnation de M. [P] au profit de Mme [Y], le bâtonnier retient que la requête initiale avait été clairement déposée au nom des deux associés, [I] [G] et Mme [Y] de sorte que la décision rendue, et notamment le « par ces motifs », aurait dû constater l'accord des parties et donc du débiteur M. [P] pour fixer à 395 736,50 euros le montant total des honoraires dus certes à [I] [G] mais également à Mme [Y] ; qu'en ajoutant un nouveau créancier en se fondant sur le seul fait que la requête avait également été déposée à son nom, quand il ne résultait nullement des énonciations de la décision que le bâtonnier avait entendu étendre à Mme [Y] le bénéfice des honoraires fixés et la condamnation de M. [P] au paiement de ces honoraires, le bâtonnier a excédé ses pouvoirs et a violé l'article 462 du code de procédure civile ;
2°/ que, dans la requête en fixation des honoraires du 24 mai 2012, [I] [G] et Mme [Y] exposaient que « le cabinet a assisté et assiste M. [P] depuis le mois d'avril 2007 dans différentes procédures » et demandaient au « bâtonnier (?) de prendre une ordonnance de taxe en l'état de l'accord express de M. [P] sur le montant des honoraires d'assistance et de conseil dus à la AARPI [G] et [Y] de 395 736,50 euros » ; que, pour rectifier le dispositif de la décision du 25 septembre 2012 et étendre la condamnation de M. [P] au profit de Mme [Y], le bâtonnier retient que « la requête initiale déposée le 24 mai 2012 et qui [a] abouti à la décision du 25 septembre était clairement déposée conjointement au nom des deux associés, à savoir [I] [G] et Mme [Y], les deux étant mentionnés comme signataires et ayant apposé leurs paraphes personnels » et que « la décision rendue, et notamment le par ces motifs, aurait dû constater l'accord des parties et donc du débiteur M. [P] pour fixer à 395 736,50 euros le montant total des honoraires dus certes à [I] [G], mais également à Mme [Y] » ; qu'en retenant que la requête initiale avait été déposée au nom personnel des associés quand il résultait clairement de cette requête que [I] [G] et Mme [Y] agissaient pour l'AARPI et sollicitaient en conséquence que l'ordonnance de taxation soit rendue au profit de l'AARPI [G] et [Y], le bâtonnier a dénaturé la requête du 24 mai 2012, en violation de l'obligation pour le bâtonnier de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la cour
10. Après avoir constaté, sans commettre de dénaturation, que la requête aux fins de faire constater l'accord sur le montant des honoraires avait été déposée conjointement au nom des deux associés, à savoir [I] [G] et Mme [Y], c'est sans excéder ses pouvoirs que le bâtonnier a décidé que la mention, dans le dispositif de la décision du 25 septembre 2012, de [I] [G] comme seul bénéficiaire du montant des honoraires dûs par M. [P] était constitutive d'une erreur matérielle qui pouvait être rectifiée conformément aux dispositions de l'article 462 du code de procédure civile.
11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
12. Le pourvoi revêtant un caractère abusif, il y a lieu d'accueillir la demande d'indemnité fondée sur l'article 628 du code de procédure civile formée par Mme [Y].
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 628 du code de procédure civile, condamne M. [P] à payer à Mme [Y] une indemnité de 4 000 euros ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-trois.