LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2023
Cassation sans renvoi
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 446 F-D
Pourvoi n° G 21-19.319
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
La société ITM logistique équipement de la maison international, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-19.319 contre l'arrêt n° RG : 17/13674 rendu le 14 mai 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société ITM logistique équipement de la maison international, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présentes Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mai 2021), la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par une décision du 21 juin 2016, l'accident déclaré le 9 juin 2016, avec réserves, par la société ITM logistique équipement de la maison international (l'employeur), concernant l'un de ses salariés.
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci, la matérialité du fait accidentel ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ; qu'au stade de la recevabilité, l'employeur n'est pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé ; qu'en présence de telles réserves, la caisse envoie, avant décision, à l'employeur et à la victime d'un accident, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou procède à une enquête auprès des intéressés ; qu'à défaut, la décision de prise en charge de l'accident du travail est inopposable à l'employeur ; qu'en l'espèce, l'employeur avait indiqué, dans son courrier joint à la déclaration d'accident du travail, contester la survenance matérielle d'un accident au temps et au lieu de travail parce que la déclaration d'accident avait été établie sur la base des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs, sans témoin et qu'il n'existait aucun fait accidentel soudain ; que le 21 juin 2016, la caisse avait toutefois pris en charge l'accident, sans instruction préalable ; qu'en rejetant la demande d'inopposabilité de la prise en charge de l'accident par la caisse à l'employeur, quand il ressortait de ses
propres constatations que l'employeur, qui, au stade de la recevabilité des réserves, n'était pas tenue d'apporter la preuve de leur bien-fondé, avait formulé en temps utile des réserves portant sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité même du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R. 441-11, III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Selon ce texte, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.
5. Pour rejeter le recours de l'employeur, l'arrêt relève essentiellement que les réserves de celui-ci sont laconiques, émises de manière formelle, stéréotypées et non circonstanciées par rapport aux faits, et qu'elles font uniquement référence à l'absence de fait accidentel soudain. Il retient qu'aucun élément ne mettant en doute de manière étayée la réalité de la survenance de l'accident ou l'imputabilité des lésions au travail, la caisse n'avait pas à mettre en oeuvre une procédure d'instruction avant la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur, qui, au stade de la recevabilité des réserves, n'était pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé, avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans avoir recueilli les observations de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe six qu'il y a lieu de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE inopposable à la société ITM logistique équipement de la maison international la décision du 21 juin 2016 de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, de l'accident déclaré le 9 juin 2016 par M. [D] ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir et la condamne à payer à la société ITM logistique équipement de la maison international la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.