LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mai 2023
Cassation partielle
Mme AUROY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 313 F-D
Pourvoi n° C 21-19.682
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
Mme [G] [C], divorcée [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 21-19.682 contre l'arrêt rendu le 22 avril 2021 par la cour d'appel de Caen (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [F] [S], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [C], divorcée [S], de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 avril 2021, rectifié le 17 juin 2021), un jugement du 2 avril 2012, confirmé par un arrêt du 14 février 2013, a prononcé le divorce de Mme [C] et de M. [S], mariés sous le régime de la séparation de biens, et ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.
2. Des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et de partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa deuxième branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [C] fait grief à l'arrêt de dire que M. [S] est redevable d'une créance au bénéfice de l'indivision au titre des fruits perçus depuis le 21 décembre 2012, à charge pour lui de justifier devant le notaire désigné des loyers encaissés, de dire que le divorce est devenu définitif le 19 septembre 2012 et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « qu'en retenant tout à la fois que M. [S] avait formé appel général du jugement de divorce du 2 avril 2012, et qu'il avait, dans sa déclaration d'appel, limité son appel au chef de dispositif relatif à la prestation compensatoire, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.
6. Pour juger que le divorce est « devenu définitif » le 19 septembre 2012 et que M. [S] est redevable d'une créance au bénéfice de l'indivision au titre des fruits perçus depuis le 21 décembre 2012, l'arrêt, après avoir constaté que celui-ci a formé appel général du jugement de divorce du 2 avril 2012, relève qu'il a, dans sa déclaration et ses conclusions d'appel, limité son appel à la prestation compensatoire et qu'il en est de même pour Mme [C] dans ses conclusions en réponse du 19 septembre 2012 et en déduit que le prononcé du divorce est passé en force de chose jugée à cette date.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
8. Mme [C] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la liquidation à laquelle il est procédé en cas de divorce englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties ; qu'en retenant, pour débouter Mme [C] de sa demande en fixation de sa créance au titre du devoir de secours, que la condamnation de M. [S] au paiement d'une pension alimentaire au titre de ce devoir avait été prononcée par une décision de justice devenue définitive, dont il appartenait à la créancière d'obtenir l'exécution par les voies de droit qu'une telle condamnation ouvre, la cour d'appel a violé les articles 267 et 1351, devenu 1355, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 213-3, 2° du code de l'organisation judiciaire et l'article 1351, devenu1355 du code civil :
9. La liquidation ordonnée par une décision passée en force de chose jugée à laquelle il est procédé en cas de divorce englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties. Il doit, dès lors, être statué sur les créances entre conjoints, selon les règles applicables à la liquidation de leur régime matrimonial, lors de l'établissement des comptes s'y rapportant.
10. Pour rejeter la demande de Mme [C] tendant à la fixation d'une créance à l'encontre de M. [S] au titre des échéances non payées de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours, l'arrêt retient que la condamnation au paiement d'une telle pension a été prononcée par une décision de justice devenue définitive dont il appartient à la créancière d'obtenir l'exécution par les voies de droit et que la demande présentée lors d'une instance en liquidation-partage est irrecevable.
11. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de trancher le différend opposant les parties sur le montant des échéances de la pension alimentaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation partielle prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. [S] est redevable d'une créance au bénéfice de l'indivision au titre des fruits perçus depuis le 21 décembre 2012, à charge pour lui de justifier devant le notaire désigné des loyers encaissés, dit que le divorce est « devenu définitif » le 19 septembre 2012 et rejette la demande de Mme [C] tendant à voit fixer sa créance à l'égard de M. [S] à titre d'arriérés du devoir de secours, l'arrêt rendu le 22 avril 2021 et rectifié le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-trois.