LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 juin 2023
Cassation
Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 668 F-B
Pourvoi n° D 22-11.361
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 22-11.361 contre l'arrêt n° RG : 18/12006 rendu le 3 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant à la société [2], dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de l'URSSAF [Localité 3], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société [2], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2021), la société [2] (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2008 et 2009 par l'URSSAF d'[Localité 3] (l'URSSAF), ayant donné lieu à une lettre d'observations du 9 octobre 2019, puis à l'envoi le 28 février 2011 d'une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel contre le jugement du 25 septembre 2018, alors « qu'en présence d'une délégation de signature, l'autorité réputée être l'auteur de l'acte reste le délégant ; qu'en l'espèce, l'appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 25 septembre 2018 avait été interjeté par Mme [G], titulaire d'une délégation de signature consentie par le directeur de l'URSSAF ; qu'en jugeant cet appel irrecevable à défaut pour Mme [G] de détenir un pouvoir spécial d'interjeter appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 25 septembre 2018 quand l'auteur de la déclaration d'appel n'était pas Mme [G], délégataire, mais le directeur de l'URSSAF, délégant, qui avait pleinement qualité pour interjeter appel, la cour d'appel a violé les articles 931 et 932 du code de procédure civile, L. 122-1, R. 122-3 et R. 142-28 du code de la sécurité sociale, en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 931 et 932 du code de procédure civile, L. 122-1, R. 122-3, D. 253-6 et R. 142-28 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige et le dernier alors en vigueur :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, formé, instruit et jugé selon la procédure sans représentation obligatoire, l'appel d'un jugement d'une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale ne peut être interjeté par les agents d'un organisme de sécurité sociale, agissant en son nom en vertu d'une délégation de pouvoir, qu'à la condition que ceux-ci aient reçu de leur directeur un mandat comportant un pouvoir spécial. En revanche, ces mêmes agents, agissant au nom du titulaire du droit d'interjeter appel par délégation de signature du directeur de l'organisme de sécurité sociale, n'ont pas à justifier d'un pouvoir spécial.
5. Pour déclarer irrecevable l'appel formé par l'URSSAF, l'arrêt énonce que la délégation de signature au profit de Mme [G] pour l'exécution des missions qui comprennent notamment celles qui consistent à « prendre la décision de désistement de position en cours d'instance, d'appel, de pourvoi et de défense à pourvoi » est générale et ne constitue pas le pouvoir spécial d'interjeter appel du jugement du 25 septembre 2018.
6. En statuant ainsi, alors que Mme [G], sous-directrice, avait reçu, le 3 avril 2018, délégation de signature du directeur de l'URSSAF, s'agissant du contentieux du recouvrement, pour notamment « en cas de décisions de justice défavorables, décider de l'opportunité d'engager ou non un recours et dans l'affirmative prendre la décision d'interjeter appel et/ou de former un pourvoi en cassation », ce dont il résultait qu'elle n'avait pas à justifier d'un pouvoir spécial pour interjeter appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société [2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [2] et la condamne à payer à l'URSSAF [Localité 3] la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-trois.